L’Allemagne a su gérer le choc énergétique causé par l’invasion russe en Ukraine bien mieux que prévu <!-- --> | Atlantico.fr
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Olaf Scholz, chancelier allemand (à droite).
Olaf Scholz, chancelier allemand (à droite).
©JOHN MACDOUGALL / AFP

Crise énergétique

Depuis le début de la guerre en Ukraine, certains pays européens sont touchés par une crise énergétique causée par l'arrêt des livraisons de gaz russe. En revanche, une étude montre que l'économie allemande a bien résisté à cet arrêt.

Benjamin Moll

Benjamin Moll

Benjamin Moll  est un macroéconomiste allemand, professeur d'économie à la London School of Economics. Il est lauréat du prix Bernacer 2017 pour ses " contributions visant à intégrer l'hétérogénéité des consommateurs et des entreprises dans les modèles macroéconomiques et à utiliser ces modèles pour étudier les riches interactions entre l'inégalité et la macroéconomie.

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Atlantico : Vous venez de publier une nouvelle étude montrant que l'économie allemande a bien résisté à l'arrêt des livraisons de gaz russe. Quelles sont les données qui étayent votre analyse ?

Benjamin Moll : Les principales données sur lesquelles nous nous appuyons ici sont les chiffres les plus récents du PIB. Ceux-ci montrent que non seulement le PIB allemand ne s'est pas effondré, mais qu'il a même progressé de près de 2 % sur l'ensemble de l'année 2022. De plus, même au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023, au plus fort de la saison de chauffage de l'hiver, l'Allemagne a même évité complètement une récession selon la définition technique qui est de deux trimestres consécutifs négatifs. Cela est surprenant à la lumière des diverses prévisions catastrophiques faites par les entreprises, les associations et syndicats industriels et les groupes de réflexion associés tout au long de l'année dernière. Par exemple, le PDG du géant de la chimie BASF a donné une interview tristement célèbre l'année dernière, prédisant "la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale" en cas de coupure du gaz russe, en demandant "Voulons-nous sciemment détruire notre économie tout entière ? Les données les plus récentes montrent clairement que ces prévisions catastrophistes étaient loin du compte.

Comment expliquer une telle résistance de l'économie allemande ? Comment l'Allemagne a-t-elle évité la récession ?

La clé est que les entreprises et les ménages ont économisé beaucoup de gaz naturel. Pour vous donner un chiffre, une très belle étude publiée récemment montre que la consommation combinée de gaz des ménages et des entreprises au cours du second semestre 2022 était inférieure de 23 % à la valeur de référence ajustée en fonction de la température. Ce qui est très intéressant, c'est que cela s'est produit sans les importantes réductions de production prévues par beaucoup. Le mot clé ici est "substitution". Pour l'essentiel, les producteurs se sont partiellement tournés vers d'autres combustibles ou fournisseurs de combustibles, ont importé des produits à forte teneur énergétique, tandis que les ménages ont adapté leurs habitudes de consommation, principalement en baissant leur chauffage d'un ou deux degrés et en portant un pull un peu plus souvent.

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Selon vous, l'Allemagne aurait également résisté à un arrêt des importations avant le 1er avril 2022. Comment aurait-elle pu le faire ?

L'élément clé à prendre en compte est le stockage du gaz. L'un des principaux arguments est que les mois supplémentaires d'avril à août, pendant lesquels l'Allemagne a continué à stocker du gaz russe, ont été décisifs pour remplir les stocks suffisamment pour passer l'hiver. Une rupture immédiate aurait entraîné des pénuries et un rationnement. Nous montrons que c'est faux : même avec un arrêt anticipé des importations de gaz russe à la fin du mois de mars 2022, l'Allemagne aurait traversé l'hiver et serait sortie de la période de chauffage avec des stocks de gaz supérieurs aux niveaux critiques. L'idée est très simple : nous comparons la quantité de gaz importée de Russie par l'Allemagne au cours de ces mois supplémentaires à la quantité de gaz stockée à la fin de l'hiver. Et nous constatons que l'Allemagne est sortie de l'hiver avec un peu plus de gaz dans ses stocks qu'elle n'en a importé, à savoir 25 %. Nous en concluons donc que si l'Allemagne n'avait pas importé ce gaz russe supplémentaire, il lui resterait encore au moins 25 % dans ses stocks. De plus, comme une coupure au début du mois d'avril aurait coïncidé avec la fin de la période de chauffage précédente et une baisse de la demande des ménages, les réserves de gaz auraient été suffisantes à tout moment pour satisfaire la demande de gaz de l'industrie et des ménages. Les pénuries ou le rationnement auraient été évités.

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