Le gouvernement aligne les réformes : vrai coup d'accélérateur ou effet "Canada Dry" ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement de Manuel Valls donne-t-il en ce moment vraiment un coup d’accélérateur dans les réformes ?
Le gouvernement de Manuel Valls donne-t-il en ce moment vraiment un coup d’accélérateur dans les réformes ?
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Vitesse supérieure

Réforme territoriale, réforme ferroviaire, ou encore loi sur la transition énergétique à venir, de nombreux sujets sont actuellement abordés par le Parlement et le seront aussi en juillet à l'occasion de la session extraordinaire. Si la France a besoin de réformes, la précipitation n'est sans doute pas le meilleur moyen pour les réussir...

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : Le gouvernement de Manuel Valls donne-t-il en ce moment vraiment d’accélérateur dans les réformes ou, au contraire, n’est-ce pas purement un effet de communication ?

Benoît de Valicourt : Il y a une réponse du gouvernement par rapport à ce qu’il se passe au niveau du malaise social. L’action gouvernementale ayant une popularité très basse, ils n’ont pas le choix de montrer leur capacité à réformer et gérer la France. Cela relève plus de la communication que de la véritable feuille de route politique. Manuel Valls est dans une situation de crise et il doit montrer sa volonté de réformer. Pour lui, la question n’est pas de faire mais de montrer aux Français qu’il sait faire. On peut aussi penser que cette agitation permanente se poursuivra à l'avenir tant le besoin de réformes est important.

Eric Verhaeghe : Pour tenir les promesses faites à l’Europe, de revenir un jour prochain à un déficit public inférieur à 3% du PIB, Manuel Valls doit réaliser un brillant tour d’équilibriste. D’un côté, il doit réduire les dépenses dans des proportions d’autant plus colossales que, de l’autre côté, il doit réduire les recettes pour stimuler la croissance. Bref, il doit faire feu de tout bois, dans une urgence certaine : mine de rien, les présidentielles de 2017 arrivent à grand pas et il faut songer à éteindre les incendies qui se déclarent un peu partout dans la maison France.

Avec un certain courage, Manuel Valls annonce des réformes dont les détails peuvent être critiqués, mais qui correspondent à l’attente de beaucoup de Français depuis longtemps : diminuer le millefeuille territorial, réformer la santé, baisser les impôts, et même réformer la SNCF,… tout ceci procède d’un bon esprit.

Y a-t-il une cohérence dans toutes ces réformes ? A force d’aborder autant de sujets dans un délai aussi court, le risque n'est-il pas de bâcler des réformes importantes ?

Benoît de Vallicourt : La réforme territoriale, la réforme ferroviaire et la réforme énergétique sont interdépendantes, elles ont un lien les unes avec les autres. Elles correspondent à l’air du temps et sont liées aux questions autour de la mondialisation, de l’écologie… On peut se dire qu’il y a une cohérence, au moins dans l’affichage. Dans la réalité, en revanche, c'est une autre histoire. Est-ce que par exemple la vraie réforme à faire en priorité au niveau territorial était celle des régions, alors qu’il y a en France 36 000 communes qui coûtent cher ?

Il est évident qu’à quelques semaines des vacances parlementaires, si les réformes ne sont pas bâclées elles seront sans doute l’objet de moins de discussion et de travail de fond. Elles sont gérées à la hussarde et d’une façon sans doute autoritaire. N’est-ce pas d’ailleurs volontaire de la part du gouvernement afin de limiter les oppositions au sein même de la majorité ? Faire passer des sujets avant l’été est par ailleurs une vieille ficelle politique. Il y a une forme de déni démocratique, plus c’est gros plus ça passe.

Eric Verhaeghe : La question qui se pose n’est pas de savoir si ces réformes doivent être faites, mais si ces réformes ont une chance d’aboutir. Et pour être clair, la question que se posent beaucoup de Français est de savoir si, lorsqu’il annonce des réformes, Manuel Valls se croit réellement en capacité de les mener à bien.

Un certain nombre d’arguments plaident pour le contraire.

D’abord, la majorité présidentielle est très affaiblie, sous l’effet de l’impopularité du Président lui-même. Même si, numériquement, la majorité reste la majorité, sa légitimité pour réformer est quand même très écornée. On prend forcément beaucoup moins de risques, et l’on a moins d’autorité, lorsque le pays ne vous soutient pas, plutôt que lorsqu’il vous soutient.

Ensuite, la majorité présidentielle est profondément déchirée. Si ce déchirement reposait sur un débat d’idées claires et cohérentes, on n’y trouverait pas à redire. Le problème vient des calculs partisans que l’on devine derrière les postures, et qui laissent à penser que 2017, c’est déjà maintenant au Parti Socialiste. Cet éparpillement et ces rivalités ne contribuent pas à renforcer l’exécutif.

Dans cet ensemble peu encourageant, Manuel Valls manque singulièrement de temps pour pouvoir véritablement réformer. Il lui reste deux lois de finances pour inverser la courbe des dépenses publiques et relancer la croissance. C’est très peu.

En particulier,  pour réformer la fonction publique, pour diminuer les dépenses de l’Etat, il faut du temps si l’on veut agir efficacement et dans la durée. Il ne suffit pas en effet de décréter des baisses de budget, il faut aussi savoir comment les pratiquer sans baisser la qualité du service, voire en l’améliorant.  Bref, il faut améliorer la productivité des services, ce qui est un enjeu mal maîtrisé dans le service, et forcément consommateur de durée.

Faute de prendre ce temps, on peut craindre que Manuel Valls lance avec sincérité (ou pas) des réformes qui ont très peu de chance de réussir ou simplement de durer.

Toutes ces réformes alignées peuvent-elles vraiment bénéficier à la France ? Lesquelles ?

Benoît de Vallicourt : Ce n’est pas parce qu’il y a cette agitation que les bonnes mesures nécessaires seront prises, par exemple sur la réforme ferroviaire. Les réformes lancées ne sont pas forcément les bonnes et je constate qu’on aligne les mesures sans toujours faire preuve de pragmatisme.

Si elles étaient menées à bien avec une réflexion et une vraie projection à long terme ça marcherait, mais ce n’est le cas. Sur la réforme territoriale, par exemple, François Hollande passe de 22 à 14 régions en évitent de se fâcher avec son ancienne compagne. Le gouvernement a déjà envoyé un premier message négatif : "on se fiche de vous et on fait comme ça nous arrange". On a l’impression qu’il y a une forme de précipitation dans tout qui est fait alors qu’il faut pas confondre vitesse et précipitation, ce que fait actuellement le gouvernement.

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