Gilets jaunes, guerre commerciale, élections européenne, Ukraine… les points chauds de l’année 2019 décryptés<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Gilets jaunes, guerre commerciale, élections européenne, Ukraine… les points chauds de l’année 2019 décryptés
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

A l'horizon

Les principaux enjeux de l'année 2019 décryptés.

Philippe Fabry

Philippe Fabry

Philippe Fabry a obtenu son doctorat en droit de l’Université Toulouse I Capitole et est historien du droit, des institutions et des idées politiques. Il a publié chez Jean-Cyrille Godefroy Rome, du libéralisme au socialisme (2014, lauréat du prix Turgot du jeune talent en 2015, environ 2500 exemplaires vendus), Histoire du siècle à venir (2015), Atlas des guerres à venir (2017) et La Structure de l’Histoire (2018). En 2021, il publie Islamogauchisme, populisme et nouveau clivage gauche-droite  avec Léo Portal chez VA Editions. Il a contribué plusieurs fois à la revue Histoire & Civilisations, et la revue américaine The Postil Magazine, occasionnellement à Politique Internationale, et collabore régulièrement avec Atlantico, Causeur, Contrepoints et L’Opinion. Il tient depuis 2014 un blog intitulé Historionomie, dont la version actuelle est disponible à l’adresse internet historionomie.net, dans lequel il publie régulièrement des analyses géopolitiques basées sur ou dans la continuité de ses travaux, et fait la promotion de ses livres.

Voir la bio »

C'est vraisemblablement à l'échelon national que les problèmes laissés en suspens en 2018 se manifesteront le plus vite : au sortir des fêtes, il faudra voir si le mouvement des Gilets jaunes connaît un retour de flamme. Bien sûr, il est rare qu'un mouvement social qui s'est tassé reparte de plus belle aussi rapidement, mais la nature relativement inédite de ce mouvement spontané né et nourri par les réseaux sociaux  fait que l'hypothèse n'est pas invraisemblable. Surtout, si les mesures économiques annoncées ont sans doute suffi à calmer la part "opportuniste" du mouvement, avec les demandes de hausse du SMIC des ouvriers et employés des grandes villes, les motifs de grogne fiscale et le sentiment de relégation de la France périphérique demeurent et n'ont pas bénéficié d'un début de traitement, même purement par effets d'annonce. Il est donc tout à fait possible que la mise en place du prélèvement à la source ranime la flamme de la contestation. Et cela d'autant plus si les capacités logicielles de l'administration fiscale, sur laquelle planaient d'importants doutes durant l'été dernier au point que le Président ait hésité à tout abandonner, ne permettaient pas d'assurer une transition en douceur : il n'est qu'à voir les problèmes chroniques rencontrés par le logiciel Louvois pour payer quelques dizaines de milliers de fonctionnaires de l'armée pour s'inquiéter de ce que des difficultés techniques du même ordre pourraient produire comme chaos fiscal à l'échelle de la population des contribuables français. 

Mais pour l'essentiel, c'est vraisemblablement le printemps qui nous donnera le vrai ton de l'année 2019, car il s'y concentre nombre d'échéances internationales importantes. 

D'abord, il y aura le début de la véritable campagne pour les élections européennes, qui se tiendront au mois de mai. Il sera alors temps de mesurer véritablement, mieux que par les sondages actuels qui annoncent une forte poussée du Rassemblement National ou de Debout la France, quel est l'impact électoral des deux premières années de la présidence d'Emmanuel Macron. Cet impact sera évidemment, et sans doute plus que jamais, à analyser dans le cadre global de l'évolution politique de l'Europe, puisque se posera la question de la place de l'Europe "populiste" dans les instances européennes. Au mois d'Octobre dernier, Matteo Salvini disait réfléchir, en fonction du résultat des élections européennes, à une candidature à la présidence de la Commission. 

Mais avant la tenue des élections européennes, la situation aux frontières orientales de l'Europe pourrait déjà avoir bien évolué en ce qui concerne la Biélorussie, dont il se dit de plus en plus que Poutine souhaite l'arrimer plus solidement à la Russie dans le cadre de l'Etat de l'Union, cette union entre Biélorussie et Russie existant depuis 1997 mais dont l'aspect politique ne progresse guère en raison de la présence du dictateur biélorusse, à la fois allié indéfectible d'un pays totalement dépendant et homme jaloux de son autonomie. Vladimir Poutine souhaiterait parachever rapidement cette Union afin de pouvoir en prendre la présidence après l'expiration de son mandat non renouvelable de Président de la Fédération de Russie en 2024. Il obtiendrait ainsi un poste encore supérieur - il deviendrait, en quelque sorte, "président de toutes les Russies", pour reprendre l'ancienne titulature des tsars - qui lui permettrait de devenir dirigeant à vie, comme son allié Xi Jinping. 

De même, la situation aura bougé en Ukraine, que Poutine espère encore pouvoir récupérer comme il l'avait fait en 2009, cinq ans après la Révolution Orange, par l'élection de Yanoukovitch, qui a été renversé en 2014. 

L'évolution sur ces deux fronts devrait être concomittante : un rapport doit être remis au Congrès américain sur la faisabilité et l'intérêt d'une base permanente en Pologne d'ici le 1er mars, et le 31 mars se tiendront les élections présidentielles en Ukraine. Au printemps 2019 Poutine saura donc à la fois si Poroshenko restera à la tête de l'Ukraine ou si d'éventuelles opportunités stratégiques s'ouvriront pour la Russie, avec le retour d'une direction plus malléable et favorable aux intérêts russes dans le pays, et si la Pologne abritera vraisemblablement une base permanente américaine ou pas. Il s'ensuivra que des décisions, actuellement en suspens, pourront être prises au Kremlin à la fois sur la conduite à tenir en Ukraine (poursuivre une stratégie d'étranglement, d'affaiblissement et de corruption, de guerre hybride, ou bien se lancer dans des opérations militaires de plus grande envergure), et sur celle à tenir en Biélorussie (convaincre Loukachenko d'accepter une base russe en Biélorussie comme réponse nécessaire à l'établissement d'une base américaine en Pologne, ou mesures plus radicales pour se débarrasser du dirigeant biélorusse et le remplacer par un homme de paille du Kremlin). 

Le printemps s'avèrera également éclairant pour ce qui est du conflit "commercial" entre la Chine et les Etats-Unis (conflit géostratégique serait une meilleure dénomination). En effet, au lendemain du G20 de Buenos Aires, l'Amérique a suspendu pour trois mois l'application de nouveaux droits de douane sur les produits importés de Chine. Là aussi, c'est donc au début du mois de mars que nous verrons si les Américains et les Chinois ont réussi à s'entendre (ce qui est peu probable). Les tensions devraient donc repartir de plus belle et peser sur l'économie mondiale dont de plus en plus de voix s'élèvent pour s'alarmer de sa fragilité et craindre, précisément, une crise pour 2019. Les montagnes russes boursières des derniers jours de 2018 n'augurent d'ailleurs rien de bon à ce sujet. 

Enfin, ce mois de mars 2019, décidément crucial, sera aussi celui qui verra arriver le nouveau Secrétaire à la Défense du gouvernement américain, en remplacement de James Mattis, qui a annoncé sa démission pour le 28 février. Cet événement pourrait être décisif pour l'avenir du Moyen-Orient : James Mattis représentait la continuité de la politique américaine des dernières décennies dans la région, et Donald Trump lui choisira vraisemblablement un remplaçant plus en phase avec ses propres vues, impliquant un redéploiement global de la puissance américaine, avec de nouveaux objectifs stratégiques - et spécifiquement, en ligne de mire, la Chine.  

Cette date devrait notamment avoir vu le départ de la plupart des troupes américaines en Syrie dont Donald Trump a décidé le retrait, et la voie sera alors ouverte aux troupes d'Erdogan pour lancer les opérations annoncées depuis des mois contre les Kurdes. L'on verra alors si Erdogan s'est entendu en sous-main avec Poutine et si celui-ci le laisse s'emparer du Rojava, probable objectif stratégique du dirigeant turc - cela est probable, car une solide présence militaire turque dans cette région enfoncerait un coin dans la continuité de "l'arc chiite" Liban-Syrie-Irak-Iran, et limiterait donc les capacités d'influence de Téhéran sur Damas, laissant par conséquent à la Russie la haute main sur le régime d'Assad."

Le sujet vous intéresse ?

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !