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Les avancées technologiques ont permis aux avions de ligne de considérablement améliorer leur sécurité.
Les avancées technologiques ont permis aux avions de ligne de considérablement améliorer leur sécurité.
©Reuters

Ça plane pour moi

Les avancées technologiques ont permis aux avions de ligne de considérablement améliorer leur sécurité, ce qui rend d'autant plus incompréhensible le crash du vol AF 447 en 2009 : le pilote automatique était enclenché et les membres d'équipage n'ont pas pu rattraper la situation.

Michel Nesterenko

Michel Nesterenko

Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Spécialiste du cyberterrorisme et de la sécurité aérienne. Après une carrière passée dans plusieurs grandes entreprises du transport aérien, il devient consultant et expert dans le domaine des infrastructures et de la sécurité.

 

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Atlantico : Dans un récent article, l'écrivain et reporter américain William Langewiesche rappelle que les avancées technologiques ont permis aux avions de ligne de considérablement améliorer leur sécurité, ce qui rend d'autant plus incompréhensible le crash du vol AF 447 en 2009 : le pilote automatique était enclenché, et les membres d'équipage n'ont pas pu rattraper la situation. Faut-il en déduire qu'à trop se reposer sur la technologie, l'humain se met parfois en danger ?

Michel Nesterenko :Plus de technologie, ne veut pas forcément dire plus de sécuritéLa technologie entraîne davantage de complexité ce qui exige une meilleure formation et ce qui peut ammener une augmentation des pannes liées à la technologie. Si un certain nombre d'accidents sont empêchés, d'autres sont créés.

Le système devient plus complexe et si la formation ne suit pas, on peut parier qu'il y aura des accidents en raison d'une formation défectueuse.

Les pilotes sont-ils suffisamment formés à toutes les situations ?

La formation des pilotes est également très coûteuse. Les pilotes sont bien formés mais le sont-ils suffisamment aux nouveaux type de pannes qui sont typiques des avions numérisés et de plus en plus automatisées ? Un avion devient de plus en plus complexe et les ordinateurs se trompent parfois et il n'est pas évident d'identifier une erreur de l'ordinateur. Il faut pour cela connaitre le système en profondeur. C'est une approche complètement différente du pilotage classique que nous connaissons depuis 40 ans. Il ne faut non plus oublier le pilotage classique car c'est ce qui s'est passé dans le cas de l'avion d'Air France. Les copilotes avaient trop fait d'ordinateurs et pas assez de pilotage classique.

Faut-il renouer avec le pilotage traditionnel ?

Je pense qu'il faut pratiquer les deux. Il faut faire plus de formation sur les différents types de pannes informatiques et ne pas oublier de faire la formation classique que l'on dispense depuis 40 ans. Aujourd'hui des accidents sont dus au fait que les pilotes n'apprennent plus autant à piloter.

Par exemple, l'acrobatie aérienne était enseignée de manière courante il y a encore une vingtaine d'années. C'est une chose qui ne se fait plus. Résultat, quand les pilotes se trouvent dans des situations anormales, ils ne savent pas s'en sortir alors que ce n'est pas compliqué. C'est ce qui s'est passé dans l'avion d'Air France.

Il y a toujours eu des accidents comme c'est le cas en voiture ou en train. L'objectif zéro mort est donc utopique.

Les compagnies investissent-elles suffisamment dans la formation des pilotes ? 

La formation des pilotes est à 100% à la charge de la compagnie aérienne. C'est autant de profit en moins pour une compagnie mais le minimum est imposé par la réglementation. Pendant très longtemps, la technicité et la sécurité des vols étaient considérées par la direction comme étant primordiales, Air France faisait beaucoup plus que la règlementation. Aujourd'hui, la direction générale fait le minimum, ce qui signifie à terme, plus d'accidents. 

En Europe, le minimum légal s'avère quand même suffisant dans la majorité des cas mais dans certaines zones du monde ce n'est pas aussi évident car d'une part, les avions sont très peu entretenus et les pilotes sont peu ou pas formés. Par exemple en Afrique, il y a peu ou pas de formation des pilotes, avec pour résultat des accidents à répétition. Certaines compagnies sont extrêmement dangereuses. 

Certains pilotes ne devraient pas voler mais lorsque la compagnie aérienne a dépensé une petite fortune pour former un pilote même s'il n'est pas qualifié, elle ne voudra pas le renvoyer et payer à nouveau pour former un nouveau pilote. C'est sûr, j'ai vu des exemples très précis de personnes non qualifiées, conservées dans les rangs de la compagnie. L'une d'entre-elle a même été responsable du crash d'un avion avec 150 passagers à son bord, tout le monde y est passé. Un crash de nuit en mer, vous savez cela ne pardonne pas. Et la panne en question 'aurait jamais dû causer cet accident. Je ne citerai pas le nom de la compagnie, c'était un vol charter aux Etats-Unis qui s'est abîmé en mer au décollage. La panne a été causée par l'obstruction d'une sonde de vitesse. Les pilotes recevant des indications contradictoires dans le cockpit, au lieu de faire voler l'avion, se sont préoccupés de ce qui se passait. Sur les deux pilotes, il y en a un qui aurait dû être jeté mais la compagnie avait tellement investi sur lui ... Depuis 40 ans que je suis tous les problèmes de sécurité aérienne, de pilotage, il y a extrêmement peu d'excellents pilotes qui se retrouvent dans une montagne ou à la mer.

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