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Laurent Wauquiez présente son équipe... et le grand écart commence
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

LR

Laurent Wauquiez fraîchement élu président du parti Les Républicains a mis en place son équipe composée notamment de Virginie Calmels, Guillaume Peltier ou Damien Abad. Des personnalités diverses qui représentent assez fidèlement l'éclatement des courants de pensée chez les LR.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Au lendemain de l'élection à la présidence des LR, et après que Xavier Bertrand ait quitté un parti "qu'il ne reconnaît plus", Laurent Wauquez a mis en place son équipe, composée notamment de 3 vices présidents ; Virginie Calmels, Guillaume Peltier, et Damien Abad. Alors que la clarification de la ligne du parti semble, pour certains, être un acquis, n'est ce pas une illusion au regard des différents courants encore représentés ? Peut on considérer que les difficultés commencent maintenant pour Laurent Wauquiez ?

Christophe Boutin :  C’est effectivement toujours après une victoire, lorsqu’après avoir pris la tête d’un mouvement il faut impulser un nouvel élan, c’est-à-dire à la fois rassembler et innover, que les ennuis commencent. Pour autant, on peut tirer quelques leçons du choix fait par Laurent Wauquiez de ses trois vice-présidents.

Première élément, on ne peut que constater la disparition de figures dont l’omniprésence au sein du parti de droite - parfois depuis les années Chirac – finissait par le desservir face au renouvellement, qui correspondait aux attentes des Français, qu’avait réalisé LREM,.

Deuxième élément, il faut noter la diversité des parcours politiques des trois vice-présidents que vous citez. Guillaume Peltier, venu du FN après une phase de transition au MPF de Philippe de Villiers, a défendu en 2012 les valeurs de la « Droite forte », arrivée d’ailleurs au congrès de l’UMP devant la « Droite sociale » de Laurent Wauquiez. Virginie Calmels a elle débuté en politique sous la tutelle d’un Alain Juppé dont on connaît la modération. Quant à Damien Abad, il fait partie de ces centristes qui ont rejoint l’UMP - où il a soutenu, en 2016, Bruno Le Maire.

Il serait tentant alors de penser que le choix de Laurent Wauquiez relève de la juxtaposition de courants. Ce serait passer à côté d’un autre élément qui semble important : un même engagement des trois dans la politique locale : conseil régional puis présidence d’un département pour Abad, conseil régional et présidence d’un établissement  public de coopération pour Calmels, conseil régional pour Peltier, par ailleurs plusieurs fois candidat dans des élections locales.

Ce choix n’est sans doute pas neutre, car il faudra certainement repenser la manière dont on gère les territoires pour répondre aux attentes de cette France périphérique dont Christophe Guilluy a montré avec brio combien elle était délaissée. Emmanuel Macron s’affirme volontiers comme le représentant de la « France qui gagne », celle des métropoles – et il n’est que de voir les scores de LREM dans ces dernières pour lui donner raison. Mais lors des prochaines élections locales, en 2020, il faudra apporter des réponses à ceux qui se sentent exclus, se poser la question des différents échelons territoriaux, de leur pertinence, et de la manière d’y faire vivre la démocratie. On peut penser qu’il y a là d’importants points communs chez les trois vice-présidents.

Quelles sont encore les différentes familles et lignes politiques qui composent les LR, et comment évaluer les futurs rapports de force ?

Christophe Boutin : Il y a une summa divisio qui persiste chez LR, c’est celle entre l’aile issue du centrisme, que l’on pourrait qualifier d’orléaniste pour reprendre la définition de René Rémond, héritière de l’ancienne UDF, et l’aile que l’on pourrait appeler bonapartiste, mais qui est plus sûrement gaulliste, celle de l’ex-RPR. Un autre clivage important porte sur l’Union européenne et la place qu’il convient de lui donner.

Mais même si existent effectivement familles, courants ou solidarités, il ne faut pas oublier que, comme vous le disiez, pour Laurent Wauquiez, les choses commencent. Sauf à vouloir piteusement faire du neuf avec de l’ancien, il ne s’agit pas pour lui de tenter ce rabouter des pièces éparses et de construire un patchwork dont les fils casseront à la première tension. Il s’agit de bâtir quelque chose de nouveau. Si tout se passe bien, les futurs rapports de force que vous évoquez naîtront donc en fonction des nouvelles propositions qui seront faites, et ne résulteront pas de la seule volonté de partisans de lignes d’un autre temps de les voir perdurer. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que Laurent Wauquiez pourra s’imposer face à un Emmanuel Macron qui a su incarner le changement. C’est pourquoi le nouveau président doit prendre garde de céder à une certaine pression médiatique qui impose volontiers, pour empêcher cette réforme de la droite, ces figures tutélaires de « sages » qui n’ont jamais conduit leur parti – et la France – qu’au désastre que l’on connaît. Et qu’il doit savoir au contraire opposer à cette pression la voix de ses militants, dont on a clairement vu, lors de son élection, qu’ils soutenaient pleinement son projet de conservatisme à la française.

Dans quelle mesure la droite est elle en train de se couper de sa ligne libérale, qui lui avait pour le moment permis une différenciation avec la gauche, une différenciation moins évidente aujourd'hui par l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. La droite peut elle réellement se passer de ce mouvement dans une logique de large rassemblement, et dans une logique de gouvernement ?

Christophe Boutin : Il semble curieux d’accuser de se couper de sa ligne libérale un parti qui vient de nommer comme vice-présidente une femme, Virginie Calmels, qui cite volontiers Frédéric Bastiat – un auteur bien oublié en France ! - et veut réduire les dépenses publiques ou le nombre de fonctionnaires ! Il est intéressant d’ailleurs de noter, retrouvant ces vice-présidents que vous évoquiez, que Damien Abad est spécialiste de finances publiques ou que Virginie Calmels est un entrepreneur reconnu.

Il s’agit de savoir de quel libéralisme l’on parle. Le libéralisme de cette droite LR n’est pas la dissolution dans une mondialisation heureuse, le règne de la finance internationale et la location des ventres des femmes. C’est un libéralisme qui n’oublie pas qu’à côté de l’économie la politique a ses droits, et qu’à côté du marché, l’État doit jouer son rôle. Un libéralisme qui n’oublie pas non plus l’aspect social des politiques à mener.

En fait, le projet de Laurent Wauquiez, au moins tel qu’il le dessinait lors de la campagne pour la présidence de LR, est un projet libéral-conservateur : conservateur sur les éléments identitaires et les aspects régaliens étatiques ; libéral dans le respect des libertés individuelles comme dans cette volonté de permettre à chacun de devenir ce qu’il est en libérant les énergies.

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