LR, PS : mais pourquoi cette incapacité à échapper à la mort lente ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'élection d'Olivier Faure a la tête du PS est très contestée. Le nouveau président des Républicains, Eric Ciotti, tente de peser dans le débat sur la réforme des retraites.
L'élection d'Olivier Faure a la tête du PS est très contestée. Le nouveau président des Républicains, Eric Ciotti, tente de peser dans le débat sur la réforme des retraites.
©AFP

Nouveau souffle ?

En soutenant la réforme des retraites pour avoir l’air responsable, LR se montre surtout incapable d’avoir une vision face à l’angoisse généralisée sur la soutenabilité de notre modèle. Le PS se suicide à travers ses divisions et sa radicalité.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Alors que LR tente de monnayer, difficilement, son soutien à la réforme des retraites, le PS est soumis à des remous internes après l'élection au poste de premier secrétaire. A quel point l’un et l’autre des partis sont-ils en train de lentement mourir ?

Luc Rouban : Les symptômes sont en fait les mêmes : guerres intestines entre notables, fuite des militants et des adhérents, absence de base électorale. Le PS n’arrive pas à sortir de l’impasse dans laquelle il s’est fourvoyé à partir de 2012, coincé entre une gauche de gouvernement qui se voulait réaliste et portée par François Hollande et une gauche de combat social en rupture d’appareil. On voit bien que l’intégration au sein de la NUPES n’a rien réglé car il reste toujours des socialistes attirés par la social-démocratie et des socialistes plus radicaux ou plus calculateurs qui préfèrent aller du côté de l’efficacité électorale supposée de cette coalition. Du côté de LR, on sait bien à travers les analyses électorales que ses électeurs se sont divisés de la même façon en plus radicaux, qui sont allés du côté du RN, et en plus centristes, qui sont allés en direction d’Emmanuel Macron. Au total, on a deux cas de figure symétriques de partis qui avaient réussi à construire des équilibres internes au travers de leurs congrès et de leurs instances dirigeantes et qui sont désormais déchirés par des forces centrifuges qui tiennent en grande partie à l’amplification de la débandade lorsque la défaite est au rendez-vous car les notables reprennent leurs billes et rêvent à nouveau d’aventures solitaires, à l’image de celle qu’a pu mener Emmanuel Macron qui, il faut le reconnaître, avait eu l’intuition très précoce de la décomposition de la gauche de gouvernement. On retrouve ici un cas de figure très classique de l’action collective : à partir du moment où le coût de la solidarité (invisibilité, position inférieure dans l’organigramme, etc.) excède les bénéfices que l’on peut en tirer (une élection improbable), pourquoi rester solidaire ?

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Pourquoi y a-t-il d’un côté comme de l’autre, une incapacité manifeste à échapper à ce destin qui se profile ?

On pourrait bien sûr, invoquer le fait que ces deux partis n’ont pas trouvé en interne la figure charismatique qui aurait réussi à leur rendre leur cohésion autour d’un projet commun. Mais la sociologie politique montre que le succès des leaders doit généralement beaucoup et à la présence d’une élite autour d’eux, qui partage les mêmes valeurs de base, et à l’existence d’un récit qui permette d’inscrire l’avenir dans le prolongement du passé ou bien comme rupture avec celui-ci et qui trouve à s’ancrer dans une base sociale c’est-à-dire dans un électorat. Ces deux facteurs manquent cruellement et au PS et aux Républicains. Du coté du PS, la force de François Mitterrand, qui a réussi l’exploit de transformer l’antique SFIO en parti conquérant, était de disposer de tout un réseau d’intellectuels, d’universitaires et de hauts fonctionnaires qui avaient pensé un projet alternatif au gaullisme. De plus, le PS était devenu le parti des « barbus », enseignants et classes moyennes en ascension qui voulaient ouvrir le jeu social.Plus rien de tel aujourd’hui. Il faudra que le macronisme se décompose sur le plan électoral pour que le PS puisse revivre. Du côté des Républicains, leur électorat s’est réduit à la bourgeoisie aisée qui regarde tout de même fortement du côté du macronisme mais aussi d’Éric Zemmour, le premier pour son programme économique (et notamment la suppression de l’ISF) et le second pour son conservatisme culturel et sa posture identitaire qui parlent à une partie des catholiques. Quant aux élites économiques, elles ont plus intérêt à se tourner du côté d’Emmanuel Macron pour ses choix pro-européens et ses ambitions internationales. Sans élites et sans récit, point de mythe unificateur ni de grand homme et donc plus d’électeurs.

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Comment expliquer que LR soit incapable de proposer une vision autre que gestionnaire et sans souffle et que le PS se soit déporté sur les sujets sociétaux oscillant entre radicalité et division ? Pourquoi n’arrivent-ils pas à tenir de discours sur le monde complexe d’aujourd’hui?

Ces deux partis sont prisonniers de leurs échecs passés car ils ont été au pouvoir pendant longtemps sans régler des questions qui se posent aujourd’hui aux Français avec force et qu’ils ont cru réglées. Pour LR, son principal problème est d’avoir escamoté la question de l’État au profit du libéralisme économique alors même que l’État reste au centre de l’ADN gaulliste. On a récemment pris conscience de l’extraordinaire déclin de nos armées, de l’abandon de certains territoires d’outre-mer, mais aussi, il faut le rappeler, du recul de la francophonie au quotidien.LR a pris la suite de l’UMP en devenant un parti de notables locaux, souvent bon gestionnaires et appréciés de leurs administrés, mais incapables de parler d’une vision collective de la France dans le monde qui est devenue l’apanage des grandes entreprises privées ou des fondations et des cercles intellectuels. Pour le PS, c’est son embourgeoisement qui l’a rendu verbeux et incapable de voir que les grandes déclarations sur la laïcité ou l’école étaient bien loin d’être mises en œuvre sur le terrain et que le monde était devenu fortement conflictuel avec le retour des religions mais aussi du déclassement social des diplômés. D’un côté, LR a perdu de vue la France comme grande puissance, de l’autre, le PS a perdu de vue les réalités sociales déprimantes et anxiogènes qui touchaient désormais les classes moyennes.

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Quelle est la responsabilité du macronisme et d’Emmanuel Macron ? A quel point a-t-il rendu toute alternative "impossible" ?

Le blocage de la situation politique française n’est qu’apparent. D’une part, le macronisme va devoir affronter sa pire épreuve, à savoir l’échéance de 2027, puisqu’Emmanuel Macron ne pourra plus se représenter. On peut penser que sa base électorale va se dissoudre, ses anciens électeurs venus de la gauche et désireux de le sanctionner pour la réforme des retraites allant rechercher un candidat de centre gauche crédible qui ne soit pas dans l’admonestation insurrectionnelle comme Jean-Luc Mélenchon, dont la situation s’est d’ailleurs également fortement fragilisée au sein de LFI. D’autre part, et l’hypothèse n’est pas négligeable comme le montre l’exemple italien, l’alternative électorale du RN est désormais envisageable car il articule la demande d’autorité et de fermeture des frontières à une politique sociale qui n’était pas de mise du temps du FN. Le macronisme en tant que tel n’est pas responsable à lui seul de ce paysage politique car il constitue lui-même le résultat de transformations engagées depuis au moins 2007. Il a émergé à la suite de l’échec de François Hollande et de la gauche modérée. Il reste l’expression d’une recherche de la modernité politique sans en avoir les moyens sociaux puisque son ancrage territorial est faible et que ses élites sont hétérogènes.

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