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Plus fort que les Occidentaux, 
comment les pays émergents 
ont profité de la crise 
pour nous rattraper
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L'élève dépasse le maître

Le centre de gravité de l’économie mondiale continue de se déplacer rapidement vers le monde émergent. La France serait bien avisée d’en tirer rapidement les conséquences.

Christian Déséglise

Christian Déséglise

Christian Déséglise est professeur à l’Université de Columbia de New York et responsable des ventes pour HSBC Global Asset Management dans les Amériques.

Il vient de publier, aux éditions Michel de Maule, Le Défi des pays émergents : une chance pour la France

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Le débat qui avait fait couler tant d’encre en 2008 revient au galop : les pays émergents vont-ils être contaminés par le nouvel accès de crise des pays développés ? Alors qu’il y a cinq ans c'était la contagion américaine que l'on craignait, cette fois-ci c'est la contagion européenne que l'on redoute. Au moindre signe de baisse de régime on craint l'essoufflement. La croissance en Inde passe de 7,8% au premier trimestre 2011 à 5,3% au premier trimestre 2012, celle en Chine de 9,7% à 8,1% et des voix s’élèvent pour prédire la fin du miracle économique émergent. Cette attitude entretient l’illusion que la montée en puissance des pays émergents ne fut qu'une parenthèse sur le point de se refermer. 

Avant d’analyser la situation actuelle des pays émergents, il convient d'en finir avec le mythe du découplage absolu. À part peut-être Cuba et la Corée du Nord, tous les pays sont, à des degrés divers, dépendants les uns des autres. Que ce soit par le biais du commerce international, des flux de capitaux ou des politiques de crédit d’établissements bancaires internationaux, aucun pays n’échappe à la conjoncture mondiale. Les cycles de croissance dans le monde émergent et dans le monde développé suivent le même rythme. En revanche, la divergence entre les deux mondes, ce que j’appellerais le découplage relatif, tient au fait que le cycle de croissance des émergents est depuis 10 ans de 4 à 6 points supérieur à celui des développés et qu'il est fort probable que l’écart reste à ces niveaux pendant encore longtemps. Quand le monde développé affiche 1,5% de croissance, les émergents en affichent 6. Quand le monde développé en affiche 3, les émergents 9. 

La démonstration de cette relative autonomie des pays émergents a été faite pendant la crise de 2008. Loin de succomber à la récession, le monde émergent a pu, grâce à la solidité de ses comptes, mettre en place des politiques contre-cycliques lui permettant de sortir rapidement de la crise. Même si tous les pays n'ont pas été logés à la même enseigne, la Russie a par exemple beaucoup plus souffert que l’Inde, le monde émergent dans son ensemble enregistrait 2,8% de croissance en 2009 contre -3,6 pour le monde développé. Plus grave, la crise a mis à mal les finances publiques des pays développés alors qu'elle a largement épargné celles des pays émergents. Le déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers le monde émergent s’est donc accéléré à la faveur de la crise.

La sortie de crise a été tellement rapide qu’en 2010, face à des risques de surchauffe, tous les grands émergents ont dû serrer la vis monétaire et restreindre le crédit.  En conséquence, les tensions inflationnistes ont diminué et la croissance s'est ralentie. Au cours du dernier semestre, l'aggravation de la crise en Europe et l'affaiblissement de la croissance aux Etats Unis ont contribué à sensiblement freiner la conjoncture dans le monde émergent. Même si la dépendance des pays émergents envers les marches européens et américains diminue rapidement, la Chine, par exemple, destine encore de l’ordre de 20% de ses exportations vers l’Europe et autant vers les Etats-Unis.

Cependant à la différence des pays développés, les émergents ont des marges de manœuvre budgétaires et monétaires très importantes, qui sont le produit d’une décennie de bonne gestion: peu de dettes, une situation fiscale proche de l’équilibre et des taux d’intérêts souvent élevés, qui peuvent donc être diminués.  De quoi faire pâlir d’envie les responsables des pays développés. Le Brésil, puis l'Inde, la Chine, ont ainsi commencé à mettre en place des politiques plus accommodantes. La semaine dernière la Chine a baissé ses taux, pour la première fois depuis 2008.  Elle a aussi accéléré ses programmes d’investissement pour réactiver l’économie.

Il est probable que la croissance en Chine sera moins forte que prévu initialement. Le FMI table sur 8% pour 2012. Excusez du peu. Pourtant, la croissance émergente devrait repartir à la hausse dès le deuxième semestre. Pour 2013, le FMI prévoit 6% de croissance pour l’ensemble du monde émergent, 8.7% pour la Chine et 7.3% pour l’Inde. Faut-il rappeler que le FMI prévoit moins de 1% de croissance dans l’Eurozone, après un chiffre négatif pour 2012 ?

A moyen terme, le décalage de croissance devrait perdurer, car le monde émergent est de moins en moins dépendant du monde développé pour ses exportations et son modèle de croissance se tourne de plus en plus vers son marché domestique, ce qui renforcera son autonomie relative.

Sauf changement dramatique de la dynamique en Europe et en Amérique du nord, et entre les deux zones  (à quand l’accord de libre-échange transatlantique ?) le centre de gravité de l’économie mondiale continuera de se déplacer rapidement vers le monde émergent. La France serait bien avisée d’en tirer rapidement les conséquences pour tourner résolument sa politique industrielle et commerciale vers les gisements de croissance que représentent le monde émergent, ses centaines de millions de nouveaux consommateurs et ses besoins gigantesques en infrastructures. 

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