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Et voilà les -grosses- bêtes sauvages qui font leur retour en Europe
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Le retours des bêtes

Certains animaux comme les bisons, les loups et les lynx renaissent dans certaines parties de l'Europe dans le but de ramener une partie du paysage dans la nature.

Christian  Lévêque

Christian Lévêque

Christian Lévêque est directeur de recherches émérite de l'IRD, ex-directeur du Programme Environnement, Vie et Sociétés du CNRS, Président honoraire de l'Académie d'Agriculture de France.

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Certains animaux comme les bisons, les loups et les lynx renaissent dans certaines parties de l'Europe dans le but de ramener une partie du paysage dans la nature. Quels sont les avantages de leur réintroduction pour notre écosystème ?

Christian Lévêque : Il y a différentes manières de considérer le fonctionnement d’un écosystème. Certains écologues ont une vision fixiste de l’écosystème. Chaque espèce a sa place (sa niche) et y joue un rôle, un peu comme chaque pièce d’une horloge. Quand une pièce (ou une espèce) manque, le système ne fonctionne plus. Ou fonctionne mal... C’est le raisonnement que l’on a tenu avec le loup... on a dit qu’il était indispensable au fonctionnement de nos écosystèmes. Sauf que ... le loup a été éradiqué depuis des siècles des iles britanniques et que leurs systèmes écologiques fonctionnent toujours ! Bien entendu ils fonctionnent un peu différemment. Mais est-on capable de définir ce qu’est un bon fonctionnement ? il n’y a pas de normes.

D’autres écologues ont une démarche différente : les écosystèmes ne sont pas des entités figées ni fermées. Ils échangent en permanence avec leur environnement. On dit qu’ils sont évolutifs et adaptatifs et ils réagissent à la perte ou au gain d’une espèces en modifiant leur fonctionnement... C’est ce que nous dit la théorie de l’équilibre dynamique de McArthur et Wilson : le peuplement d’une île est le reflet d’un équilibre à tout moment entre des espèces qui arrivent du continent et s’installent et des espèces qui émigrent ou disparaissent.

C’est ce que l’on a connu en permanence lors des cycles glaciaires/interglaciaires quand l’avancée des glaces polaires en Europe a détruit des écosystèmes qui se sont reconstitués ensuite au fil du réchauffement par colonisations successives d’espèces réfugiées au sud. Il n’y a pas eu transfert d’écosystèmes mais la transformation progressive des peuplements en un endroit donné en fonction des opportunités d’installation des espèces au fur et à mesure que le réchauffement permettait la recolonisation. Et on a assisté à chaque épisode glaciaire à des migrations nord-sud et sud-nord d'espèces avec des pertes collatérales à chaque fois (Lévêque, 2018- La biodiversité avec ou sans l’homme.)

On pourrait dire qu’un écosystème est une plateforme ou des espèces co-habitent de manière opportuniste, apparaissent puis disparaissent selon les fluctuations climatiques ou environnementales. 

Il n’y a pas un fonctionnement standard, le fonctionnement d’un écosystème dépend des espèces qui sont présentes à un moment donné à un endroit donné.

Donc, sur le plan écologique, poser la question des avantages n’a pas de sens. Ce sont des jugements de valeurs liés à la conception fixiste des écosystèmes quand on considère que le bon écosystème était celui d’avant perturbation. La nature n’en a que faire... Il peut y avoir un sens si on considère que c’est ou non avantageux pour nous les hommes (utile ou nuisible), mais c’est une autre approche. Dans le cas présent, rajouter une espèce qui existait autrefois va un peu modifier l’écosystème mais ne va pas pour autant recréer des écosystèmes historiques. Car la composition en espèces est différente de celle d’il y a quelques milliers d’années. De nombreuses espèces ont étendu leur aire de répartition ou ont été introduites pour des raisons diverses, et elles sont bien installées... (sur 10000 espèces de plantes en France on estime que 4000 ont été introduites par l’homme). L’idée de recréer la nature, dans sa condition originelle... est certes stimulante intellectuellement mais sensu stricto ce n’est pas possible. Rien n’empêche cependant de réintroduire certaines espèces charismatiques sous réserve qu’elles ne deviennent pas des nuisances et qu’elles soient capables de se reproduire dans l’environnement d’accueil ! Mais on ne recrée pas pour autant la nature d’il y a 10 000 ans ! Sur la flèche du temps il n’y a pas de retour sur image.

Un certain nombre d’espèces qui ont existé sur notre territoire à certaines époques ont disparu de ce territoire. Certaines du fait de la chasse (bison, aurochs), mais beaucoup d’autres parce qu’elles ont migré vers le nord (élan) pour y trouver des conditions écologiques qui leurs conviennent tandis que le climat se réchauffait. Les migrations liées au changement climatique se produisent actuellement puisque l’on voit de nombreuses espèces migrer vers le nord pour retrouver des conditions climatiques qui leurs conviennent.

Les bisons et les élans sont notamment chassés par les humains. Les lapins causent également des dommages à l'agriculture et aux espèces indigènes. Comment bien faire cohabiter les animaux et les humains ?

Pour répondre à cette question il faut en partie se remettre dans les conditions de vie d’autrefois. La grande préoccupation des hommes était de se nourrir, et l’histoire est marquée de nombreuses périodes de disettes et de famines que les historiens ont documentées. 

Une première réponse est que la cohabitation de l’homme avec les grands animaux n’est pas simple. En effet les grands animaux ont besoin de beaucoup d’espaces et de ressources. On peut parler des éléphants qui, lorsqu’ils deviennent abondants, détruisent les forêts ainsi que les cultures et parfois même les habitations. Pour le paysan africain l’éléphant est un ravageur redoutable ! 

Plus généralement les espèces qui détruisent les cultures deviennent donc concurrentes des hommes. Protéger les cultures a été la grande préoccupation du monde rural pendant des siècle. Elle s’est exprimée au moment de la Révolution. La revendication du droit de chasse avait pour premier objectif de permettre aux paysans de lutter contre les ravageurs de culture dont le grand gibier, les lapins et les pigeons ! Il n’était pas question de sport à ce moment-là  mais de survie. Cette situation on la retrouve maintenant avec la prolifération des sangliers notamment qui ravagent les cultures, mais aussi détruisent les nids des oiseaux qui nichent au sol. Quant aux cervidés très abondants aussi, ils détruisent les jeunes pousses dans les forêts ! Introduire une espèce a des conséquences qu’il faut évaluer, et que l’on découvre parfois après coup.

Sans rien excuser, mais quand on a faim (ce que nos contemporains ont un peu oublié) on se procure la nourriture là où elle existe. La chasse n’a pas toujours été un sport ... autrefois le braconnage était fréquent car il fallait se nourrir... et malgré le fait qu’il était puni de galère, il a toujours été pratiqué ! Et il est toujours une manière de survivre dans les pays pauvres. On peut aussi faire le constat qu’autour des camps de réfugiés, la faune a disparu ! 

Autrement dit la protection de la faune se heurte à la protection des cultures.. et à la production de ressources alimentaires pour les hommes. Laisser une espèce sauvage proliférer c’est s’exposer potentiellement à des dégâts... L’opinion et partagée sur ces questions. Les ruraux y sont sensibles et cherchent à se protéger en contrôlant les populations, alors que les urbains moins exposés, parlent de protection. Cette question est particulièrement sensible de nos jours dans les pays en développement en raison de la surpopulation. La question philosophique qui est derrière ça est celle de la légitimité des hommes à assurer leur survie tout en respectant la vie des autres espèces.

Dans d’autres cas, il faut aussi relire les historiens pour savoir que le loup faisait des ravages... Outre la prédation sur les animaux domestiques, il transmettait notamment la rage, et mordait des chiens qui à leur tour.. ! Ici encore l’homme a cherché à se protéger... 

Pourquoi ces gros animaux n’ont pas été réintroduits plus tôt ?

En Europe l’agriculture a dû lutter également pendant longtemps pour se protéger des ravageurs et assurer l’alimentation d’une population de plus en plus nombreuse. L’occupation du territoire était bien plus importante qu’aujourd’hui car les rendements étaient faibles. Les grands animaux dont la chasse était réservée aux seigneurs étaient redoutés... dans ce contexte il n’était pas question d’en réintroduire d’autres.... il y avait d’autres priorités !

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