Microprocesseurs : la Chine fait un grand bond technologique en avant malgré les sanctions américaines<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping s'exprime lors d'un événement organisé en marge de la semaine des dirigeants de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) à San Francisco, le 15 novembre 2023.
Le président chinois Xi Jinping s'exprime lors d'un événement organisé en marge de la semaine des dirigeants de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) à San Francisco, le 15 novembre 2023.
©CARLOS BARRIA / POOL / AFP

Ambitieux

Dans le cadre de son plan "Made in China 2025", la Chine fait de grands progrès dans le domaine des microprocesseurs.

Charaf Louhmadi

Charaf Louhmadi est ingénieur. Il a notamment travaillé au sein d'un cabinet de conseil en stratégie et d'audit et pour de grandes banques françaises comme Société Générale, Natixis, Crédit Agricole et BPCE SA à travers des missions en analyse quantitative, ALM, risques de marchés/contrepartie. Il est l’auteur du livre « Fragments d'histoire des crises financières ».

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Atlantico : La Chine fait de grands progrès dans le domaine des microprocesseurs. Quelle a été la récente percée majeure dans ce domaine ? En quoi est-elle si révolutionnaire ? Le lancement du Huawei Mate 60, au regard de ses capacités et des performances, a-t-il été le symbole de cette réussite chinoise dans le domaine des microprocesseurs ?

Charaf Louhmadi : Ce n’est plus un secret pour personne ; la Chine place l’industrie des semi-conducteurs au centre de sa politique industrielle. En 2015, L’Empire du Milieu mettait d’ores et déjà en place son plan « Made in China 2025 », dont la mise initiale dépasse les 18 milliards d’euros, et qui promeut la haute technologie nationale et au cœur d’elle, l’industrie des puces électroniques. Une deuxième phase d’investissement est en cours et valorisée à hauteurs de 26 milliards d’euros. 

Le gouvernement chinois a investi plus de 5 milliards d’euros, via son fonds Big Fund, dans Changxin Xinqiao, une usine de production des semi-conducteurs, implantée dans la ville chinoise de Hefei. Big Fund a pour vocation de soutenir l’industrie nationale des puces électroniques et par ricochet de rattraper le retard technologique sur ce secteur par rapport aux Etats-Unis (Intel) la Corée du Sud (Samsung) ou encore Taïwan (TSMC).

L’opérateur Huawei, mastodonte technologique chinois (un des plus gros investisseurs au monde en R&D), a annoncé en septembre dernier la sortie du smartphone Mate 60, dotée d’une puce inédite de 7nm. Huawei a integré dans son nouveau smartphone, dont le succès commercial est au rendez-vous, un modem 5G intégré et la possibilité de communications satellitaires. Ces prouesses technologiques montrent la résilience chinoise dans un contexte d’embargo et de guerre technologique déclarée par les Etats-Unis depuis l’ère Trump et maintenue sous l’administration de Biden. Rappelons que les sanctions américaines ont impacté l’opérateur chinois qui ne dispose plus des Google Mobile Services et d’Android.

Comment, malgré tous les obstacles (notamment suite aux sanctions américaines et aux difficultés d’approvisionnement) la Chine a-t-elle pu développer rapidement ses capacités nationales en matière de puces et de semi-conducteurs ? Le marché national et intérieur chinois est-il en pleine expansion ?

Le blocus américain vis-à-vis de la Chine s’inscrit dans le cadre de la compétition entre les deux premières puissances économiques mondiales, et concerne particulièrement les technologiques de pointe. Il est difficile pour les Etats-Unis d’empêcher des échanges technologiques avec la Chine, dans le contexte actuel de la mondialisation. D’autant plus que les expositions technologiques bilatérales entre les entreprises deux pays sont très importantes.

Les sanctions américaines ciblent donc particulièrement la production de puces électroniques sophistiquées. L’embargo technologique prive la Chine, par le jeu des alliances géopolitiques (USA-Japon et USA-Pays-Bas), de technologies nécessaires en vue de produire des puces à la pointe de la technologie. L’Empire du milieu se voit privé de machines américaines et de partenariat avec le néerlandais ASML, producteur exclusif de scanners permettant la gravure à l’aide de « rayons ultraviolets extrêmes ».  La Chine souffre de ces sanctions ; les importations de semi-conducteurs ont baissé, de 22 % lors du premier semestre 2022 par rapport à 2021. Cependant, la Chine résiste en investissant massivement dans l’industrie des semi-conducteurs et en continuant à traiter avec des entreprises américaines en essayant de contourner les sanctions avec comme prétexte que les équipements importés sont utilisés dans le cadre de la production actuelle et ne couvre pas les technologies de pointe. 

De surcroit, la demande intérieure chinoise en puces et équipements électroniques est très conséquente, l’Empire du milieu est un des premiers importateurs de semi-conducteurs au monde.

La stratégie déployée par les administrations Trump et Biden, les mesures pour limiter la capacité de la Chine à développer une industrie technologique avancée localement, a-t-elle été contre-productive ? 

Comme mentionné précédemment, la Chine a été impactée par les conséquences de la guerre économique menée par les Etats-Unis ; la chute des importations chinoises d’équipements électroniques et de semi-conducteurs ainsi que l’absence de composants et de technologies de pointe américaines, taïwanaises, coréennes et néerlandaises dans les smartphones chinois, en est une illustration.

Cette crise sino-américaine montre toutefois la résilience et la combativité chinoise, à travers les investissements de l’Etat dans l’industrie des puces et certaines pratiques comme la construction d’installations secrètes (par Huawei) de fabrication de semi-conducteurs à travers le pays ; cela permet à l’opérateur de contourner les sanctions américaines, et d’acheter des équipements sous le nom d’autres entreprises. Pékin utilise en outre des techniques d’espionnage et recrute quand elle peut des ingénieurs taïwanais ou américains en vue de bénéficier de leur expertise.

Huawei a été placé sur une liste noire commerciale aux États-Unis et des procès sont en cours contre le mastodonte chinois mondial des équipements télécoms et des smartphones.

Le fait que SMIC, un fabricant chinois de puces, ait pu produire des puces qui mesurait sept nanomètres a surpris le monde entier sur les capacités de production de la Chine. L’avancée technologique de la Chine est-elle « rattrapable » par les puissances occidentales ? Quel pourrait être l’avenir de l’industrie des micro-processeurs au regard de l’état actuel du marché et de cette course effrénée à l’innovation ?

Notons tout d’abord le gap technologique existant entre SMIC et les leaders de la production de semi-conducteurs de pointe, à l’image de TSMC, Intel ou encore Samsung. Sans l’utilisation des scanners d’AMSL, les experts s’accordent pour dire que les coûts de SMIC dans la production des puces 7 nm sont très élevés et que par conséquent le rendement n’est pas au rendez-vous.

La Chine accuse donc un retard, dans le secteur des semi-conducteurs, d’une ou de deux générations par rapport à ses rivaux sud-coréens, américains et taïwanais. Toutefois, elle ne peut que se féliciter de sa progression et de sa capacité à produire des puces de 7 nm. Une prouesse technologique que seules Intel, Samsung ou encore TSMC ont pu réaliser.

In fine, 40 milliards de dollars ont été très récemment alloués par le gouvernement chinois à destination de l’industrie des semi-conducteurs, ce qui démontre que la Chine reste très compétitive sur ce secteur et que ces avancés technologiques ne sont qu’à leurs débuts…

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