Les dernières heures de la reine Marie-Antoinette dans son cachot avant sa décapitation <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Les dernières heures de la reine Marie-Antoinette dans son cachot avant sa décapitation
©

Bonnes feuilles

Comment sont mortes les souveraines les plus célèbres de l'Histoire ? Extrait de "Les derniers jours des reines", de Jean Sévillia et Jean-Christophe Buisson, publié aux éditions Perrin, (2/2).

Jean-Christophe  Buisson

Jean-Christophe Buisson

Jean-Christophe Buisson est un journaliste et écrivain, spécialiste des Balkans. Il est entré au Figaro Magazine en 1994 comme grand reporter, où il dirige les pages culture et art de vivre.

Voir la bio »
Jean  Sévillia

Jean Sévillia

Jean Sévillia est rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine et membre du conseil scientifique du Figaro Histoire. Essayiste et historien, il a publié de nombreux succès de librairie, notamment Zita impératrice courage (Perrin, 1997), Le terrorisme intellectuel (Perrin, 2000), Historiquement correct (Perrin, 2003), Le Dernier empereur, Charles d’Autriche (Perrin, 2009).

 

Voir la bio »

Le 5 septembre 1793, la Convention met « la Terreur à l’ordre du jour » ; le 17 septembre, la loi des Suspects est adoptée. Dans ce contexte, le procès ne saurait tarder. Déférée devant le tribunal révolutionnaire le 3 octobre, l’inculpée subit le 12 octobre un « interrogatoire secret » – sans public. Ses deux avocats, commis d’office le 13 octobre, n’auront pas vingt-quatre heures pour se préparer, puisque le « procès » s’ouvre le lendemain.

Le tribunal siégera le 14 octobre de 8 heures du matin à 11 heures du soir, et le 15 octobre de 8 heures du matin à l’aube de la nuit suivante. Pâle, blanchie, décharnée, mais maintenant calme et sereine – de la même sérénité que Louis XVI –, Marie-Antoinette se bat jusqu’au bout. Quand Hébert évoque les accusations d’inceste qu’on a mises dans la bouche de son fils et qu’un juré s’étonne qu’elle ne réponde pas, elle bondit d’indignation : « Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature se refuse à répondre à une pareille inculpation faite à une mère. J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici. »

>>>>>>>>>> A lire également : Les derniers jours des reines : le suicide de Cléopâtre

Dossier vide, absence de preuves, juges partiaux, réquisitoire attendu, défense inutile, verdict écrit d’avance : « J’ai promis la tête d’Antoinette, avait lancé Hébert à la Convention, j’irai la couper moi-même si on tarde à me la donner. » On la lui donnera. À 4 h 30 du matin, Marie-Antoinette, déclarée coupable de trahison et de complot contre la paix civile, est condamnée à mort, la sentence devant être exécutée le jour même.

Ramenée dans sa cellule, elle obtient de quoi écrire. Cette dernière lettre, admirable, sera pour sa belle-soeur, Madame Élisabeth 1 : « Je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère ; comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments… »

Elle s’étend ensuite tout habillée sur son lit et pleure. Sa petite servante lui offre un peu de bouillon, mais elle ne peut rien avaler. On lui a interdit d’aller au supplice dans sa robe noire de veuve. Elle met alors sa tenue habituelle du matin, mais doit changer de chemise car elle a perdu beaucoup de sang. Sous le regard du gendarme de service, elle roule le linge souillé et, ne sachant qu’en faire, le glisse dans une fente du mur. Elle prie. Les juges et le greffier arrivent, lui lisent la sentence qu’elle connaît déjà. Surgit alors Sanson, le bourreau, qui lui lie les mains et lui coupe les cheveux. Après la levée d’écrou, c’est dans une charrette ordinaire qu’elle s’en va, tenue en laisse par une corde. Un prêtre jureur est monté avec elle, mais elle refuse les services de ce ministre de Dieu qui a transigé avec la fidélité à l’Église : « Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine », a-t‑elle écrit dans sa dernière lettre.

« Vive la République ! Vive la liberté ! », crie la foule, qui a eu sa pitance. Il est midi et quart, ce 16 octobre 1793. La charrette sur laquelle on dépose la dépouille mortelle, ruisselante de sang, se dirige ensuite vers le cimetière de la Madeleine, où déjà Louis XVI a été enterré. Rien n’ayant été préparé, les bourreaux jettent sur l’herbe le corps de la reine, la tête entre les jambes. Le 1er novembre suivant, le fossoyeur enverra sa note « pour la bière, la fosse et les fossoyeurs » de la « veuve Capet » 1.

A l’instar de son mari dix mois plus tôt, Marie-Antoinette était la victime expiatoire d’une révolution devenue folle, qui avait dès l’origine porté la violence dans ses gènes. Des fautes, elle en avait commises pendant son règne. Mais ce n’était pas à cause d’elles qu’elle venait d’être sacrifiée : plus que ce qu’elle avait fait, on lui reprochait d’être ce qu’elle était. Archiduchesse d’Autriche et reine de France, Marie-Antoinette n’avait pas sa place dans un pays livré à la Terreur et qui faisait la guerre à l’Europe des rois. Deux siècles plus tard, la France la regardera pourtant comme une icône. Triste ironie de l’histoire.

Extrait de "Les derniers jours des reines", de Jean Sévillia et Jean-Christophe Buisson, publié aux éditions Perrin, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !