La maîtrise de l’IA, une question de survie pour l’humanité <!-- --> | Atlantico.fr
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Un robot doté d'intelligence artificielle lors d'un salon sur les nouvelles technologies.
Un robot doté d'intelligence artificielle lors d'un salon sur les nouvelles technologies.
©PATRICK T. FALLON / AFP

Bonnes feuilles

Rafik Smati publie « Le nouveau temps Comment reprendre le contrôle à l'ère de l’IA » aux éditions Eyrolles. Le progrès technologique accélère, et avec lui, le rythme de nos vies. L'humanité se trouve confrontée à un choix déterminant : embrasser le changement ou être irrémédiablement dépassée. Extrait 1/2.

Rafik Smati

Rafik Smati

Rafik Smati est Président du parti politique Objectif France. Entrepreneur, Il a publié  « French Paradise » (juin 2014), « Révolution Y : la génération qui va redessiner l'Europe » (2013),  « Eloge de la vitesse : la revanche de la génération texto » (2011),  « Vers un capitalisme féminin » (2010).

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Comme une ombre lointaine et insaisissable, une nouvelle ère s’annonce à l’horizon. Au-delà du bouleversement du monde du travail qui est un enjeu de court terme, nous nous préparons à une mutation inouïe de notre réalité sociétale, économique, et peut-être même de notre condition humaine. Les avancées technologiques dont nous sommes témoins, et celles qui restent encore à venir promettent de repousser les limites de l’imaginable. C’est vers cette énigmatique frontière que nous nous dirigeons à présent. Cela n’est pas une fin, mais bien le début d’un voyage au cœur de l’inconnu.

Il y a encore peu de temps, nous pouvions imaginer que l’évolution de l’intelligence artificielle se déroulerait selon un tracé linéaire, avec un progrès graduel et prévisible. La réalité s’est révélée bien différente : non seulement l’IA a suivi la loi de Moore, cette règle qui prévoit un doublement de la puissance des circuits intégrés tous les deux ans, mais elle l’a surpassée, progressant à une vitesse encore plus grande.

Le rythme fulgurant auquel les IA génératives, dont ChatGPT a été un précurseur, ont été adoptées illustre cette dynamique exponentielle. Ces technologies, autrefois cantonnées aux laboratoires de recherche, ont gagné le grand public en un temps record, témoignant d’une adoption et d’une évolution sans précédent.

Ce que nous observons aujourd’hui de l’IA n’est toutefois qu’une esquisse de ce que l’avenir nous réserve. La prochaine étape importante, qui se dessine à l’horizon, est celle de la «superintelligence ». La société OpenAI, par exemple, prévoit l’arrivée d’un modèle de superintelligence avant la fin de notre décennie. Cette forme d’intelligence, d’un niveau encore supérieur, serait capable d’accomplir des tâches dépassant les capacités des plus brillants esprits humains dans la majorité des domaines économiques. Cependant, ce n’est qu’un prélude à l’étape d’après, encore plus vertigineuse : l’intelligence artificielle générale (ou AGI en anglais, pour Artificial General Intelligence). Les machines seraient alors capables d’apprendre, de comprendre et de maîtriser n’importe quel domaine de connaissance aussi bien qu’un humain, voire mieux. Cette perspective laisse entrevoir des possibilités quasi illimitées, mais elle soulève également des interrogations majeures sur l’avenir de l’humanité face à de tels développements.

Cette accélération nous emmène vers une frontière terrifiante que les physiciens dénomment «la singularité technologique », point à partir duquel les machines pourraient supplanter l’intelligence humaine et être conscientes de leur existence. Si ce jour devait advenir, les hommes auraient alors perdu la maîtrise de leur destin, et pourraient se faire supplanter par les machines.

Cela n’est pas de la science-fiction. L’astrophysicien anglais Stephen Hawking annonçait juste avant sa mort que ce point de «singularité » était inéluctable, et que l’espèce humaine courait à sa perte. L’entrepreneur américain Elon Musk, pourtant passionné de technologie et fervent défenseur du libéralisme économique, en appelle à la mise en place d’une régulation immédiate : «L’intelligence artificielle, dit-il, constitue notre plus grande menace existentielle. Nous risquons de faire là quelque chose de vraiment dingue. C’est comme convoquer le démon sans être protégé par un cercle hermétique » (Université d’été des gouverneurs américains de 2017).

Elon Musk n’entend pas pour autant rester un simple observateur de la révolution de l’intelligence artificielle. L’entrepreneur a d’ailleurs décidé de lancer un projet aussi fou qu’inquiétant: «Neuralink ». Son but: interconnecter le cerveau humain à

Internet, et donc interconnecter les cerveaux humains entre eux. C’est, selon lui, la seule façon de nous prémunir contre la domination future des intelligences artificielles sur l’humanité. Une puce électronique vers laquelle convergeraient nos réseaux neuronaux permettrait de se connecter à un supra-Internet planétaire.

Si un projet d’une telle nature devait aboutir (et il aboutira, cela n’est qu’une question de temps), alors l’humanité formerait un gigantesque réseau universel de personnes interconnectées entre elles. Avec tous les risques que cela peut engendrer: nos pensées pourraient-elles être piratées? Nos secrets les plus intimes pourraient-ils être percés? Pourra-t-on nous inoculer de faux souvenirs? Les opérateurs télécoms, qui jusqu’ici commercialisent nos données, pourraient-ils alors commercialiser nos pensées? Verra-t-on émerger une neurodictature au service d’une ambition totalitaire ? Une chose est certaine : dans les décennies qui viennent, la maîtrise de notre cerveau va devenir le premier des droits de l’homme.

C’est pourquoi l’intelligence artificielle met aujourd’hui toute la communauté scientifique mondiale en ébullition. L’université de Stanford, en Californie, a lancé un projet qui vise à présenter un rapport tous les cinq ans, et durant tout le xxie siècle, sur les risques liés à l’intelligence artificielle. Il faut dire que les innovations arrivent à grands pas, et les scientifiques ont du mal à suivre : «Des robots de haute qualité sont en train d’arriver plus vite que nous n’avons le temps de discuter des problèmes divers qu’ils vont poser», alerte Kate Darling, chercheuse en robotique au Massachusetts Institute of Technology (MIT), et spécialiste de l’éthique des robots.

La Maison-Blanche elle-même s’est saisie du sujet, en travaillant activement sur les risques liés à l’intelligence artificielle. Le président russe Vladimir Poutine a quant à lui annoncé publiquement que le pays qui aurait la maîtrise de l’intelligence artificielle deviendrait le maître du monde. L’intelligence artificielle et la maîtrise des réseaux deviennent un enjeu de souveraineté nationale. Nous voici prévenus.

Naviguer dans les courants tumultueux de l’intelligence artificielle est ainsi un défi du Nouveau Temps. La nécessité d’une régulation prudente et éclairée se fait jour, mais elle ne peut s’épanouir que sur le grand échiquier du monde. Si nous osions, en solitaire, décréter un moratoire ou une régulation trop contraignante, comme le demandent certains, c’est comme si nous offrions à la Chine le sceptre de l’avenir sur un plateau d’argent. En 2021, l’empire du Milieu régnait en effet déjà sur la planète IA, concentrant 52 % des dépôts de brevets, tandis que l’Amérique suivait avec modestie à 17 %. L’Europe et le Royaume-Uni, ensemble, ne totalisaient qu’une maigre participation de 4 %. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques, ils sont les prémices d’un réarrange[1]ment du monde.

C’est dans cette perspective que l’IA prend une dimension planétaire, transgressant les frontières et redessinant les contours de la puissance. Comme le pouvoir des nations autrefois défini par leurs armées ou leurs réserves d’or, c’est désormais la maîtrise de l’IA qui forge les rois du monde moderne.

En ce sens, l’habileté des grands dirigeants du xxie et du xxiie siècles à négocier ce virage technologique déterminera leur héritage. Ils seront jugés sur leur capacité à naviguer dans ces eaux inexplorées, à équilibrer les promesses infinies de l’IA et les risques qu’elle fait peser sur nos sociétés.

Face à ce défi titanesque, l’enjeu n’est pas seulement économique ou technologique, il est également existentiel. Pour les individus comme pour les nations, maîtriser l’IA est devenu une question de survie. Un nouveau jeu de puissance mondiale se dessine, et ceux qui sauront décrypter ses règles auront l’opportunité de redéfinir l’ordre mondial.

Extrait du livre de Rafik Smati, « Le nouveau temps Comment reprendre le contrôle à l'ère de l’IA », publié aux éditions Eyrolles

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