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La mort du pape émérite Benoît XVI a été interprétée par certains comme un nouveau départ pour le pontificat du pape François.
La mort du pape émérite Benoît XVI a été interprétée par certains comme un nouveau départ pour le pontificat du pape François.
©ANDREAS SOLARO / AFP

Mort de Benoît XVI

La mort du pape émérite Benoît XVI a été interprétée par certains comme un nouveau départ pour le pontificat du pape François, libéré de l’ombre du grand théologien qu’était son prédécesseur. Mais l’Eglise est-elle vraiment entrée dans la clarté de sa trajectoire ?

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé, historien, spécialiste de l’histoire du christianisme. Il est rédacteur dans la revue de géopolitique Conflits. Dernier ouvrage paru Géopolitique du Vatican (PUF), où il analyse l'influence de la diplomatie pontificale et élabore une réflexion sur la notion de puissance.

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Atlantico : La mort du pape émérite Benoît XVI a été interprétée par certains comme un nouveau départ pour le pontificat du pape François, libéré de l’ombre du grand théologien qu’était son prédécesseur. Est-ce trop optimiste ?

Nous avons été, dix ans durant, dans une situation inédite que l’Église et le pape François ont dû apprendre à gérer, c'est-à-dire la présence de deux papes, l’un émérite, l’autre régnant. Cela n’était jamais arrivé et pourtant cela s’est fait sans aucun heurt ni confrontation. Remarquons donc tout d’abord la formidable capacité d’adaptation de l’Église et de la Curie qui a su faire avec un fait nouveau et réellement sans précédent.

Cela a pu se faire grâce à la personnalité des deux papes et au modus vivendi trouvé. Benoit XVI n’est pas intervenu dans les affaires courantes, même si plusieurs publications majeures ont jalonné ce curieux pontificat. Quant à François, il a inclus le pape émérite dans sa manière de gouverner, en l’invitant à plusieurs reprises à des cérémonies, lorsqu’il était encore valide, et en organisant une visite systématique au pape Benoît à chaque création de nouveaux cardinaux.

Cette situation de fait de deux papes n’est pas complètement optimale. Les canonistes et les historiens de l’Église discutent pour trouver une solution qui puisse être la meilleure possible.

Indéniablement, une nouvelle page s’ouvre pour le pontificat de François. Mais lui aussi arrive au terme de son pontificat, même si personne ne connait le moment. Il est physiquement fatigué et commence à lasser même ses supporters les plus dévoués. Ses marges de manœuvre sont aujourd'hui plus réduites qu’au moment de son élection.

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Certaines églises, comme celle des États-Unis, se montrent critiques des choix de François. L'Église sait-elle comment répondre ?

L’Église américaine est aujourd'hui l’une des plus importantes au monde, avec l’Italie, car elle fournit de nombreux prêtres, qu’elle dispose d’intellectuels brillants et qu’elle pèse d’un poids financier important. Même si l’Argentin Bergoglio se méfie des Américains du Nord, il ne peut faire sans eux. D’autant que, tant sur le continent américain que dans le monde, c’est l’une des églises les plus dynamiques en termes d’apostolat et d’innovation évangélique.

Toutefois, les catholiques américains sont multiples. Si François a fait des choix de nomination qui ont hérissé les conservateurs, cela n’a jamais causé de rupture majeure. Le vrai souci de l’Église aujourd'hui c’est l’Allemagne, pour des questions d’ordre théologique, et l’Amérique latine, une grande partie des fidèles étant aspirés par les mouvements évangéliques. Les États-Unis ne sont donc pas le souci principal de François et de la Curie.

Quelles vont être les prochaines orientations du pape François ?

Il lui reste à finaliser la réforme de la Curie, réforme déjà commencée sous Benoît XVI. Les questions financières sont en partie réglées, ainsi que la réorganisation des dicastères.

Pour le reste, François est-il encore capable de surprendre ? On voit que sur le dossier ukrainien, la diplomatie vaticane patine. Après avoir choisi la voie étroite du ni-ni en début de conflit, elle a connu une inflexion ces dernières semaines avec un soutien nettement affiché en faveur de l’Ukraine. Mais elle n’est pas un acteur principal des négociations.

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Les JMJ de Lisbonne de juillet prochain seront à cet égard un test majeur. On verra combien de jeunes viendront, et notamment si le score de Cracovie en 2018 sera égalé (près de 2 millions de participants). On verra également quel discours François tiendra aux jeunes. Benoît XVI était extrêmement populaire auprès de la jeunesse, alors même, et probablement parce que, il leur tenait un discours exigeant et qu’il leur parlait de théologie. Si le discours des JMJ se limite à des considérations banales sur l’écologie et l’accueil de l’autre, il n’y aura pas de quoi faire briller les foules.

La mobilisation autour de Benoît XVI, la ferveur que l’on voit à Rome et dans le monde à l’annonce de sa mort, dix ans après sa renonciation, souligne en creux l’anomie dans laquelle est tombé le pontificat actuel. Les commentateurs pouvaient penser que Benoît XVI avait été oublié, il n’en n’est rien. En dépit des attaques multiples qu’il a subi, il a été un pape très aimé.

La mort de Benoît XVI ouvre-t-elle la voie à une renonciation possible de François ?

Seul le pape lui-même connait la réponse. Mais il est tout à fait légitime de penser que François ne voulait pas créer une situation avec trois papes. Cela aurait été très compliqué à gérer. Néanmoins, à l’inverse de Benoît XVI, François est un politique. Il sait gouverner et il aime gouverner. À moins qu’il soit physiquement très handicapé, et il l’a dit lui-même puisqu’il a rédigé une lettre de renonciation dès 2013, je pense qu’il est peu probable qu’il renonce lui-même.

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