Flaubert : un cyrano hyper-réaliste ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Gustave", de Arnaud Bédouet est librement inspiré de la correspondance de Flaubert.
"Gustave", de Arnaud Bédouet est librement inspiré de la correspondance de Flaubert.
©Culture-Tops

Atlanti-culture

Après la triste aventure "d’Hôtel Europe", Jacques Weber nous offre, dans "Gustave", la pièce d' Arnaud Bédouet, un hommage éblouissant à l'auteur de "Madame Bovary".

Jacques  Paugam

Jacques Paugam

Jacques Paugam est un écrivain et journaliste français. Très impliqué dans le domaine de la culture, il a produit et animé de nombreuses émissions et chroniques pour la télévision, la radio et la presse écrite. Il est le cofondateur du site Culture Tops, partenaire d'Atlantico.

 

Voir la bio »

L'auteur

Comédien, réalisateur, metteur en scène, auteur, Arnaud Bédouet est un touche à tout d'une très grande finesse et qui a eu l'intelligence de comprendre que le style de Flaubert, avec tout ce qu'il comporte à la fois de réalisme et de flamboyance, se prêtait à merveille à une exploitation scénique.

Thème

La reconstitution de l'univers de Flaubert à partir de sa correspondance fleuve où ils'exprime en très grande vérité. Arnaud Bédouet a mis ces textes en situation en s'efforçant de leur être le plus fidèle possible ; ne s'accordant qu'une seule exception, absolument tordante, un supposé discours de réception de Flaubert à l'Académie française, occasion pour Flaubert de dire aux académiciens tout le mal qu'il pense de la plupart d'entre eux et de ce qu'ils représentent.

Points forts

1/ L'exceptionnelle mise en valeur du style de Flaubert, extrêmement concret, et très fleuri, au diapason de la vigueur de sa pensée et de la violence de ses sentiments.

2/ La très intelligente mise en scène des thèmes majeurs de Flaubert :

- son allergie à son époque, époque de transition à ses yeux : "Dans quel siècle, mon Dieu, m'avez-vous fait naître?"

- ses réticences profondes à l'encontre du monde bourgeois auquel il appartient, de son obsession des apparences, de son manque d'idéal. Son horizon à lui Flaubert, il faut plutôt aller le chercher du côté de la profession de foi de Rodolphe, l'amant d'Emma Bovary : "le devoir ! le devoir ! Eh ! parbleu! Le devoir, c'est de sentir ce qui est grand, de chérir ce qui est beau, et non pas d'accepter toutes les conventions de la société, avec les ignominies qu'elle nous impose".

- refus du conformisme bourgeois, mais refus également des rêveries socialo-humanitaires. C'est dit ici, mais peut-être encore mieux dans une autre lettre : "Il est facile, avec un jargon convenu, avec deux ou trois idées qui sont de cours, de se faire passer pour un écrivain socialiste, humanitaire, rénovateur et précurseur de cet avenir évangélique rêvé par les pauvres et par les fous".

- sa conception du métier d'écrivain comme un sacerdoce dégagé de toute recherche de succès immédiat : "J'ai l'ambition de faire du beau".

- sa très haute idée de la finalité de l'écriture : que l'auteur, au lieu d'étaler sa petite nature, aille chercher ce qu'il y a d'universel en lui.

- l'importance qu'il attachait à une sexualité joviale et très concrète : "L'amour est un lit où l'on met son corps pour le détendre".

- sa conception de l'amour, élément essentiel mais non prioritaire dans sa vie

- sa fascination pour l'au delà de la Méditerranée, les lieux, les images, les comportements, lui qui avant d'entrer en religion pour écrire "Madame Bovary" avait fait un grand voyage avec Maxime Du Camp en Orient et en Egypte.

3/ La bonne idée dramaturgique et scénique d'avoir donné là à Flaubert un compagnon muet - il ne dit qu'un seul mot...-, Gustave, du nom de celui qui fut le jardinier de la famille.

4/ La performance de Jacques Weber, éblouissant de force dans l'expression de la quête intérieure de Flaubert, et jubilatoire dans la formulation de ses idées et l'expression de ses sentiments. On comprend avec lui, qui fut un inoubliable Cyrano, qu'il y a quelque chose de sauvage dans la manière qu'a Flaubert de prendre la vie à bras le corps et d'en rendre compte. Par moments, il m'a rappelé Pierre Brasseur. C'est pas peu dire...

Points faibles

Si on cherche vraiment la petite bête : la dissection d'un mauvais poème traîne un peu en longueur.

En deux mots...

1/ Ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce spectacle, c'est qu'il est non seulement très profond mais aussi très drôle. On devrait trouver dans l'oeuvre de Flaubert au moins autant de bons mots que dans celle de Guitry...

2/ Bravo à Jacques Weber d'avoir su, après l'aventure ratée "d'Hotel Europe", la pièce de Bernard-Henry Lévy, rebondir aussi vite, dans un salutaire retour aux fondamentaux. Chapeau l'artiste!

Recommandation

En prioritéEn priorité

Infos et réservation

"Gustave", de Arnaud Bédouet. Librement inspiré de la correspondance de Flaubert. Avec Jacques Weber et Philippe Dupont.

Théâtre de l'Atelier, 1 Place Charles Dullin, Paris 18°n jusqu'au 31 décembre. Réservation : 0146064924 (www.theatre-atelier.com). Jusqu'au 31 décembre.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !