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L’Italie vote. Mais la démocratie italienne n’est-elle pas une fiction ?
©ANDREAS SOLARO / AFP

Celesta !

Alors qu'il mène une campagne anti-Europe, Berlusconi aimerait présenter un candidat à la présidence du Conseil... qui se trouve être Antonio Tajani, actuel président du Parlement européen !

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Les élections générales italiennes auront lieu ce 4 mars, dans un contexte pour le moins incertain, mais où les sondages semblent placer la coalition menée par Silvio Berlusconi en bonne position pour pouvoir présenter un candidat à la présidence du Conseil. Curieusement, après une campagne électorale qui n'a pas épargné l'Europe, Silvio Berlusconi a pu se prononcer en faveur d’Antonio Tajani pour ce poste, actuel président du Parlement européen, qui a accepté d'être le candidat de Forza Italia. Devant un tel paradoxe, ne peut-on pas voir la démocratie italienne comme une illusion ? 

Christophe Bouillaud  : Une illusion, je ne sais pas, en tout cas, la démocratie italienne est surtout un jeu compliqué où certains électeurs pourraient se sentir floués à la fin. En dehors de ce choix de toute dernière minute du candidat Président du Conseil de Forza Italia, Silvio Berlusconi n’a en effet cessé de radicaliser son discours tout au long de la campagne, et de faire des promesses électorales presque en rien compatibles avec les contraintes budgétaires que l’appartenance à la zone Euro et le niveau de la dette publique italienne dans ce cadre imposent à l’Italie (comme l’instauration d’une « flat tax » en Italie pour l’impôt sur le revenu). Venir ensuite présenter comme candidat à la Présidence du Conseil un élu de son parti qui a fait la plus belle partie de sa carrière dans le cadre européen, pour finir par devenir Président du Parlement européen – ce qui n’est vraiment pas rien dans ce cadre là – parait totalement contradictoire avec tout ce fatras de promesses démagogiques. 

Quels sont les calculs politiques qui peuvent expliquer un tel choix de Silvio Berlusconi ? Quels sont les risques pris pour la préservation de sa coalition ?

Le calcul me parait être de chercher à retenir à soi tous les électeurs de centre-droit, modérés, pro-européens, libéraux ou même humanistes, qui ne sentent pas du tout en accord avec une coalition des droites qui penche désormais très sérieusement vers les extrêmes droites « décomplexées » pour ne pas dire plus que sont la Ligue (ex- Nord) de Matteo Salvini et Frères d’Italie de Giorgia Meloni. On peut d’ailleurs noter que, selon les sondages, la somme des extrémistes (Ligue + Frères d’Italie) au sein de la coalition de droite peut dépasser celle des modérés de Forza Italia et d’une petite liste modérée formés par des dissidents centristes de cette dernière. Il faut dire qu’en face, dans la coalition menée par le Parti démocrate de Matteo Renzi, la liste « + Europe » menée par Emma Bonnino, une libérale et laïque de gauche très modérée, semble avoir quelque impact sur ce même électorat modéré qui ne sait vraiment plus à quel bouée de sauvetage se rattacher dans une Italie en proie à tous les populismes. Le texte d’un écrivain italien publié par le Monde témoigne de ce désarroi des Italiens modérés.  Cela peut représenter peut-être pas loin de 10% du corps électoral à séduire – les mêmes qui avaient voté pour Mario Monti en 2013. 

Par contre, pour la coalition des droites, le choix de Tajani ne peut qu’énerver Meloni et surtout Salvini. Il faudrait vraiment que Forza Italia fasse un très bon score (au-dessus de 18%) et la Ligue un très mauvais (moins de 12%) pour que Berlusconi puisse imposer ce choix. On peut presque penser que cette idée de mettre Tajani en avant n’est en fait de la part de Berlusconi qu’une position de négociation, et que les choix finaux seront autres en fonction des rapports de force électoraux et parlementaires réels au soir du 4 mars. 

Est-il possible d'envisager une agglomération des "anti", que ceux-ci se positionnent à droite ou à gauche de l'échiquier politique, du mouvement M5S à la Ligue du Nord ?

C’est une hypothèse que calculent régulièrement les analystes italiens à la recherche d’une majorité parlementaire. Une grande coalition des partis qui ne forment pas en général des « grandes coalitions » en Europe, à savoir pour l’Italie, du M5S, de la Ligue et de Frères d’Italie, voire même de Libres et égaux (la liste à gauche du Parti démocrate de Renzi). A priori, cela parait vraiment très difficile, voire impossible. Ils n’arriveront jamais à s’accorder parce que, finalement, la droite et la gauche existent toujours, et que le M5S aura une difficulté infinie à choisir son camp. 

Par contre, il est possible qu’ils puissent à eux tous interdire la formation d’une « grande coalition » entre Forza Italia, le Parti démocrate et d’autres partis centristes, mais là encore c’est une hypothèse peu probable, puisque les droites auront sans doute la majorité dans les deux Chambres, ou n’en seront pas loin. Il suffira donc que le PD, ou d’autres forces comme « +Europa » si elles passent la barre des 3% pour avoir des élus à la proportionnelle, fassent preuve de « responsabilité » comme le PSOE en Espagne, en laissant faire la formation d’un gouvernement des droites. Dans cette hypothèse, un Tajani représente la personne adéquate.

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