Ivanka Trump contre Chelsea Clinton : le match des premières filles présidentielles qui pourraient avoir plus d'influence que jamais<!-- --> | Atlantico.fr
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Comme Anna Roosevelt, Ivanka et Chelsea ont grandi dans le sérail politique aux côtés de leurs parents et si elles sont amies de longue date.
Comme Anna Roosevelt, Ivanka et Chelsea ont grandi dans le sérail politique aux côtés de leurs parents et si elles sont amies de longue date.
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Clinton VS Trump côté filles

En juillet 2016, Chelsea Clinton et Ivanka Trump ont franchi une nouvelle étape en occupant le devant de la scène, à côté de leurs parents respectifs. Hillary Clinton et Donald Trump ayant un notoire déficit dans l’opinion publique américaine, les équipes de campagne ont parié sur un sursaut fourni par Ivanka et Chelsea en mettant en avant un "plus générationnel", celui de la génération Millenial.

Michel Goussot

Michel Goussot

Professeur Agrégé de Géographie
Maître de Conférence à Sciences Po Paris. CERI. A écrit Espaces et territoires aux Etats-Unis (2004).

 

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Atlantico : Les apparitions très remarquées de Chelsea Clinton et Ivanka Trump aux conventions démocrates et républicaines ont été notées par de nombreux observateurs. Quel est le rôle des deux trentenaires et potentielles futures "first daughters"? Pourquoi ont-elles été mobilisées par les équipes de campagne de leurs parents ?

Michel Goussot : Aux États-Unis, "the First Family" désigne l’épouse et les enfants du Président en fonction et fait partie intégrante d’un certain spectacle obligé de la vie politique Américaine au plus haut niveau. On retrouve d’ailleurs une forte présence des proches lors des campagnes électorales diverses qui émaillent la vie politique américaine, notamment pour les Gouverneurs des États. L’histoire même des États-Unis s’est toujours appuyée sur l’importance de la "première famille", à commencer par la First Lady, le plus souvent entourée de ses enfants qu’ils soient mineurs ou majeurs : on démontre ainsi la solidité du couple présidentiel à laquelle les Américains sont très attachés ; on veut aussi voir de près les enfants, preuve d’une "famille aimante", reflet de 300 ans d’une société où le mariage a toute son importance. Aux États-Unis, les grands parents, les enfants adultes et leurs conjoints doivent également être connus de l’opinion publique. L’expression "First Family" désigne cependant le Président, son épouse et leurs enfants, ils résident à la Maison Blanche (Executive Residence) et les médias américains adorent faire des reportages sur la First Family, suivre de près les études des enfants, les montrer participant avec leurs parents à des réunions publiques, les présenter lors de la remise du diplôme obtenu à l’issue de la Senior High School. La First Family est soumise à des règles de protection très strictes, comme pour le Président ; les enfants sont en quelque sorte les ambassadeurs de leurs parents et sont perçus comme tels par l’opinion publique. Il s’agit là d’une tradition ancrée dans l’histoire des États-Unis. Lors des Primaires et surtout lors des Conventions Démocrate et Républicaine, les candidats de chaque parti nominé sont en général accompagnés par la First Family, mais il est rare dans l’histoire américaine que les enfants s’expriment au nom de leurs parents. Rappelons que la First Lady of the United States (FLOTUS) n’est pas un titre officiel et son rôle a largement évolué au cours du temps ; Dolley Madison fut la première First Lady désignée comme telle en 1849

En juillet 2016, Chelsea Clinton et Ivanka Trump ont franchi une nouvelle étape en occupant le devant de la scène, à côté de leurs parents respectifs ; certes, elle ne sont pas venues d’elles-mêmes, les équipes de campagne de Hillary Clinton et de Donald Trump ayant largement misé sur elles pour faire taire les opposants aux deux prétendants ; c’est aussi l’effacement des conjoints des deux candidats nominés au profit de la fille unique des Clinton et de la fille aînée de Donald Trump. Rappelons que Hillary Clinton et Donald Trump ont un notoire déficit dans l’opinion publique américaine et les équipes de campagne ont parié sur un sursaut fourni par Ivanka et Chelsea en mettant en avant un "plus générationnel", celui de la génération Millenial

Ivanka Trump, l’aînée des 5 enfants de Donald Trump, âgée de 35 ans est une femme d’affaire expérimentée, ancien top-modèle et vice-présidente d’une des innombrables institutions dirigées par Donald Trump. C’est Ivanka qui présente son père lors de la Convention Républicaine et fait un discours assez modéré, assez conforme au ressenti de la génération Millenial à laquelle elle se sent très attachée. Chelsea Clintion a 36 ans, elle est bardée de diplômes obtenus à Stanford University, Columbia et Oxford ; après avoir été correspondante pour NBC News entre 2011 et 2014, elle se consacre aujourd’hui aux deux fondations créées par ses parents (The Clinton Foundation et The Clinton Global Initiatives). 

Le fait que l’aînée de Donald Trump et la fille unique du couple Clinton se soient exprimées lors des Conventions Républicaine et Démocrate montre qu’aujourd’hui les deux nominés –Hillary Clinton et Donald Trump – ont eu besoin d’une sorte de "garde rapprochée" pour convaincre les délégués des Conventions. Certes, Donald Trump aurait pu confier à deux autres de ses enfants –Éric et Tiffany – ce rôle éminent, mais c’est bien Ivanka –peut-être par ce qu’elle représente le mieux la génération Millenial – qui a attiré la lumière sur elle. 

Tout ceci est nouveau. Aucune des filles de candidats nominés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale n’avaient été aussi impliquées au plus haut niveau précédent l’élection de novembre ; les filles de Johnson ou de Nixon étaient bien présentes lors des Conventions (1964 et 1968), mais elles n’avaient pas pris la parole. Il en fut de même pour les jumelles Bush ou les très jeunes filles du couple Obama, présentes, mais sans plus. En 1980, la fille de Ronald Reagan est également présente et a fait par la suite une carrière politique, mais là encore rien de plus. Seule Anna Roosevelt semblait très proche de son père et les commentateurs de l’époque (Roosevelt a été réélu 4 fois) ont pu noter qu’on la voyait aux côtés de son père plus que l’épouse de Roosevelt (comme par exemple lors la Conférence de Yalta en février 1945). En fait, les deux "stars" des Conventions Républicaine et Démocrate ont bien été Ivanka et Chelsea ! Au cours des Primaires, Ivanka a suivi de près le parcours de son père et Chelsea avait préparé pour Hillary ses discours en riposte à ceux de Bernie Sanders. Comme Anna Roosevelt, Ivanka et Chelsea ont grandi dans le sérail politique aux côtés de leurs parents et si elles sont amies de longue date, elles ont tenu des discours peu éloignés au plan politique ; Ivanka, en référence à la génération Millenial s’est montrée peu clivante et a même lancé sous une forme de slogan : "Je ne me sens ni Démocrate, ni Républicain", ce que la presse américaine a retenu bien évidemment. Si Ivanka s’est montrée très à l’aise face aux caméras, Chelsea est certainement plus timide. Il semble qu’à présent, Hillary et Donald ne pourront plus se passer du soutien politique assez original, parce que moins clivant, de leurs filles. Un certain paradoxe est en train de naître : autant les deux nominés vont chercher à s’éviter le plus possible, autant, les deux filles –amies – resteront liées. 

Entre le népotisme et l'utilisation "marketing", cette utilisation des enfants des politiques est-elle envisageable en France ? Qu'est-ce qui rapproche ou éloigne la France des Etats-Unis ?

Aux États-Unis, va-t-on assister à une sorte de "dynastisation" de la vie politique avec une First Family s’appuyant sur les enfants adultes ? Au cours de l’année 2015, la famille Bush, avec la candidature d’un autre Bush comme candidat à la présidence avait mis en avant ce risque pour la vie politique américaine d’une sorte d’endogamie politique (rappelons que George W. Bush est le fils de George H. Bush) et la candidature de Hillary Clinton entre dans cette interrogation. En France, il est certainement difficile d’envisager cette sorte de "marketing-business" des enfants de candidats à la présidentielle, même si en 2007, on a pu voir apparaître une sorte de First Family "à l’américaine" lors de la victoire de Nicolas Sarkosy ou encore le rôle non négligeable du fils aîné de François Hollande sur les plateaux de télévision. La France est le pays de la monarchie absolue abolie en 1789 et une "dynastisation" de la vie politique française ne semble pas pouvoir naître ; à la différence du Royaume-Uni où la dynastie s’impose de facto, comment pourrait-on imaginer que le fils ou la fille d’un Président se présente un jour à la présidentielle ? Disons que pour l’instant c’est impensable eu égard à l’histoire même de notre nation. Mais le rôle tenu par Ivanka et Chelsea pourrait donner des idées à nos anciens Présidents dans le futur…

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