Marielle de Sarnez : "Les listes socialistes arrivées en troisième position devront prendre leurs responsabilités"<!-- --> | Atlantico.fr
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Marielle de Sarnez.
Marielle de Sarnez.
©Reuters

Des régions aux mains du FN

Frappes en Syrie, police européenne, accueil des réfugiés, état d'urgence, élections régionales... Marielle de Sarnez, vice-présidente du mouvement démocrate, nous partage son point de vue sur les sujets qui font l'actualité ces derniers jours.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Christelle Bertrand : Les négociations entamées par François Hollande, juste après les attentats afin de frapper Daesh en Syrie, ont viré à l’échec. L’Europe, mis à part l’Allemagne, s’est montrée particulièrement absente. Comment l’expliquez-vous ?

Marielle de Sarnez : Nombre de pays sont engagés en Syrie d’abord pour préserver ce qu’ils considèrent comme leurs intérêts vitaux, et défendre des positions qui peuvent parfois êtres contradictoires, je pense à la Russie, à l’Iran, à la Turquie, ou à l’Arabie Saoudite. Il s’agit donc de renforcer la capacité collective à agir ensemble contre l’État islamique. L’engagement militaire coordonné de toutes ces puissances est plus que jamais requis. De même, l’Union européenne doit être en capacité de peser davantage. La France a fait appel à la clause de défense mutuelle entre partenaires. L’engagement des différents pays européens va être accentué dans le domaine militaire. On l’a vu encore hier avec la confirmation de l’engagement de l'Allemagne et l'annonce de l'engagement britannique. Mais l’Europe doit aussi peser de tout son poids pour initier un processus politique. Il ne sera pas mis fin au conflit en Syrie uniquement par l’engagement militaire. L’urgence est de travailler à une solution politique qui permette à terme de stabiliser la Syrie. Et c’est là, à mon sens, que l’Europe doit jouer un rôle moteur. Il est urgent de garantir protection et sécurité à toutes les minorités. Il est urgent de donner des perspectives politiques aux millions de Syriens qui voient leur pays se défaire, se démolir, et qui ne voient qu’une seule issue : partir. La question de la transition politique du régime doit être au cœur des négociations de Vienne. 

En matière de coopération policière l’Europe est aussi déficiente. Cette absence de coopération, même si la situation s’est améliorée au cours des jours qui ont suivi les attentats, a permis la fuite de Sala Abdeslam. Que faire pour améliorer les choses ? Défendez-vous l’idée d’une police européenne et de services de renseignements européens ? Est-ce réalisable ?

Je défends, depuis des années, l’idée d’une police européenne et d’un Europol renforcé. Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est un problème entre les États membres. Leurs services de renseignement ne collaborent pas assez entre eux, ils n’ont pas obligation de transférer leurs informations sur un fichier central européen. Les autorités compétentes des États membres doivent transmettre au fichier central européen (SIS) la liste de toutes les personnes suspectées de terrorisme, obligation qui n’existe pas aujourd’hui, aussi invraisemblable que cela paraisse. Je demande aussi que soit mis en place au plus vite un fichier européen d’empreintes biométriques de tous les combattants étrangers identifiés par les services de renseignement des États européens. 

Quand on voit que le Parlement européen négocie depuis des années un PNR (Le Passenger Name Record est un fichier recensant des renseignements collectés par les compagnies aériennes sur les passagers, il existe depuis 2001 aux Etats-Unis) on a du mal à imaginer que les Etats membres avancent rapidement sur une éventuelle police européenne, non ?

Les terroristes ne connaissent aucune frontière, ils coopèrent très bien entre eux, c’est pourquoi il nous faut construire une Europe de la sécurité. Cela passe par la mise en commun de fichiers, et par une gestion pertinente et réactive des services de renseignement. Je suis favorable à un PNR européen, un fichier centralisé, où figureraient toutes les données. Malheureusement, les États européens se sont mis d’accord sur 28 PNR nationaux, sans obligation de transmission. Ce n’est pas la meilleure réponse. Tout ceci n’est pas raisonnable mais c’est ce qui est défendu par l’ensemble des États membres. Ils disent « l’Europe, l’Europe, l’Europe » tous les jours, mais dès qu’il y a une avancée possible pour aller vers davantage de coopération, ils se raidissent et souhaitent garder pour eux leurs informations. Mais la menace, qui est toujours là, va nous obliger à avancer. L’Europe, normalement, ça sert à ça, agir ensemble plutôt que chacun de son côté pour gagner en efficacité. Il faut mettre à l’agenda européen une Europe du renseignement, une Europe de la sécurité, et une Europe de la défense. C’est ce que j’attends des chefs d’États européens.

Schengen est aussi révélateur des égoïstes européens, les États membres consacrent 142 millions d’euros à Frontex lorsque les États-Unis en investissent 28 milliards pour défendre leurs frontières, pourquoi une telle différence ?

Dès que l’on demande aux États de toucher à leur portefeuille pour financer Frontex, personne n'est capable de le faire. J’ai fait le trajet entre Athènes et Budapest en septembre dernier. J’ai vu les passages aux frontières, j’ai vu les milliers de personnes qui arrivaient. Tout ceci n'était pas géré. Et cela a évidemment des incidences négatives, pour les opinions publiques, comme pour les réfugiés syriens. On tente aujourd’hui de trouver une réponse en passant des accords avec la Turquie. C’est-à-dire qu’on est en train de dire à la Turquie : on vous ré-ouvre le droit d’adhérer à l’Union européenne si vous gardez les Syriens que vous avez chez vous. Je pense que c’est une mauvaise idée de relancer le débat de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Et je pense que c’est une mauvaise idée de confier la gestion de nos frontières à d’autres. L’Europe doit être capable, comme les États-Unis le font, de surveiller et contrôler ses propres frontières extérieures. C’est même la condition de survie de Schengen. 

Manuel Valls a récemment, auprès d’un journal allemand, affirmé que l’Europe ne pouvait plus accueillir de réfugiés et il a semblé faire un lien avec les attentats de Paris. Les attentats du 13 novembre n’ont pas changé votre point de vue, pourquoi ?

Sur la question des réfugiés syriens, les responsables européens n’ont pas été à la hauteur. Il n’y a eu aucune anticipation. Alors que la guerre sévit en Syrie depuis plus de quatre ans, avec des millions de déplacés à l’intérieur du pays, et avec des millions de réfugiés dans les pays voisins, l’Europe a trop tardé à proposer une stratégie adaptée à la situation. Et il n’y a eu aucune cohérence. Avant l’été, alors que la Commission proposait un accueil partagé des réfugiés syriens, les États européens s’y sont opposés, et début septembre, l’Allemagne a ouvert grandes ses portes avant de les refermer quelques semaines plus tard. La situation n’a pas été gérée comme elle aurait du l’être. Les demandes d’asiles devraient être examinées par les autorités compétentes européennes, mais aussi américaines, canadiennes, ou autres..., dans les différents pays où les réfugiés ont trouvé refuge. L’Europe devrait aider davantage les pays qui accueillent les réfugiés, comme le Liban, et le HCR qui gère la plupart des centres d’accueil de réfugiés. Et surtout travailler à redonner une perspective politique aux millions de Syriens touchés par le conflit.

Parlons de la France, que pensez-vous de la prolongation annoncée, hier matin par Manuel Valls, de l’état d’urgence. On voit que certaines perquisitions ne sont pas justifiées, que d’autres sont un peu « brutales », 24 militants écologistes ont été assignés à résidence au nom de l’état d’urgence, êtes-vous inquiète?

Je fais confiance au ministre de l’Intérieur pour que les actions entreprises soient proportionnées. On vit des temps extrêmement durs, la menace est là et pour un certain temps. Il va falloir apprendre à vivre avec, ce qui est difficile pour nos démocraties qui vivent depuis des décennies dans une relative sécurité. Je considère que la première de nos libertés c’est la sécurité, car ce que veulent au fond les terroristes, ceux qui ont frappé au Bataclan, aux terrasses, c’est nous faire peur. Toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour défendre nos concitoyens, c’est la première des responsabilités des pouvoirs publics. Si les pouvoirs publics, qui disposent d’informations sensibles, proposent de prolonger l’état d’urgence, il y aura un débat au parlement et tout le monde votera en conscience et en responsabilité. 

Nous sommes à moins d’une semaine les élections régionales, le FN semble en bonne position pour emporter au moins une région voire plus. Le PS aimerait voir fusionner ses listes avec celles de la droite afin de faire barrage à l’extrême droite. A l’heure où les Français plébiscitent l’idée d’un gouvernement d’union nationale, pensez-vous que ce serait une bonne idée ?

Un gouvernement « d’union nationale » qui unirait tous les partis, je n’y crois pas. Mais il faudra bien un jour, en France, une entente des réformistes. Que les forces politiques responsables, je pense à une droite républicaine, à un centre fort et une gauche qui s’assumerait comme réformiste, disent : nous sommes prêts à nous mettre d’accord sur un certain nombre d’objectifs en matière économique et en matière sociale pour faire progresser notre pays, pour contribuer à son redressement. Ce sera l’enjeu de la prochaine élection présidentielle. Si nous pouvons aller vers une gouvernance nouvelle qui renoue avec l’efficacité au service de nos concitoyens, alors nous  aurons fait œuvre d’utilité publique. C’est ce que nous souhaitons avec François Bayrou depuis longtemps. Pour les régionales, bien sûr, la question du FN se posera. Les listes socialistes arrivées en troisième position devront alors prendre leurs responsabilités. Mais, tout ce qui pourrait apparaître comme jeu d’appareil, au service d’intérêts politiciens, doit, selon moi, être proscrit. 

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