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LR : le tract qui fait basculer le parti du côté obscur de la force ?
©BERTRAND GUAY / AFP

Droite dure

"Pour que la France reste la France." Un tract du parti Les Républicains diffusé sur les réseaux sociaux fait polémique : il est vu comme une nouvelle preuve de la droitisation du parti dirigé par Laurent Wauquiez.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Sur les réseaux sociaux a commencé à circuler le nouveau tract du parti des Républicains. Le document militant, qui suscite déjà la polémique avant même d’être diffusé, matérialise un basculement de la droite républicaine en matière de vision nationale et de doctrine économique qui l’éloigne radicalement du libéralisme.

Sur sa couverture, le tract porte un appel défensif : « pour que la France reste la France » ! Ce slogan renvoie à tous ceux qui s’opposent aux réformes et au changement, du Front National (voir ce lien) à la « Belle alliance populaire » de Benoît Hamon et Jean-Marc Cambadélis (voir ce lien). C’est en page 2 que les menaces sont expliquées : « il n’y a jamais eu autant d’immigrés », « un tel risque terroriste », « une telle pression communautariste », « une telle flambée de délinquance », « de telles fractures territoriales » et « autant d’impôts ». Pêle-mêle, le Président de la République Emmanuel Macron est accusé de tous les maux : de dire que « l’immigration est une chance », de « refuse(r) de défendre la laïcité », de « fai(re) l’éloge de la diversité », et d’« injecte(r) des milliards d’euros supplémentaires dans la politique de la ville sans aucune politique des campagnes ».

Ces affirmations agglutinées les unes aux autres renvoient un message, volontairement anxiogène, qui est très loin de celui que la droite avait bâti ces dernières années.

La première rupture est avec la vision de la Nation que la droite avait pu défendre. Le virage a été engagé il y a un moment déjà, mais le parti de Laurent Wauquiez lui donne une soudaine accélération, en mêlant immigration, diversité et religion, voire terrorisme et délinquance (qu’on nourrirait au détriment des campagnes).

Les Républicains ont identifié, à juste titre, qu’il existe en France un malaise identitaire : ce n’est pas neuf, Nicolas Sarkozy avait créé un « ministère de l’identité nationale » en 2007 ; mais en janvier de la même année, se revendiquant d’être « un petit Français de sang mêlé » et « fils d’immigré », celui qui n’était pas encore Président avait défendu l’immigration « choisie », et non la dénonciation brutale des immigrés dont le nombre serait à lui seulun problème.

Le parti de droite n’a probablement pas tort s’il veut pointer qu’Emmanuel Macron n’a pas réussi à convaincre l’opinion qu’il avait pleinement pris la mesure de cette crise nationale. Mais ce document, qui prétend défendre une France en perdition à cause des immigrés et de la diversité, oublie que ce qui fonde la Nation française est qu’elle est un projet en devenir, « un même programme à réaliser » disait Ernest Renan dans son célèbre discours. La Nation française, ajoutait l’auteur du 19e siècle, est ce fameux « plébiscite de tous les jours » que chacun peut rejoindre, quel qu’il soit (car « l’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des montagnes »), pour autant qu’il est disposé à faire « des sacrifices » pour permettre l’existence commune.

Rien de tout cela dans le tract des Républicains. Pire, le document nie implicitement à tous les immigrés qui sont sur notre territoire qu’ils puissent « être une chance ». C’est d’autant plus absurde que, ce faisant, les Républicains omettent toute vision économique : dans leur récente convention sur l’immigration, ils n’ont d’ailleurs pas eu un seul mot sur le sujet. Faut-il s’en étonner de la part d’un parti dont le vice-président, Guillaume Peltier, revendique d’être en lutte contre l’ultra-libéralisme, notamment celui supposé du Président Macron (auquel il reproche dans le même temps, sans y voir la moindre contradiction, d’asphyxier le pays par un niveau record d’imposition !) ?

Ce faisant, c’est une autre rupture que le parti de droite est en train de réaliser, beaucoup plus forte encore : elle est d’ordre économique. Depuis 10 à 15 ans, la droite était engagée dans un processus de redéfinition doctrinale, un peu brouillon, pas souvent abouti, mais qui avait pour caractéristique de chercher une réponse d’ordre réformatrice (voire libérale !) pour pallier l’échec et l’impasse de l’Etat-Providence. L’UMP avait pris ce chemin avec des promesses de « rupture » en 2007 ; elle l’avait poursuivi dans les campagnes des primaires et présidentielle de 2016 et 2017, autour des projets de réformes déterminés. Laurent Wauquiez tourne allègrement  le dos à cette évolution : désormais, la droite dénonce les « cadeaux » faits « aux riches » et, pour bien se démarquer de la volonté de réforme (pourtant bien timide) du Président, promet dans son tract « zéro fermeture de classe d’école ou de petite ligne ferroviaire ».

Il y a un an et demi, la droite incarnait le pôle réformateur de l’échiquier politique français. Elle proposait de rénover le modèle social. Aujourd’hui, la direction des Républicains a adopté un discours anti-libéral et identitaire. C’est la solution de facilité : suivre la tendance internationale et espérer devenir le nouveau ‘Trump’. C’est une piste probablement vouée à l’échec dans notre système politique (où l’extrême droite prospère déjà seule) et institutionnel (la contrainte du second tour oblige à rassembler largement). C’est aussi celle du manque d’audace intellectuelle, alors que l’occasion se présentait, face à un Président silencieux et inactif sur ses questions, de réfléchir aux moyens de changer réellement le pays en attaquant la dépense publique et la haute fonction publique…

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