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Le pape François va nommer 21 nouveaux cardinaux.
Le pape François va nommer 21 nouveaux cardinaux.
©VINCENZO PINTO / AFP

Point de non-retour

Le pape François a annoncé dimanche la tenue d'un consistoire le samedi 27 août, au cours duquel il va nommer 21 cardinaux dont un Français, l’archevêque de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline.

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé, historien, spécialiste de l’histoire du christianisme. Il est rédacteur dans la revue de géopolitique Conflits. Dernier ouvrage paru Géopolitique du Vatican (PUF), où il analyse l'influence de la diplomatie pontificale et élabore une réflexion sur la notion de puissance.

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Atlantico : Le Pape François a nommé 21 nouveaux cardinaux. Comment analyser ces nominations ? Quelle ligne de l’Église incarnent-ils ?

Jean-Baptiste Noé : Ces nominations sont dans la continuité des précédentes : une diversité géographique, l’ensemble des continents étant représenté, des nominations attendues, pour les postes de curie et les évêchés qui sont des postes cardinalices, et des nominations surprenantes, comme Mgr Giorgio Marengo, préfet apostolique en Mongolie, créé cardinal à 48 ans seulement. Cela correspond à ce qu’a toujours fait le pape François lors des précédentes créations de cardinaux, c'est-à-dire représenter l’universalité de l’Église, tant géographique que spirituelle.

Le profil de Mgr Peter Okpaleke (Nigéria, 59 ans) est particulièrement intéressant. Nommé évêque en 2012 par Benoît XVI, celui-ci a affronté une fronde de ses prêtres et de ses fidèles, car il est d’ethnie ibo et qu’il fut nommé dans une région d’ethnie Mbaise. La situation fut tellement tendue qu’il ne put pas prendre ses fonctions et que le pape François dut accepter sa démission. En le nommant cardinal, le pape pose un geste très fort pour l’Église d’Afrique en montrant que le racisme ethnique ne doit pas l’emporter. 

Retenons aussi la nomination de Mgr Leonardo Ulrich Steiner, archevêque de Manaus, la plus grande ville d’Amazonie. En lui conférant la pourpre cardinalice, François donne un cardinal à l’Amazonie et témoigne de son attachement continu à cette région. Cette liste de nomination est donc très conforme à la pensée et à l’action du pape Bergoglio. Notons tout de même qu’en droit canonique ces personnes ne seront cardinales que le 27 août prochain, lors du consistoire qui doit leur conférer la barrette. Cela signifie que si le pape venait à décéder ou à renoncer à sa charge avant le consistoire, elles ne seraient pas créées cardinales et ne pourraient donc pas participer au conclave. 

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Dans quelle mesure les progressistes et très progressistes sont-ils désormais en majorité dans le collège des cardinaux ? Quelles conséquences cela peut-il avoir pour le futur de l'Église ?

Le clivage progressistes / conservateurs est réel, mais il n’est pas le plus pertinent. Le fait le plus marquant est que beaucoup de cardinaux ne connaissent pas les autres membres du collège cardinalice. Résidant loin de Rome (Mongolie, Maurice, Thaïlande, etc.) ils viennent très peu dans la capitale de l’Eglise. Lorsque le conclave surviendra, le premier travail consistera donc à ce que les cardinaux se connaissent mieux et se découvrent afin de pouvoir élire le nouveau pape. À ce titre, ceux qui ont déjà l’expérience des conclaves auront donc un avantage par rapport aux autres. 

Ce qui est vrai en revanche c’est qu’avec ces nominations les cardinaux créés par François auront la majorité des 2/3, seuil indispensable à atteindre pour élire un nouveau pape.  

Au vu des exemples passés, à quel point une trop grande ouverture de l'Église n’entraîne-t-elle pas une perte des fidèles, voire, comme certains le craignent, un schisme ? Est-ce des perspectives crédibles sur ce qui risque d'arriver après les choix de François ?

Le schisme menace en Allemagne, pays où les évêques jouent un jeu dangereux d’autonomie par rapport à Rome. Chaque continent est ensuite confronté à des problématiques propres qui sont spécifiques à l’histoire et aux traditions politiques. Dans certains pays, ce qui menace les chrétiens, ce sont les persécutions organisées par les États ou des groupes politiques. Ailleurs, notamment en Afrique, c’est l’expansion du vaudou et des cultes animistes. En Europe, les paroisses et les communautés qui se sont le plus diluées dans l’esprit du monde n’ont quasiment plus de jeunes, alors que celles qui sont restées fidèles au Magistère sont pleines. En France, la foi catholique conserve des noyaux ardents dans les grandes villes alors que les campagnes sont très déchristianisées. Il est notable de constater que les messes en latin se remplissent avec une population jeune, bien souvent de moins de 30 ans, ce qui parait incompréhensible aux plus de 50 ans. Il y a donc des clivages géographiques et démographiques qui se font jour. Mais tout ne dépend pas de Rome, c’est aussi aux évêques et aux églises locales de prendre le pouls des réalités des lieux où ils sont.  

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Le pape François a imprimé sa marque sur la formation du collège des cardinaux, qu’en est-il de son action ailleurs, notamment dans la réforme de la Curie ? 

Les commentateurs ont beaucoup glosé sur la réforme de la Curie, débutée dès l’élection de François (2013) et qui vient de s’achever. Tous les papes ont réformé la Curie, la dernière grande réforme datant de Benoît XVI. C’est une réforme importante des structures, notamment avec le regroupement de certaines congrégations. Mais ce n’est pas le point le plus fondamental du pontificat actuel. Le successeur de François, quel qu’il soit, apportera lui aussi sa réforme de la Curie. L’Église s’appuie certes sur des structures, et elles sont importantes, mais elle s’appuie surtout sur des personnes, laïcs et clercs. C’est sur elles que repose le futur de l’Église, plus que sur les organisations administratives de la curie romaine.

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