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Le président du groupe des Républicains (LR), Christian Jacob, s'exprime lors de la présentation de l'équipe de direction des Républicains à Paris, le 23 octobre 2019.
Le président du groupe des Républicains (LR), Christian Jacob, s'exprime lors de la présentation de l'équipe de direction des Républicains à Paris, le 23 octobre 2019.
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Identité politique

LR se concentre sur la question de son candidat mais prend grand soin d’ignorer celle de sa ligne politique.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Les diverses conventions et réunions depuis François Fillon, ne semblent pas aboutir à un quelconque programme commun consensuel. Pourquoi ?

Paul-François Paoli : Depuis la défaite de Fillon ce parti n'a pas réussi à élaborer la synthèse idéologique qui lui aurait permis d'exister entre le centrisme opportuniste de Macron et le national populisme de plus en plus édulcoré de Marine Le Pen qui en dédiabolisant son parti, en fait en le banalisant, a rendu impossible l'idée d'un front républicain contre elle. Par ailleurs ce parti manque de têtes pensantes. Laurent Wauquiez qui aurait pu incarner le renouveau ne s'est pas imposé intellectuellement ce qui est incompréhensible au vue de son parcours  et François-Xavier Bellamy aussi brillant soit il n'accroche pas les milieux populaires. Or dans la culture politique de la droite le charisme est fondamental. Le chef est celui qui rassemble au delà des divergences. Or la droite n'a pas de chef donc pas de tête. Ni tête pensante ni tête dirigeante. C'est dramatique pour elle.

Maxime Tandonnet : Le problème c’est que dans la vie politique française actuelle, il est très difficile de s’intéresser au fond des sujet et aux débats d’idées. Les républicains ont essayé d’investir dans ce domaine. Par exemple une convention sur la souveraineté économique s’est tenue récemment. Mais ce genre d’initiative est écrasée dans le climat politico médiatique d’hystérie permanente qui relaye les sujets de fond au second rang. Les médias vont être éblouis par l’invitation de Macfly et Carlito à l’Elysée, les provocations verbales de M. Mélenchon ou la gifle reçue par le président de la République dans la Drôme. Mais un débat sur la souveraineté économique ne fera jamais le buzz. La politique française ne cesse de fuir le monde des réalités dans le spectacle et l’esbroufe. Qui parle encore du chômage, de la dette publique (astronomique) de la pauvreté et de la violence quotidienne ? La situation est tellement désastreuse que le pays n’a plus qu’à s’enivrer dans le futile et le sensationnel.

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Le parti Les Républicains fait-il face à un problème d’identité politique ? Depuis quand ?

Paul-François Paoli : En effet, la droite ne sait plus au juste à quoi elle sert. La tendance centriste a été macronisée et les souverainistes comme Mariani ont rejoint Marine Le Pen. Il reste un bloc informe qui tangue entre le discours scolaire de Xavier Bertrand et le talent réthorique de Valérie Pécresse qui a mis des années pour formuler une évidence: que l'immigration faisait le terreau d'une islamisation qui n'était évidemment pas sans rapport avec le terrorrisme islamiste. Du coup la reconnaissance de ce phénomène et un durcissement de la ligne sécuritaire rend absurde le discours creux de LR sur les'' Valeurs républicaines" que Marine Le Pen menacerait. Chacun sait maintenant que Marine Le Pen ne menace rien du tout. Elle risque surtout d'exposer au pays tout entier son incapacité de gouverner si elle parvient au pouvoir car pour gouverner il ne suffit pas de gagner les élections il faut aussi un gouvernement avec les hommes idoines et compétents.

Maxime Tandonnet : Depuis très longtemps. Disons que dans les années 1980, le RPR était un parti souverainiste que le plan politique, libéral sur le plan économique et conservateur sur le plan sociétal. Il cohabitait à droite avec l’UDF giscardienne plus européiste et plus libérale sur le plan des questions de société. A partir de 1990, sous l’influence de Jacques Chirac et d’Alain Juppé, le RPR s’est rapproché de l’UDF dans la perspective de l’élection présidentielle : pouvoir réunir un vaste marais central. C’est alors que le parti s’est fracturé en deux tendances lors du débat autour de la ratification du traité européen de Maastricht : souverainiste avec Pasqua/Séguin et européiste avec Chirac/Juppé. La création de l’UMP au début des années 2000, réunissant les anciens RPR et une partie des anciens giscardiens pour former une machine de guerre électorale à droite a parachevé cette évolution. Le même parti réunissait des personnalités de sensibilités divergences, notamment sur l’Europe et la nation. Aujourd’hui, ce déchirement interne reste en toile de fond de la vie du mouvement.

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Le parti Les Républicains ne se concentre-t-il pas excessivement sur les personnes plutôt que sur un programme capable de réunir des sensibilités diverses ?

Paul-François Paoli : Ce n'est pas les querelles d'Ego qui sont graves elles existent depuis toujours et ne peuvent pas ne pas exister. C'est l'insuffisance des projets. Passe encore que des hommes s'affrontent mais au moins que ce soit sur des idées et des projets! On ne voit plus très bien ce que ce parti à à nous dire au juste. La crise que nous vivons est sans précédent, ce pays est à certains égards au bord de l'écroulement. L'Etat n'est plus respecté et la violence se diffuse et se banalise. LR n'a rien à dire sur l'état de  notre civilisation ce qui lui fait un point commun de plus avec le discours sans envergure de Marine Le Pen. La droite toute tendances confondues, des libéraux- conservateurs aux souverainistes en passant par les conservateurs chrétiens aurait du élaborer un projet de rupture globale avec les 40 dernières années marquées par le Mitterandisme et le Chiraquisme mais les notables n'ont pas pu ou pas voulu opérer cette rupture. D'où la puissance désormais hégémonique du national-populisme.

Maxime Tandonnet : Mais c’est à l’image de la politique française actuelle ! Les LR, comme tous les partis politiques ont intégré une sorte de déchéance de l’intelligence politique française. Un système entièrement tourné vers l’élection présidentielle exerce un effet broyeur du débat d’idées. L’objectif est de trouver une personnalité télégénique qui saura séduire par ses coups médiatiques, ses mimiques et ses provocations environ 20% des électeurs au premier tour et 50% au second. Comment faire mieux que M. Macron à cet égard ? Qui peut imaginer un candidat à la présidentielle séduire le pays en lui parlant de maîtrise de la dette publique et de la reconquête de la souveraineté économique ? La question n’est plus de gouverner, mais de jongler avec les illusions, les manipulations et les émotions collectives. Dans un contexte d’abêtissement médiatique à outrance, quelle peut être désormais l’utilité d’un programme, aussi bien ficelé soit-il ? C’est tout le problème de la politique française actuelle…

Paul-François Paoli vient de publier "France-Corse je t'aime moi non plus. Réflexion sur un quiproquo historique" aux Editions de l'Observatoire.

Maxime Tandonnet a publié "André Tardieu, l'incompris" aux éditions Perrin, "Histoire des présidents de la République" aux éditions Tempus/Perrin et "Les parias de la République" aux éditions Perrin

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