Keynote d’Apple : pourquoi l’heure du renouvellement des produits de la marque à la pomme a plus que sonné<!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle version de Mac OS a été mise à disposition très vite après la sortie de iOS 10 et permis de mettre en évidence l'intégration extrêmement poussée entre le système d'exploitation mobile de la marque et celui de ses ordinateurs traditionnels.
La nouvelle version de Mac OS a été mise à disposition très vite après la sortie de iOS 10 et permis de mettre en évidence l'intégration extrêmement poussée entre le système d'exploitation mobile de la marque et celui de ses ordinateurs traditionnels.
©GABRIELLE LURIE / AFP

Innovation en stand-by

La Keynote de ce jeudi 27 octobre sera centrée autour de la présentation des derniers IPhones. Alors qu'Apple a choisi de porter ses efforts sur le renouvellement de son produit le plus rentable et le plus "challengé" par la concurrence, les innovations autour des différents Mac, se font de plus en plus rares.

Gilles Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek, l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCH.tv, la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux loisirs.

Il est le co-auteur, avec Marc Geoffroy, de l'ouvrage iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

Vous pouvez suivre Gilles Dounès sur Twitter : @gdounes

 

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Atlantico : Le 27 octobre prochain, Apple organise sa Keynote pour présenter ses derniers produits... qui ne sont désormais plus que des IPhones. L'entreprise semble avoir délaissé l'innovation concernant les ordinateurs : le Mac Book Pro, par exemple, n'a pas été mis à jour depuis juin 2012. A-t-il besoin selon vous d'être mis à jour ? Si oui, pourquoi et de quelle manière ? 

Gilles Dounès :La keynote de l’iPhone a déjà eu lieu.  Depuis maintenant plusieurs années, Apple organise traditionnellement deux Keynote en automne, suffisamment avant le week-end qui suit immédiatement Thanksgiving fêté par les Américains  le dernier  jeudi de novembre. À part sans doute pour les amérindiens, c'est à la fois une fête familiale très importante et l'un des très rares jours fériés pour la plupart des Américains. Le week-end qui suit immédiatement les agapes de dinde et de tarte au potiron marque traditionnellement le coup d'envoi des achats de Noël, avec un rush dans les magasins ou les sites de cyber-commerce qui permet la plupart du temps de prédire quels produits, ou quelle catégorie de produits, feront la tendance pour les cadeaux de fin d'année. 

Si l'on ajoute à ceci que ce quatrième trimestre est le plus important de l'année, pour Apple comme pour la plupart des marques et des commerçants aujourd'hui, c’est la raison pour laquelle l'iPhone – et avec lui les produits de l'écosystème iOS, iPad ou Apple Watch – sont présentés très tôt au mois de septembre. Cette année la conférence de présentation a eu lieu le 7 septembre, c'est-à-dire très tôt comme d'ailleurs chaque année : c'est l'iPhone qui fait bouillir la marmite à Cupertino, il faut donc que le produit soit prêt en temps et en heure pour que le « lancement à étage » soit réalisé dans de bonnes conditions, échelonné dans diverses parties du monde au fur et à mesure que les chaînes de fabrication montent en puissance. Mais il faut aussi que l'on commence à le voir un peu partout en ville, dans de plus en plus de mains, histoire de faire la tendance…

Ce n'est qu'une fois « absorbés » les lancements de la nouvelle version de l'iPhone dans les divers pays, ainsi que ceux des autres produits de l'écosystème, qu'Apple a l'habitude de programmer un deuxième événement consacré cette fois au Mac. Principalement pour deux raisons : d'une part pour ne pas que la communication et ses répercussions ne soient en quelque sorte « annulés » par l'effet de souffle généré par le lancement de l'iPhone, avec les différents tests et « prise en main » qui se succèdent pendant plus d'un mois et demi. Et d'autre part parce que jusqu'ici les lancements de machines étaient coordonnés avec la mise à disposition de la nouvelle version de Mac OS (ex Mac OS X), pour laquelle Apple se contentait d'une échéance vague de mise à disponibilité au moment de sa présentation lors de la conférence des développeurs de juin. C'est précisément pour pour échapper à cet « effets de Blast » de l'iPhone que Samsung s'est tiré une balle dans le pied en sortant prématurément son Galaxy Note 7, avec les conséquences que l'on connaît, et pour au contraire pouvoir bénéficier au dernier moment d’un délai de grâce pour effectuer d'ultimes réglages que Apple reste traditionnellement autant dans le flou.

Cette année pourtant les choses ont été un tout petit peu différentes, la nouvelle version de Mac OS ayant été mis à disposition très vite après la sortie de iOS 10, afin de mettre en évidence l'intégration extrêmement poussée entre le système d'exploitation mobile de la marque et celui de ses ordinateurs traditionnels. Mais, même si pour reprendre l'exemple du Mac pro que vous avez soulevé, ce modèle précis semble avoir été laissé en déshérence pour tout un tas de raisons, la plupart des modèles de la gamme d'ordinateurs de la marque ont été plus ou moins régulièrement mis à jour, même si c'est de manière moins fréquente et régulière qu'avant la montée en puissance de l'iPhone… ou plutôt de la concurrence autour de l'iPhone.

Cette absence d'innovation en matière d'ordinateurs signifie-t-elle que Apple est en train d'abandonner ce marché ? Si oui, pourquoi ? Sinon, pourquoi ?

Encore une fois, ce n'est pas parce que le Mac Pro n’a pas été remis à jour depuis son lancement qu'il n'y a pas d'innovation du côté du Mac, et ce pour plusieurs raisons. Celles-ci sont la conséquence de manière dont Apple fonctionne, en privilégiant l'expérience utilisateur – c'est-à-dire les usages – en concevant ses produits autour de ses logiciels  et de quelques composants clés, si possible exclusifs au moins dans un premier temps. Cela passe souvent par l'interface utilisateur – la souris il y a 30 ans, la roue à molette cliquable de l'iPod dont on vient de fêter les 15 ans ou l'écran capacitif projeté de l'iPhone ou de l'iPad à leur lancement – mais cela a pu être à l'occasion un type particulier de processeur ou de carte graphique. Or Intel a récemment changé le rythme de mise à jour de ses processeurs, tandis que le Mac Pro a rencontré de sérieux problèmes au niveau de ses cartes graphiques. Là sans doute réside une partie des explications, et on attend d'ailleurs une avancée jeudi du côté du design – la première depuis bien longtemps en matière d'ordinateurs portables – avec une barre de touches LED, programmables par l'utilisateur.

Mais c'est surtout dans le fonctionnement interne d'Apple, très pyramidal, que se trouve sûrement la raison principale de ce ralentissement : ce sont en effet les mêmes personnes qui valident en dernier recours les différents projets matériels et logiciels, avec des produits qui doivent en définitive fonctionner ensemble de façon la plus lisse et la plus harmonieuse possible. Et ce alors que en moins de 10 ans, ce n'est plus une seule version de Mac OS X dont les que les différentes équipes doivent superviser le développement en parallèle mais quatre, avec Mac OS, iOS, Watch OS et TV OS sans compter Apple Car, ainsi que les kits de développement pour l'écosystème « santé » et « maison intelligente ». Steve Jobs avait bien anticipé le développement exponentiel de la société – celle-ci compte désormais plus de 10 000 employés dans ses divers campus de Cupertino – en jetant les bases d'un nouveau campus circulaire, mieux à même de favoriser les synergies et les collaborations. Mais celui-ci mettra encore quelques mois à être opérationnel : en attendant sa mise en service, il n’en demeure pas moins que les cycles de renouvellement des différents Mac se sont considérablement allongés, la plupart du temps au-delà des quatre, voire cinq trimestres consécutifs.

Pourtant, si la société a logiquement privilégié son produit à la fois plus rentable et le plus « challengé » par la concurrence, elle peut d'autant moins abandonner l'ordinateur personnel que celui-ci est encore nécessaire, et sûrement pour un petit moment, pour fabriquer les logiciels nécessaires à la vitalité de l’écosystème de l'iPhone et de l'iPad.

Le chiffre d’affaire d'Apple est-il menacé par son manque d’innovation sur le marché des ordinateurs ? Est-ce que les IPhones peuvent suffire à combler le manque à gagner ? 

Avec un chiffre d'affaires global de presque 47 milliards de dollars pour le troisième trimestre par exemple, dont 28 milliards pour l'iPhone et 5,7 milliards pour le Mac, les ordinateurs concourent à peu près pour un peu plus de 10 % aux revenus d'Apple, et représentent 15 % des revenus générés par l'iPhone. Il n'en demeure pas moins que le Mac reste une pièce essentielle dans l'offre globale de la marque, qu'elle n'a de cesse de pousser en particulier sur le marché professionnel et auprès des grands comptes, au-delà de sa clientèle traditionnelle des entreprises individuelles de créatifs et des agences immobilières.

Il faut bien garder à l'esprit que la marque n'a pas une approche en termes de "produits" mais d'usages, en fonction desquels elle décline son offre de valeur : téléphone mobile, tablette, ordinateur portable plus ou moins puissant ou poste fixe, avec encore une fois pour point commun cette "unicité" de l'expérience utilisateur. IBM, qui a longtemps été sinon le meilleur ennemi d'Apple du moins sa tête de Turc préféré, vient de publier une étude de coût sur les quelques 90 000 Mac qu'elle a déployés en interne, avec des économies substantielles sur les coûts de déploiement et de maintenance par rapport à sa flotte précédente de PC Lenovo.

Le vide laissé par Apple dans le domaine des ordinateurs a-t-il laissé une place à la concurrence du groupe ? Qui profite réellement du manque de renouveau des ordinateurs de la marque à la pomme ?

C'est en direction de cette clientèle professionnelle, avec des usages mobiles plus conséquents que la simple utilisation de tablettes, que devrait s'adresser Apple avec l'événement de jeudi soir. Cela fait d'ailleurs plus de 15 ans qu'Apple réalise plus de 60 % de son chiffre d'affaires purement informatique avec des ordinateurs portables, bien avant la plupart des constructeurs de PC. Et même si l'absence de renouvellement de son offre à impacté ces derniers trimestres les ventes de Mac, ces dernières années les ordinateurs de la marque ont beaucoup mieux tiré leur épingle du jeu que la plupart de leurs concurrents sur un marché global de l'ordinateur personnel en régression constante.

Paradoxalement, le Mac a été beaucoup moins concerné que ses concurrents par la montée en puissance des tablettes sur la plupart des usages courants, qu'il s'agisse des professionnels ou des particuliers. C'est d'ailleurs sur l'un de ses points forts traditionnels, le marché de l'éducation, qu'Apple a réellement souffert avec la montée en puissance extrêmement rapide des chromebook, en concurrence frontale avec l'iPad. Le renouvellement de la gamme nomade qui devrait avoir lieu jeudi, en attendant celle de l'iMac probablement en début d'année prochaine, devrait probablement aussi chercher à apporter une réponse de ce côté-là.

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