Le terrorisme, une menace qui se dissipe ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Tribunes
Des bougies posées devant le Bataclan en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015
Des bougies posées devant le Bataclan en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015
©PATRICK KOVARIK / AFP

Analyse

Émergeantes ou déclinantes : quelles menaces pèsent sur la France ou la zone Schengen, à l'horizon 2023 ?

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

Voir la bio »

I - DÉCLIN : les terrorismes, notamment islamistes

La menace terroriste perdure, disent des officiels français ou de l'Union européenne. S'il s'agit de menace de niveau stratégique et d'attentats graves, est-ce bien sûr ? Depuis le début du XXe siècle en effet, et jusqu'à la disparition du bloc soviétique, les vagues terroristes se résorbèrent toutes spontanément lors de bouleversements planétaires ; toujours et partout, les flammèches du terrorisme ont été soufflées par l'ouragan embrasé de la vraie guerre :

- La vague anarchiste des années 1900 ("Bande à Bonnot", etc.) disparaît lors des prémices de la première guerre mondiale, 

- Le terrorisme balkanique de la décennie 1930, (Oustachis croates, ORIM, Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne), de même, aux débuts de la 2e guerre mondiale,

- Les terrorismes des décennies 1970-80 disparaissent ou quittent la lutte armée quand s'abolit l'ordre bipolaire (1989-91), extrémistes palestiniens, (Abou Nidal, etc.), groupes communistes-combattants (Brigades rouges... Action directe...), nationalistes-séparatistes (IRA, ETA...) ; tous désormais inactifs ou disparus.

Une vraie guerre, avec blindés, canons et tranchées, fait à présent rage à l'est de l'Europe : quel sort là-dedans pour les terrorismes survivants - notamment, les djihadistes ?

- Côté chi'ite, la République islamique d'Iran tient ses "chiens d'attaque" à la laisse courte. Négociant la sortie de sanctions qui l'étranglent depuis des décennies, Téhéran jouera plus la retenue que l'escalade terroriste.

- Au Moyen-Orient, côté sunnite, l'essentiel du potentiel islamiste est coincé dans la région d'Idlib, contrôlé de près par la Turquie, pays dont les forces spéciales et les services spéciaux savent par cœur les règles, us et coutumes, du terrorisme régional. Or le président Erdogan joue un rôle international majeur, notamment dans les négociations Russie-Ukraine, cadre où l'outil terroriste n'est pas d'une utilité flagrante...

Le stratégique envisagé, reste... le reste, l'anomique, l'inorganisé, le quasi-pathologique. En criminologie comme dans toute science humaine, les théories et hypothèses doivent reposer sur un socle concret : voyons, dans cette phase manifeste de dégénérescence du salafisme armé, qui sont, que font, les islamistes encore lancés dans la voie du djihad (moudjahidine).

Voici leur prototype : Mohamed L.-B. qui, le 14 juillet 2016, massacre en camion la foule de la Promenade des Anglais, à Nice, enfants compris, avant d'être abattu par la police. Un acte prémédité : des repérages ont été faits, le camion, choisi pour effet meurtrier maximum. Mais l'homme, qui est-il ? Certainement pas un salafiste : selon son entourage, cet "obsédé sexuel" et "dragueur compulsif" s'enivre, mange du porc et néglige le Ramadan. Et l'enquête ne trouve nul lien, si ténu soit-il, entre lui et "L'État islamique". Humainement, sa famille, ses proches et connaissances sont unanimes : dès l'enfance, il est agressif, solitaire, brutal. Instable, ses actes frisent souvent le pathologique : ainsi, il urine et défèque sur le sol de son propre logement. Comme amant ou époux, il est odieux : insultant, violent voire violeur, "il aimait voir le sang couler", dit son ex-femme. Impulsif, il menace de mort des collègues ou des voisins, tient "des propos incohérents".

Un cas clinique ? Il a consulté un psychiatre à seize ans, sans suite. Des phases d'abattement, puis d'excitation maniaque, suggèrent néanmoins un tropisme paranoïaque : de quoi le mettre sous traitement, pas l'interner. Puis, peu avant l'attentat, il laisse pousser sa barbe, écoute des litanies coraniques ; dans son portable, les vidéos de décapitation voisinent désormais avec du porno zoophile... Un basculement soudain, puis la tuerie.

Que peuvent faire la société, l'État de droit, face à de tels cas-limites ? Sans doute existe-t-il en France des centaines d'individus analogues, qui eux, ne passeront jamais à l'acte, faute d'un indiscernable, d'un imprédictible fait déclencheur. Et si déclenchement il y a, il sera bloqué à la dernière minute, au réflexe, comme le goal lors d'un tir au pénalty, ou le drame adviendra, hélas, sans grand moyen d'y parer.

Une menace douteuse donc, aussi peu "collective et concertée" que possible, limitée malgré tout dans l'ordre stratégique. Mais demain ?

Alors que nous écrivons, l’issue de la guerre Russie-Ukraine est douteuse. Dans le camp finalement vaincu, des nationalistes frustrés rentreront-ils tous à la maison, calmement, sans réagir ? Alors, que deviendront les stocks d’armes et de munitions éparpillés à l’est de l’Europe ; d’abord, dans l’immense zone grise des Carpates ? Là est la question qui taraude à présent les polices et services spéciaux de l'Union européenne.

Gardons en tête les séquelles de la guerre des Six-Jours : l’Égypte battue, les Palestiniens, qui l’attendaient depuis 1949, réalisent que jamais, Nasser ne les libèrera de l’occupation israélienne. Les mois passent... À l'international, la « question palestinienne » tourne à la gestion de camps d’exilés... Soudain, des avions de ligne sont détournés par le "Commandement des Opérations Spéciales à l’Étranger" de Wadi Haddad, service action du FPLP de George Habbache : par le biais terroriste, la question palestinienne retrouve sa dimension politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !