La Russie a appris à contourner les sanctions occidentales et la Chine en retient les leçons<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping se serrant la main lors d'une réunion à Pékin, le 18 octobre 2023.
Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping se serrant la main lors d'une réunion à Pékin, le 18 octobre 2023.
©Sergei GUNEYEV / POOL / AFP

Situation conflictuelle

A ce stade, même si la situation du commerce mondial évolue du fait du conflit, la Chine reste très prudente dans son "instrumentalisation" du conflit et la mise en place d'accords qui découleraient directement des conséquences des sanctions.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

Voir la bio »
Atlantico : La Russie parvient à contourner les sanctions occidentales grâce à l’aide et au soutien de certains pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde ou les Emirats arabes unis qui continuent de commercer et d’échanger avec la Russie. Dans les faits, comment la Russie parvient à surmonter les sanctions internationales via ces échanges avec certaines puissances hostiles aux Etats-Unis ?
Jean-François Di Meglio : L'utilisation de la monnaie chinoise dans certains échanges avait déjà anticipé la possibilité de tensions internationales puisque les premiers accords de "swaps", en particulier avec le Brésil et l'Afrique du sud, avaient commencé il y a plus de dix ans. Désormais certains contrats, comme une partie du contrat gazier avec la Russie signé il y a trois ans après près de vingt ans de négociations, sont directement libellés dans la devise chinoise, ce qui permet d'éviter naturellement toute sanction américaine excipant de l"extraterritorialité" du dollar et permettant poursuites et sanctions contre des pays qui utiliseraient la devise pour des transactions déclarées illégales par les Etats-Unis ou contrevenant à leurs intérêts.

Quelles sont les principales mesures économiques que parviennent à contourner les pays non alignés comme l’Inde, le Brésil ou les Emirats arabes unis et qui au final finissent par bénéficier à l'économie russe dans le cadre d’échanges avec ces pays ? Les interdictions d’importation de matières premières sont-elles parmi les mesures ignorées et qui ne concernent pas les pays non alignés ? La Chine, l’Inde, Singapour, la Turquie et les Emirats arabes unis ont-ils importé en 2022 plus de pétrole en provenance de Russie qu’en 2021 ?
La Chine a quant à elle (sources Trade Data Monitor) largement augmenté ses importations de pétrole russe. Au total, les importations chinoises en provenance de Russie ont plus que doublé (augmentation de 124%) entre décembre 2020 et décembre 2023. Cette augmentation porte sur la plupart des produits en provenance de Russie, parmi lesquelles les matières premières représentent la plus grande partie

Comment analyser le rôle de la Chine dans le cadre des sanctions appliquées à la Russie ? La Chine pourrait-elle se servir de cette situation pour passer de nouvelles alliances commerciales ?
Il convient de distinguer ici les accords commerciaux dans lesquels la Chine s'est engagée avant le conflit, en particulier le Regional Cooperation Economic Partnership, qui réunit 11 pays (ASEAN + 3 + Australie et Nouvelle-Zélande) et qui permet indéniablement à la Chine de bénéficier, comme membre à part entière mais non pas dominant du traité d'abaissement progressif de droits de douanes, et les accords spécifiques qui résulteraient du conflit ukrainien. A ce stade, même si la situation du commerce mondial évolue du fait du conflit, la Chine reste très prudente dans son "instrumentalisation" du conflit et la mise en place d'accords qui découleraient directement des conséquences des sanctions, dans la mesure où elle continue de vouloir apparaître comme un possible facteur d'apaisement, affichant une apparente neutralité que trop d'opportunisme viendrait contredire.

Cette situation économique et le faible impact des sanctions économiques, à cause des contournements via les pays tiers, pourraient-ils encourager la Chine à aller plus loin vis-à-vis de ses projets envers Taïwan, en ignorant le spectre des sanctions ?
Assurément, dans les scénarios possibles concernant les "projets" chinois sur Taiwan, les risques pour l'économie chinoise et son commerce d'une action condamnée par ses principaux clients sont pris en compte et ne sont pas un facteur secondaire dans l'inaction réelle de la Chine, au-delà des gesticulations militaires. Mais les réels facteurs retenant les intentions chinoises sur Taiwan sont tout simplement stratégiques, logistiques, et techniques. Tout d'abord, toute atteinte au statu quo de l'économie taiwanaise, conséquence inévitable d'une "action" aurait des conséquences immédiates sur l'économie chinoise, très imbriquée avec celle de Taiwan, y compris dans le domaine technologique. Par ailleurs, la faisabilité d'une "action" militaire contre Taiwan, quelle qu'en soit la forme, y compris un "simple" blocus, apparaît de plus en plus problématique du fait des obstacles géographiques. En ce sens, il faut bien rappeler à quel point, indépendamment même des prises en considération d'intervention de pays tiers, les paramètres d'un conflit à travers le détroit sont différents de ceux qui ont pu prévaloir dans le cas de l'invasion russe de février 2022, ou même des premières actions contre la Crimée ou le Donbass. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !