Petit mémo à l’attention des distraits qui croiraient aux promesses du gouverneur de la banque de France sur son action contre l’inflation<!-- --> | Atlantico.fr
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La façade de l'immeuble de la Banque de France à Paris. 15 janvier 2020
La façade de l'immeuble de la Banque de France à Paris. 15 janvier 2020
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Belles paroles

François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a déclaré prendre l’engagement de ramener l’inflation à 2% d’ici 2024. En réalité, il n'a pas les moyens de tenir une telle promesse

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France a déclaré prendre l’engagement de ramener l’inflation à 2% d’ici 2024. En a-t-il vraiment le pouvoir ? 

Don Diego de la Vega : Monsieur le gouverneur de la Banque de France est l’ancien directeur général délégué de la BNP. Il a refourgué des crédits à des Français pendant 10 ans et vient maintenant dire qu’il y a des problèmes de stabilité financière. Il a aussi été le directeur de cabinet de Dominique Strauss Kahn. C’est un banquier qui raisonne comme tel, donc favorable à la hausse des taux par principe. Cela dit beaucoup de choses de lui. 

Ensuite, il n’a aucun moyen à sa disposition. La banque de France n’est qu’une succursale de la BCE. Elle n’a pas plus de pouvoir qu’un boulanger ou un boucher sur l’inflation en France et en zone euro. C’est le cas depuis qu’on a décidé d’euro. Ceux qui ont le pouvoir sont les membres du comité de politique monétaire de la BCE. François Villeroy de Galhau y est en tant que représentant de la Banque de France, mais il n’a donc qu’une parcelle de pouvoir, au même titre que ses 22 autres collègues autour de la table. 

Son engagement est aussi extraordinairement hypocrite car on sait que le CPI va s’effondrer, sans aucune politique monétaire. L’inflation, telle que mesurée par le CPI en zone euro, est juste une dérivée du pétrole. Quand les hydrocarbures font X4 en 18 mois, cela monte. Mais la seule manière qu’elle demeure à 7% sur un an, serait que le prix des hydrocarbures soit encore multiplié par quatre dans les 18 mois qui viennent. Si le prix du baril se maintient à son niveau actuel, le CPI va mécaniquement s’effondrer. A mon sens il ne s’agit même pas d’inflation mais d’un mouvement de prix relatifs, mais admettons que cela en soit. L’inflation ne va pas revenir à 2% grâce aux efforts du gouverneur de la banque de la France, mais simplement de l’attente. Plus il est artificiellement monté, plus il descendra bas. On l’a vu en 2008-2009 et 2011-2012, ce sont des effets de base et des glissements annuels. L’inflation actuelle vient de chocs d’offre, or les banquiers centraux n’ont aucun impact sur les chocs d’offre. L’inflation monétaire, elle, est inexistante.

Si l’inflation va se réduire d’elle-même, il n’y a donc pas à agir sur la politique monétaire ? 

Ils devraient ne rien faire. Et jusqu’à présent, depuis l’arrivée de Christine Lagarde, ils n’ont rien fait. Et c’est très bien. On peut cyniquement dire que les banquiers centraux vont au secours de la victoire. Ils évoquent une première hausse de taux à l’été, début d’une série de deux ou trois. Cela leur permettra de dire, en fin d’année, quand l’inflation aura mécaniquement baissé, que c’est grâce au durcissement monétaire. C’est un effet de communication. La « victoire » sur l’inflation, viendra de la récession de 2023 et ce n’est pas une victoire. 

La hausse des taux risque-t-elle d’être dommageable ?  

Il n’y a aucun risque de surchauffe de l’économie en 2023. 2023 sera une année de risque de récession très forte. Normalement, dans ce contexte, on privilégie une détente monétaire dès 2022. Puisqu’entre une décision de politique monétaire et son effet sur les consommateurs, il y a au moins 12 mois. Donc il faudrait soit baisser les taux, soit relancer le quantitative easing, soit trouver un autre mécanisme de forward guidance qui puisse passer pour un signal de détente monétaire. Et ils font l’inverse. Une erreur de politique monétaire en zone euro, on la paie cher et longtemps.

Pourquoi décident-ils donc de hausses des taux ? 

Ils vont augmenter les taux pour faire comme la Fed, alors qu’ils ne devraient pas. Les Américains peuvent se le permettre, nous pas. Ce sont des Tonton Macoute. Ils ont des méthodes violentes et un peu « overkill ». Ils agissent comme si on était en surchauffe et qu’il fallait frapper. Mais il n’y a pas de croissance au T1. En Allemagne, il n’y en a même plus depuis la fin de l’année dernière. Les Allemands sont pourtant les premiers à réclamer une hausse des taux. C’est la preuve que cela ne se base absolument pas sur les chiffres. 

Une autre explication est peut-être à chercher du côté de la peur de la parité avec le dollar. C’est de l’orgueil mal placé. Nous ne sommes pas à l’abri qu’ils décident d’une hausse des taux plus importante que prévue en raison de cette situation. Et quand la récession arrivera, ils blâmeront Poutine et la Chine. Ce n’est d’ailleurs jamais leur faute. On l’a vu clairement avec Jean-Claude Trichet. 

Y-a-t-il des déclarations marquantes dans le reste de son discours ?

Dans le reste de son discours il a rajouté un laïus pour expliquer qu’il craignait que les anticipations de moyen terme se mettent à dériver, mais il n’y a rien qui laisse penser à un mécanisme d’inflation haussier à moyen terme. Il a aussi ajouté qu’il fallait être sérieux sur les finances publiques. Il y a coïncidence troublante entre la réélection de Macron et le durcissement de la politique monétaire de la BCE. Par ailleurs, je ne vois pas comment durcir la politique monétaire pourrait actuellement renforcer nos finances publiques. Il a aussi dit que l’annulation ou la remise de dette étaient des idées impraticables. Les dirigeants de la Banque centrale n’en veulent absolument pas. Cela voudrait dire montrer l’importance du bilan de la banque centrale. Si on commence à dire qu’on peut agir, ce serait Armageddon pour eux car ils ne pourraient plus agir en toute impunité et faire la politique monétaire dans leur coin. Si on se rend compte que c’est important, on ne leur laissera plus l’indépendance qu’ils ont actuellement. Que le gouverneur de la banque de France en reparle, c’est un message en sous-texte aux politiques pour leur dire que la BCE les a à l’œil et qu’ils peuvent largement savonner la planche des gouvernements. Tous les pays de la zone euro sont suffisamment endettés pour être sous pression. La hausse de taux de la BCE, c’est la vraie mort du « quoi qu’il en coûte ».

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