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Xi Jinping
Xi Jinping
©NOEL CELIS / AFP

Guerre en Ukraine

Xi Jinping s’est rendu ce lundi à Moscou pour un tête-à-tête avec son homologue russe.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Alors que Xi Jinping s’est rendu ce lundi à Moscou pour un tête-à-tête avec son homologue russe, et que les dirigeants parlent d’une “nouvelle ère” entre les deux pays, à quoi faut-il s’attendre après cette rencontre pour l’économie chinoise ? Que peut attendre la Chine de la Russie sur le plan économique ?

Jean-Marc Siroën : La Chine attend beaucoup moins de la Russie que la Russie n’attend de la Chine. Le développement des échanges a été une opportunité pour la Chine. Les sanctions commerciales prises par le camp occidental après l’invasion de l’Ukraine lui ont permis d’exporter davantage vers la Russie et d’importer des matières premières, tout particulièrement énergétiques, à des prix bradés. Mais ce coup de pouce n’est certainement pas suffisant pour accélérer significativement la reprise de l’économie chinoise ! Ce n’est pas demain la veille que la Russie deviendra une alternative aux marchés européens et américain !

La Chine, dont le modèle économique est basé quasi exclusivement sur l'investissement, fait face à des difficultés démographiques et à un vieillissement de sa population. Quelles peuvent être les conséquences de ce double constat pour Pékin ?

C’est en effet un des grands défis que la Chine devra affronter et c’est un défi qu’elle a peu de chance de surmonter. La fin de la politique de l’enfant unique n’a rien changé. Avec 1,28 enfant par femme, le taux de fécondité est aujourd’hui inférieur à celui du Japon ou de l’Allemagne. Si en France, le vieillissement rend incendiaire la question des retraites, en comparaison le sujet pourrait devenir explosif en Chine. À terme, cela signifie la baisse de la population chinoise qui est d’ores et déjà dépassée par celle de l’Inde. Comme le recours à une immigration massive est exclu, la Chine devra rechercher ailleurs la main-d’œuvre qui va lui manquer et qui, par ailleurs, est devenue chère. Elle va donc continuer à investir à l’étranger et délocaliser une partie de sa production en Asie, en Eurasie ou en Afrique et recourir à la main-d’œuvre locale. Une dérive impérialiste, voire coloniale, n’est pas à exclure.

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La Chine, en devenant un pays vieux avant de devenir riche, peut-elle réellement façonner son économie afin que celle-ci repose dorénavant sur la consommation ? En quoi cela serait important pour Pékin ?

Depuis au moins une dizaine d’années, les autorités chinoises affirment leur volonté de fonder la croissance sur la consommation plutôt que sur les exportations. Certes, les classes moyennes et urbaines se complaisent dans les délices de la société de consommation, mais avec un taux d’épargne brut de 46 % (Banque mondiale) la consommation n’a aucune chance de prendre le relais. Faute d’un système de protection sociale et de retraite suffisant, cette épargne est avant tout une épargne de précaution destinée à des achats immobiliers qui sont, entre autres, un moyen de garantir les vieux jours des travailleurs. C’est d’ailleurs aussi parce que l’accumulation d’épargne apparaît comme une nécessité que la Chine fait peu d’enfants. Les faiblesses de la Chine ne sont donc pas indépendantes les unes des autres et c’est justement pour cela que le pays peine à les résoudre.

Au vu de ces éléments, la Chine a-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions ? Dans ce contexte, l’axe Pékin/Moscou est-il si menaçant que ça ?

La Chine a su développer un système politico-économico-social qui a permis son décollage mais qui ne prépare pas son atterrissage. Les réponses chinoises ne sont pas convaincantes. Certes, sur le plan industriel, elle a pu remonter vers l’amont ses filières de production et acquérir un quasi-monopole dans des secteurs d’avenir et qui sont, d’ailleurs, à l’origine des inquiétudes et des rétorsions occidentales. Mais on peut se demander si l’adaptation de son mercantilisme ne va pas lui aussi atteindre ses limites. La Chine reste très dépendante des composants et des importations occidentales et le caractère démesuré de ses « nouvelles routes de la soie » peuvent apparaître comme une fuite en avant.

Quoi qu’il en soit, la Chine est devenue une puissance économique qui est passée en une quarantaine d’années d’un nationalisme autarcique à un mercantilisme expansionniste qui voit davantage dans les autres puissances des adversaires que des partenaires. Pour cela, la Chine doit étendre sa sphère d’influence et l’isolement de la Russie constitue pour elle une opportunité.

Le terme d’axe Pékin/Moscou serait trompeur si on y voyait un certain équilibre. Il me semble au contraire que le fait que la guerre en Ukraine affaiblisse la Russie donne à la Chine l’occasion sinon de la vassaliser, du moins de la rendre plus dépendante ce qui lui permettrait de reprendre son influence au « sommet du monde ». Une revanche sur l’arrogance passée de l’URSS vis-à-vis de son voisin…

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