Henri Guaino : "Avec la crise, le gaullisme est plus que jamais d'actualité"<!-- --> | Atlantico.fr
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Les adhérents de l'UMP sont appelés à voter le 18 novembre pour des motions qui deviendront les différents mouvements du parti.
Les adhérents de l'UMP sont appelés à voter le 18 novembre pour des motions qui deviendront les différents mouvements du parti.
©Reuters

Une certaine idée de la France

Henri Guaino, Michèle Alliot-Marie, Bernard Accoyer et d'autres élus UMP défendent leur motion "gaulliste" en vue du congrès de l'UMP. La question de la place de la France au sein de l'Europe est un point central de leur philosophie.

Henri Guaino

Henri Guaino

Henri Guaino est un haut fonctionnaire et homme politique français

Conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, président de la République française, du 16 mai 2007 au 15 mai 2012, il est l'auteur de ses principaux discours pendant tout le quinquennat. Il devient ensuite député de la 3e circonscription des Yvelines.

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Atlantico : Avec Michèle Alliot-Marie, Bernard Accoyer et d'autres parlementaires, vous défendez une motion gaulliste, en vue du congrès de l'UMP en novembre. Quelles sont vos valeurs et vos propositions ?

Henri Guaino : C'est très simple : notre motion fait explicitement référence au gaullisme. C'est une prise de position pour l'avenir : nous aurons des débats sur le rôle de l’État, sur la place de la nation, sur la souveraineté du peuple par rapport aux corps intermédiaires, sur l'Europe. Il y a la des lignes de partage qu'il faudra surmonter.

Se référer au gaullisme a-t-il toujours un sens aujourd’hui, dans une économie ouverte et mondialisée ?

Cette question est assez amusante : on ne la pose jamais à des libéraux, dont l'idéologie date de la fin du XVIIIe siècle. Il en va de même pour le socialisme. On fait toujours un procès en "ringardisme" ou en  "passéisme" au gaullisme, alors que dans les grandes idéologies politiques, elle est la plus récente, puisqu'elle date seulement du XXe siècle. Le gaullisme est plus compliqué à cerner car ce n'est pas une doctrine ou une religion. Il n' y a pas de "catéchisme" du gaullisme.

Le gaullisme est une histoire, celle du général de Gaulle, de 1940 à son départ du pouvoir en 1969. On est gaulliste lorsqu'on pense que cette histoire à encore une signification morale et politique aujourd'hui. Pour ma part, je pense que c'est le cas, et encore plus depuis la crise. Vous croyez vraiment que dans le monde d'aujourd'hui, l’État n'a plus sa place ? Vous croyez vraiment que l'idée qu'il n'a plus aucun moyen d'action, qu'il ne peut plus rien, qu'il ne fait plus rien, est une idée raisonnable ? Quel sera l'instrument de la volonté collective s'il n' y a plus d’État ? A part l'Europe, y a-t-il une seule région du monde où on s'acharne à détruire l’État ?

On sort de trente ans durant lesquels on nous a expliqué qu'il fallait un État minimum recentré sur ses fonctions régaliennes. Mais lorsque Nicolas Sarkozy sauve Alstom, ce n'est pas une fonction régalienne... Je crois que la crise a fait renaître l'idée d’État. On peut avoir différentes conceptions de l'État : une conception bureaucratique et envahissante, omnipotente, mais également une conception républicaine d'un État ayant une autorité, étant capable d'intervenir lorsqu'il le juge nécessaire. L'État gaulliste, l'État des "Lumières" peut être entrepreneur et porteur d'espoir ! L’État doit être capable d'intervenir lorsque l'intérêt du pays est en cause. Le gaullisme, c'est le refus du laisser-faire. L'affirmation de la volonté politique, de sa primauté sur tout le reste. La politique de la France ne doit pas se faire à la corbeille comme disait le général de Gaulle. Les marchés ne doivent pas décider à la place des peuples. Cela n'a jamais été autant d'actualité depuis que la crise a démontré la catastrophe où nous menait l'abdication des politiques devant la toute puissance des marchés.

De même, l'idée de nation, défendue par la général de Gaulle, n'a jamais été autant d'actualité. A part en Europe, connaissez-vous un endroit où on essaie d'effacer la nation ? Dans le monde entier, les nations s'affirment ou se ré-affirment. Elles protègent leurs frontières, leurs emplois. Certes, il y a plusieurs conception de la nation : la conception fermée, étriquée, nationaliste, mais aussi une conception généreuse, avec la nation comme destinée généreuse, collective. On va aussi avoir des débats sur l'unité et l'indivisibilité de la République. Nous sommes contre le communautarisme, les féodalités. Je suis contre une décentralisation qui veut faire émerger des principautés.

Le général de Gaulle, adepte d’une politique keynésienne et soucieux de l’indépendance de la France, aurait-il accepté le carcan budgétaire et la perte de souveraineté que le traité budgétaire européen impose à la France ? 

Je me refuse à imaginer ce que le général de Gaulle aurait fait s'il était encore vivant. Ne faisons pas parler les morts. Maintenant, si vous me demandez, à moi, si je trouve raisonnable de faire des politiques d'austérité à tout va en pleine récession,  je vous répondrais non. Pour autant, le traité budgétaire n'est pas un carcan, pas plus que ne l'était le traité de Maastricht, auquel j'ai pourtant voté "non". Le nouveau traité n'implique aucun abandon, aucun transfert  de souveraineté. C'est ce que Nicolas Sarkozy s'était acharné à préserver lorsqu'il l'a négocié avec Angela Merkel. Le Conseil constitutionnel l'a confirmé, la Cour de Karlsruhe aussi. Il n' y a pas d'abandon de souveraineté. François Hollande, qui nous expliquait que c'était un abandon de souveraineté et qu'il ne le ratifierai pas, nous explique aujourd'hui que ce n'est pas un abandon de souveraineté et qu'il faut le ratifier tel quel.

 Ce traité semble pourtant être un premier pas vers l’Europe fédérale que vous récusez dans votre motion...

Non, le premier pas vers l'Europe fédérale était le traité de Maastricht. C'était à mon avis, une erreur. Mais il n' y a aucune manière aujourd'hui d'empêcher un parlement de voter un budget tel qu'il l'entend. La règle d'or est un problème franco-français. Ce n'est pas la Cour de justice européenne qui vérifiera si elle est bien appliquée, c'est le Conseil constitutionnel français. On ne remet notre souveraineté à personne. Après, je vous concède volontiers que je ne suis pas emballé par l'idée que ce soit le Conseil constitutionnel qui décide de la politique économique de la France.

Mais les règles ne gênent pas si on est assez intelligent pour les appliquer avec un certain pragmatisme, quand la situation ne permet pas d'en respecter la lettre. J'observe qu'au moment de la crise de 2008, malgré les critères de Maastricht, malgré l'orthodoxie allemande et les consignes de la banque centrale, tout le monde a reconnu que dans des circonstances exceptionnelles, il fallait assouplir les règles. On ne pouvait pas, dans ces circonstances-là, les respecter. On a signé un traité de Maastricht qui interdit à la Banque centrale d'intervenir sur les dettes publiques et on l'a déjà violé au moins trois fois depuis le début de la crise. Il faut appliquer les règles en tenant compte des réalités de l'économie.

Nicolas Sarkozy, que vous avez conseillé, était-il gaulliste ?

Je ne donne pas d'étiquettes aux uns et aux autres. Mais, je suis devenu sarkozyste parce que j'étais gaulliste. J'ai retrouvé, dans ce que nous avons fait, beaucoup de choses qui étaient conformes aux leçons que j'avais tiré du gaullisme. Je pense que Nicolas Sarkozy a été le plus gaullien des présidents de la République depuis Georges Pompidou, parce qu'il a été le premier depuis longtemps a récuser le laisser-faire et à croire en la volonté politique. Il n'a jamais bradé les intérêts de la France, il ne sait jamais posé pendant cinq ans la questions de savoir si les mesures qu'il prenait étaient de droite ou de gauche. Sa politique a été tout à fait fidèle aux engagements qui sont les miens et elle a fait jouer à la France son rôle singulier dans le monde comme elle ne l'avait pas fait depuis bien longtemps.

Les gaullistes semblent perdre de l’influence dans une UMP qui devient plus libérale, centriste et européenne. Comment allez-vous regagner du terrain ?

Je pense que les militants sont majoritairement gaullo-bonapartistes. Ce n'est pas forcément le cas des élus, mais c'est tout le problème de toute la politique française : la distorsion entre les peuples et ceux qui les dirigent. Aujourd'hui, les élus sont déconnectés de la base militante du mouvement, et à fortiori des sympathisants. Il faut réduire cette distorsion par l'appel au peuple : "la souveraineté du peuple à condition qu'elle ait les moyens de s'exprimer !", disait le général de Gaulle. C'est peut-être aussi l'un des enjeux de la reconstruction de l'UMP. Au moment des parrainages, l'expression de la souveraineté du peuple a été un peu difficile. 

Justement, vous n'avez pas pu vous présenter à la présidence de l'UMP. Cette motion est-elle aussi, pour vous, l'occasion de prendre une revanche ? 

Non, je veux porter les valeurs du gaullisme à l'UMP. J'ai participé à cette opération de parrainage, bien que je constate que les règles étant ce qu'elles sont, on se retrouve dans une situation ridicule où il n'y a que deux candidats pour un scrutin prévu à deux tours. C'est d'ailleurs un échec, car les gens qui avaient prévu ce verrouillage misaient, à mon avis, sur le fait qu'il n'y aurait qu'un seul candidat. Ce n'est pas une revanche, je continue maintenant mon combat par les moyens qui me sont donnés.

 Apporterez-vous, néanmoins, votre soutien à l'un des deux candidats ?

Le moment venu, je dirais peut-être pour qui je vote comme président du parti, mais pas comme candidat à la présidentielle de 2017, ni comme leader charismatique ou idéologue en chef.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

MOTION PROPOSEE PAR LES GAULLISTES

Alors que des bouleversements sans précédent affectent l’Europe et le monde, c’est dans les valeurs du gaullisme que nous voulons puiser l’inspiration qui nous permettra de construire l’avenir.

Pendant des années, cette référence a pu paraître à certains démodée, en porte à faux avec l’évolution du monde. Mais alors que la mondialisation connaît sa première grande crise et que le tragique de l’Histoire s’impose de nouveau à nous, une certaine idée de l’Homme, de l’Etat, de la Nation et de la République redevient d’actualité.

Nous avons la conviction, qui était celle du Général de Gaulle, que la politique peut et doit encore influencer le cours de l’Histoire et qu’elle ne doit pas suivre l’économie et la finance mais les précéder.

Au cœur des valeurs gaullistes, il y a l’Homme.

Nous voulons l’égalité des chances et le mérite républicain. Nous récusons l’égalitarisme, le communautarisme et les quotas.

Nous respectons toutes les croyances mais nous refusons tout ce qui pourrait porter atteinte à l’égalité de l’homme et de la femme et à la laïcité.

Nous voulons que les droits soient assortis de devoirs et que ces devoirs soient respectés.

 L’apprentissage de ces valeurs commence à l’école. L’école doit retrouver son statut de creuset de l’unité de la nation, de source de la réussite de chacun.

 L’égalité et la dignité passent par le travail.

Nous considérons le travail comme une valeur. Nous voulons que le travail soit encouragé et respecté et que chacun puisse vivre de son travail.

Nous ne souhaitons pas qu’il y ait moins de riches mais moins de pauvres, moins de chômeurs, moins d’exclus. Nous voulons plus d’entrepreneurs, plus de créateurs.

Nous défendons la liberté d’entreprendre, le respect de la propriété de chacun et le droit de transmettre à ses enfants le fruit de son travail. Mais nous voulons aussi la participation, l’association « capital-travail ». Le gaullisme a refusé la lutte séculaire entre l’organisation capitaliste et un système collectivisé et a mis en avant l’association capital-travail, la participation. Elle doit devenir le moteur de notre économie de production.

Nous voulons la solidarité et la justice sociale. Ceux qui ne peuvent travailler du fait de l’âge, la maladie, l’usure, doivent en bénéficier. Nous ne voulons ni de la lutte des classes ni de la guerre aux pauvres mais nous récusons l’assistanat et les abus qui minent moralement la République.

Etre gaulliste, c’est défendre les institutions de la Vème République.

Nous avons la conviction que l’Etat doit avoir une autorité qui la place au-dessus des corporatismes, des féodalités et des communautés.

Nous voulons un Etat avec moins de lourdeurs, moins de guichets, moins de bureaux. Mais nous récusons un Etat minimum qui ne pourrait plus rien faire, plus rien accomplir, plus rien entreprendre. Nous récusons le laisser-aller et le laisser-faire.

Nous voulons que les lois de la République soient appliquées à tous et partout. Nous récusons le laxisme et l’attention plus grande portée au délinquant plutôt qu’à la victime.

Nous voulons la décentralisation mais pas les principautés.

Nous ne voulons pas qu’entre l’Europe et les régions, un jour, il n’y ait plus rien.

Nous voulons un Etat arbitre garant de l’équilibre des territoires et de l’égalité des chances et des droits de leurs habitants. Il faut renouer avec l’aménagement du territoire afin de compenser les handicaps et de préserver le dynamisme du monde rural.

Nous voulons un Etat stratège ayant une vision sur le long terme des évolutions du monde, des exigences de la puissance économique, politique et militaire de la France, de la cohérence nécessaire des efforts et des investissements. Les entreprises ont leur stratégie, mais elle se limite à leurs intérêts. L’Europe a sa stratégie mais elle risque d’ignorer les intérêts ou les besoins des entités territoriales.

Etre gaulliste, c’est être attaché à la puissance, à l’influence et à la grandeur de la France.

Nous croyons que la France ne peut être la France sans la grandeur. Nous croyons à sa vocation universelle.

La France a des atouts importants, n’en déplaise à ceux qui la dénigrent systématiquement. Cinquième puissance économique mondiale, son indépendance énergétique grâce au nucléaire, son indépendance stratégique grâce à la dissuasion et à son armée professionnelle, sa capacité de production et d’exportation de denrée agro alimentaires, son excellence dans des domaines du futur comme le spatial, l’aéronautique, les nanotechnologies, le savoir faire des français pour peu qu’on ne décourage pas leur créativité, la francophonie si on sait la promouvoir. Nos territoires d’Outre mer qui portent son image, ses intérêts et ses valeurs vers tous les continents donnent à la France de vraies perspectives.

Nous voulons redonner à notre pays et, à travers lui, à chaque Français, la maîtrise de son destin.

Nous voulons être accueillants mais nous voulons préserver nos valeurs, notre culture, notre modèle de civilisations

Nous voulons l’Europe, mais une Europe qui défend ses intérêts, qui défend ses valeurs, qui défend son mode de vie, qui ne s’ouvre pas sans contrepartie, qui ne s’en remet pas pour fixer son destin à la concurrence et aux marchés.

Nous voulons une Europe où nous décidons ensemble et nous récusons l’Europe des institutions supranationales qui déciderait de tout à la place du peuple français.

Nous récusons l’Europe fédérale qui ferait disparaître les nations.

Nous voulons relancer l’Europe de la Défense. Nous voulons améliorer le fonctionnement des institutions avant de reprendre l’élargissement. Il faut retrouver l’adhésion des peuples en respectant l’identité, la souveraineté et les aspirations des nations.

 Nous ne voulons pas que les idées et les valeurs pour lesquelles nous nous sommes engagés en politique soient sacrifiées. De ces idées, de ces valeurs nous ne devons pas hésiter à débattre au sein de notre mouvement. Notre famille politique n’en sortira pas affaiblie mais renforcée.

Avec vous, nous avons la conviction que les valeurs nationales et républicaines sont toujours déterminantes pour l’avenir et le renouveau. Nous aspirons à la restauration de l’autorité d’un État centré sur ses compétences, à l’ardente obligation de défendre les valeurs républicaines de réussite, de travail, d’effort et de promotion au mérite.

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