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Et si Donald Trump ne racontait pas n’importe quoi sur l’économie ? L’hypothèse crédible d’un ancien de la FED
©Reuters

Pas si bête ?

Attaqué mais également adulé par ses admirateurs aux Etats-Unis pour ses prises de position détonantes, Donald Trump n'a pas fait de l'économie le thème central de sa campagne. Si certains mettent en doute son programme sur ce point, d'autres assurent que le candidat à l'investiture républicaine ne raconte pas que des âneries.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Je suis bien embêté. Comme beaucoup de gens de bonne volonté et à peu près honnêtes, je déteste Hillary Clinton, ce qu’elle a fait, ce qu’elle représente, et puis ses alliés, la mafia démocrate, les "do-gother" des campus, les clients des minorités, les juristes, les pro-Sanders qu’il lui faudra bien enrôler et cajoler, etc. Mais, franchement, de là à supporter Trump… Et voilà qu’un de mes auteurs préférés, Narayana Kocherlatoka, l’ancien président de la FED de Minneapolis, l’homme qui entre 2012 et 2015 a été quasiment le seul dans l’univers du central banking à tenir bon, défend Trump, au prétexte que ce dernier offrirait la possibilité (si on comprend bien son message économique entre deux propositions de nettoyage ethnique) d’une meilleure coopération entre les autorités budgétaires et monétaires : des taux maintenus proches de 0% assez longtemps pour permettre une impulsion budgétaire qui aurait du sens, donc soit un tax cut soit des dépenses diverses, mais dans tous les cas de quoi atténuer la crise de demande agrégée. Je suis bien d’accord avec Narayana : il faudrait éviter toute hausse des taux pour les années à venir, une baisse des impôts est presque toujours la meilleure chose à faire, la dépense publique n’a de sens que si elle est financée par de la monnaie nouvelle, et il n’y a pas de honte à dépenser quand les taux sont bas. Mais il y a quelques problèmes avec son papier :

1) Il le note lui-même, tout cela est très spéculatif : il en fait probablement dire beaucoup à Trump, et puis la cohérence temporelle de ce dernier reste à démontrer. Miser sur le fait que Trump a compris l’utilité d’un policy mix coordonné et accommodant, ou le bien-fondé d’une politique de reflation qui conduirait temporairement à une inflation au-dessus de sa cible (après tant d’années situées en-dessous), c’est un peu osé, je ne vois pas Trump lire du Ball ou du Norhaus ou du Sumner entre deux parties de Monopoly.

2) Quand bien même ce pari serait le bon, il reste juste un détail à préciser : si, effectivement, la politique monétaire est centrale dans la politique économique en ces temps de pressions déflationnistes, il n’y a pas que la politique économique dans la vie. Trump président, c’est possiblement un sacré choc géopolitique, à coup sûr un beau choc d’incertitude, et plein de mauvaises surprises en chemin (quelle réaction des Latinos qui sont souvent les seuls à faire le sale boulot ? quelle réaction des Républicains, au Congrès et ailleurs, qui n’ont pas envie d’être associés à cette présidence ?). On ne peut pas voter pour un candidat sur la seule base de ses propositions économiques, surtout quand elles sont aussi lacunaires et esquissées par un homme qui n’a aucun track record dans les affaires publiques (sans compter que ses affaires privées ont été pour le moins chaotiques, et dans un secteur qui est tout sauf innovant).

Trump tente parfois de se faire passer pour un nouveau Reagan, et vous allez voir qu’il va le faire de plus en plus dans les mois à venir, mais ce patronage est une usurpation : Reagan a conquis le parti sur sa droite mais il n’a pas joué à ce point contre le parti. Reagan avait été gouverneur du plus grand Etat du pays et il était habitué à faire des compromis, il n’aurait jamais balancé une connerie comme cette histoire des Latinos violeurs. Reagan a insufflé plus de dépenses militaires, oui, mais il y avait en face l’URSS, et pas quelques milliers d’enturbannés à trois quart illettrés. Reagan a été très patient vis-à-vis d’une FED qui devait lutter contre le mal de l’époque, l’inflation : il a supporté sans trop broncher la récession de 1982 et fait tout son possible pour corriger les effets antisociaux de la désinflation (extension de l’EITC ou impôt négatif, ouverture commerciale). Exactement l’inverse de Trump, qui se propose de monter les droits de douane vis-à-vis de la Chine, une méthode idéale pour briser le pouvoir d’achat des moins favorisés. Reagan lisait Bastiat, Trump n’en a sans doute jamais entendu parler.

Hillary va probablement gagner. Ce sera le statu quo budgétaire, et la chance pour Yellen de rester plus longtemps, pour déverser ses brouets d’eau tiède et son statu quomonétaire. Il ne sera pas trop question de baisses d’impôts financées par de la monnaie nouvelle, par exemple. Ce ne sera pas fameux, probablement très médiocre et conforme aux intérêts d’une majorité de gens à Wall Street. Ça vaut mieux que l’aventure Trump. Dans l’absolu, l’Amérique pourrait s’en remettre, mais après deux mandats peu glorieux de Bush Jr et deux mandats catastrophiques d’Obama, toutes les nouvelles fautes vont coûter cher, comme pour l’empire romain qui pouvait se permettre de mauvais empereurs mais pas trois de suite.

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