Gaz : les réserves européennes sont pleines pour l’hiver, cela sera-t-il assez ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les réserves de gaz de l'Union européenne sont déjà remplies à 90 %.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Les réserves de gaz de l'Union européenne sont déjà remplies à 90 %, avec deux mois et demi d'avance sur l'échéance, a annoncé la Commission européenne vendredi. Est-ce rassurant et suffisant ?

Damien Ernst : C'est rassurant. Mais pas suffisant. L'Europe possède 1000 térawattheures de capacité de stockage de gaz. Cela représente en moyenne trois mois de consommation de gaz et plutôt un mois et demi en hiver, quand vous avez un hiver froid et que la charge chauffage se met en route. Nous dépendons toujours en fait des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et toujours, pour 300 à 400 térawattheures par an, de gaz russe qui arrive par gazoducs. Si on perd ce gaz russe et si les importations de GNL ne compensent pas, on aura des problèmes. À ça s'ajoute le fait qu'il y a toujours un risque, comme la situation est tendue entre la Russie et l'Europe, de frappes sur les infrastructures énergétiques comme on l'a vu avec les explosions qui ont touché en septembre dernier les gazoducs Nord Stream 1 et 2 reliant la Russie à l'Allemagne

Avoir des frappes sur des gazoducs qui nous relient, par exemple, à la Norvège serait catastrophique pour notre sécurité d'approvisionnement puisque l'Europe importe de l'ordre de 1000 térawattheures de gaz par an de la Norvège. 

Il y a un autre risque sur notre approvisionnement GNL, c'est celui du prix. S'il y a une compétition trop forte entre l'Asie et l'Europe pour mettre la main sur ces livraisons de GNL, les prix augmenteront énormément.

Est-ce pour cela qu'il est intéressant que ces réserves soient pleines en avance, pour éviter les éventuelles flambées de prix à la rentrée ?

Damien Ernst : Les réserves permettent d'éviter une flambée de prix pendant l'hiver. Par contre, le désavantage pour l'Europe est que pendant les mois d'été, quand il faut remplir ces réserves, ça conduit parfois à des prix plus élevés. Ça entraîne un lissage sur l'année avec parfois, on l'a vu l'année passée, des pics de prix très forts qui sont produits à cause de cette contrainte pour les opérateurs de remplir les réserves à 90%. Il y a eu une grosse pression sur les marchés. Ça n'arrivera pas cette année car les réserves ont été remplies beaucoup plus en avance que l'année passée et les différents opérateurs ont compris qu'ils ne devaient pas acheter au dernier moment pour remplir ces réserves.

Sauf incident - frappe sur des gazoducs ou gros mouvements dans le secteur, comme on le craint pour septembre en Australie qui représente environ 10 % de la production mondiale de LNG - on n'aura pas de pic de prix en septembre grâce au fait d'avoir rempli ces réserves.

La capacité de ces réserves n'a pas augmenté depuis l'an dernier. Serait-il possible et souhaitable d'augmenter leurs capacités ?

Damien Ernst : Je pense qu'il faudrait monter à 1500 térawattheures de capacité de stockage, mais ça va être très difficile. En effet, cela représente des investissements significatifs dans un contexte où l'Europe veut se débarrasser du gaz d'origine fossile. On imagine difficilement des investisseurs investir dans des capacités de stockage supplémentaires, qui vont prendre des années à être construites, alors que cet investissement risquerait de servir à rien dans le futur si l'Europe arrive à se passer de ce gaz fossile. Si on veut vraiment augmenter les réserves de gaz, l'initiative devra être prise par les pouvoirs publics. Les opérateurs privés n'iront plus du tout là-dedans.

D'autant plus que la consommation a baissé l'an dernier, grâce à des mesures d'économie…

Oui. On voit par exemple un passage de toute la filière chauffage au gaz vers des pompes à chaleur. Le gaz est en train, même si ça prend du temps, de disparaître de la filière chauffage. Et il ne peut pas oublier que la demande industrielle a été réduite. Beaucoup d'entreprises ont été fermées en Europe car l'énergie était trop chère. Et on n'en pas vu rouvrir des entreprises qui consommaient beaucoup de gaz.

Est-ce que cela permet de renforcer notre autonomie énergétique et de réduire notre dépendance aux approvisionnements de gaz russe ?

Damien Ernst : Oui, mais nous ne sommes pas autonomes du gaz russe. Il y a toujours 300 térawattheures qui arrivent de Russie, une moitié au travers de l'Ukraine, et l'autre moitié via le Turkish Stream, en Turquie. Mais ces réserves réduisent le risque de flambée des prix. Une autre chose qui réduit le risque est le fait que l'Europe a investi beaucoup dans des terminaux GNL. Ça permet d'importer plus de gaz de l'étranger. L'Allemagne aura investi, d'ici la fin de l'année, dans des nouveaux terminaux de GNL ayant une capacité de  lusieurs centaines de térawattheures par an.

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