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Du télé-travail au télé-chômage, la lubie du télétravail
©BERTRAND GUAY / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

S’il y a un sujet qui fait rire les psy, les pros de la fonction RH et toute personne qui embauche, côtoie et discute avec le monde réel au quotidien, c’est bien celui du télétravail.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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 Il est devenu la star d’une classe politique et médiatique, qui ne connaît rien aux français comme employés et encore moins aux entreprises pour qui ils travaillent. Le télétravail tel qu’il est abordé à ce jour, est un élément de destruction supplémentaire de la relation humaine qui empêchait l’homme d’être un simple numéro, une chimère qui souhaite de faire des conséquences de la dictature du temps court, un sujet du temps long, et la négation d’une évidence absolue, qui consiste à oublier que l’homme est un animal, et que l’animal est principalement fait pour vivre en collectivité.

Pour tous ceux qui vivent dans moins de 80m2, c’est-à-dire une infinité de travailleurs pauvres et urbains, là où la misère se développe, bien qu’ils aient un emploi, le télétravail est une plaisanterie de mauvais goût. En tous cas dans sa version majoritaire. Il est impossible pour être humain normalement constitué de pouvoir séparer son espace professionnel de son espace personnel, et de survivre à une vie quotidienne sans autre rapport humain que celui offert par un zoom, teams ou autre google-meet, qui lui-même restreint la relation conviviale à l’expression d’un bonjour rapide, pour tenir dans les 30mns qui sont devenues la norme d’une réunion réussie. Il est impossible de pouvoir travailler dans ces conditions, au-delà de 2 jours par semaine, sauf pour ceux qui écrivent les lois ou poussent à la négociation syndicale, depuis la terrasse de leur résidence secondaire ou à l’Ile de Ré, territoire préféré des socialistes à la retraite !

Tous ceux qui considèrent que le fait d’économiser quelques heures de transport compense tous les désavantages du travail à distance, feraient bien de venir passer quelques heures dans ces logements, pour réaliser de quoi on parle. Il y a plus de 6 ans, la société que j’avais créée (puis revendue récemment) a réalisé à l’époque 60% des modules de formation du marché, pour les télétravailleurs, et les télé-managers. Le but était de s’assurer d’un télétravail efficace et heureux, principalement à Paris (ou Lyon, Marseille..). Au bout de quelques mois, à raison pourtant, de seulement 2 jours chaque semaine de travail à distance, une forte proportion des télétravailleurs, sombraient dans la dépression, l’addiction à l’alcool, ou la boulimie. Dans le pire des cas, on laissait le salarié s’enivrer à la perspective d’une économie de temps arrachée à la répression automobile menée par Hidalgo à Paris, et on retrouvait un salarié obèse, alcoolique et déprimé. Une grande réussite !

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Une vaste étude montre que les salariés en télétravail travaillent plus longtemps. Mais moins efficacement


Dans son rapport récent sur le télétravail, Microsoft, mettait en avant divers éléments de ce « grand carnage » (sans le nommer ainsi), en soulignant notamment:

Les dépressions, en augmentation dramatique

La fin des relations inter-départements permis par la cantine, la machine à café, les évènements internes et externes, et du coup la pauvreté des échanges, limités à ses collègues proches. Et par là même, la fin de la « cross-fertilisation »

La perte majeure de productivité, de créativité, liée à la rencontre des gens dans la vraie vie. Une créativité que seule la présence physique et la rencontre permettent.

On oublie que l’homme est un animal. Les religions, judéo-chrétienne en tête, nous ont persuadé que nous étions des fils de Dieu, et qu’en tant que tel nous devenions tout à coup des créatures supérieures, un sur classement en business, qui nous dédouanerait des lois de la gravité. En réalité, nous avons besoin de nous renifler, nous confronter, nous jauger, laisser agir ces réactions chimiques désormais documentées et prouvées depuis bien longtemps et qui montrent que l’homme est un animal certes égoïste, mais tout à fait social par nature, et qui ne sait fonctionner sans cette présence quasi charnelle.

Plus encore, ceux comme Twitter ou FB, qui annonçaient à leurs salariés qu’ils ne reviendraient peut-être plus au bureau de leur vie, ont rapidement compris que cette lubie du monde digital, selon laquelle les outils qui rapprochent les hommes, remplacent le lien physique et fondamentalement humain, n’était autre….qu’une lubie !! Quelle erreur pour des gens qui sont censés avoir à leur disposition les plus grosses données jamais agrégées par et sur les hommes au monde. Dommage de si mal se chausser en tant que cordonnier ! Leurs salariés y ont perdu « la foi » dans l’entreprise, se voyant passer du statut de l’être humain, certes toujours en danger, à celui d’adresse IP, déconnectable en une fraction de seconde. 

Laisser tout cela à la négociation salariale entre partenaires sociaux, va faire du télétravail un banal sujet politique de plus, déconnecté de la réalité, qui va donner l’occasion à chaque « partenaire social » de s’écharper une fois de plus, dans le but de ne faire ni gagnants, ni perdants et de se diriger vers des compromis sans saveur, ni intérêt. Qui à leur tour iront irriguer le terreau fertile du code du travail et de la norme imbécile. L’organisation des entreprises sera à nouveau dépendante des discussions des « bourgeois du dialogue social », qui n’imaginent pas la réalité du monde des vivants « normaux » et en sont encore à rêver l’aspect « bucolique » du travail à domicile !

Le télétravail, va amener à se poser quelques questions clés :

Qu’est-ce que le travail ? Et comment devrait-il être exercé au 21ème siècle ?

Pourquoi devrions nous préparer et comprendre que le télétravail n’est pas la martingale, et que le maintien de notre présence physique est essentiel pour lutter contre tous les arguments cités plus haut ?

Comment rendre le lien à l’entreprise plus libre ? Afin d’aboutir à une démocratie interne qui ne sorte pas de son rang et soit moins tributaire des votes à l’assemblée nationale ?

Comment ne pas casser le dernier fil qui garantisse une présence humaine forte, majoritaire, et donc un lien physique et émotionnel ?


C’est sur ce dernier point que j’aimerais aller plus avant dans le propos :

Une entreprise n’est pas un kolkhoze, mais néanmoins, c’est un point de ralliement et de contrôle, qui nous assure d’être connus et reconnus pour le travail que nous y faisons, la valeur que nous y apportons.

Le lien humain est le meilleur bouclier du salarié face à « la monotonie (parfois) du travail, l’alcool et la boulimie. 

La présence humaine, c’est, pour chaque salarié la condition sine qua non, qui va bâtir une relation dense ou impersonnelle, mais une relation, et un attachement. Notamment dans les boîtes de moins de 100 personnes, où chacun connaît tout le monde. Notamment le dirigeant, ou RH de l’entreprise, qui de ce fait aura à cœur de régler certains conflits ou décision, non pas en fonction du seul critère financier, mais en fonction de la qualité de sa qualité relationnelle avec l’individu en voie d’être licencié.  Une fois transformé en « adresse IP », où se nichera le ressort émotionnel qui empêchera parfois un licenciement trop facile ?C’est ainsi qu’un télétravail mal géré aura pour conséquence la chose suivante :

Nombre de dirigeants d’entreprises, moi le premier, se demanderont bien pourquoi nous devrions payer des salariés qui ne quitteraient plus leur domicile (cas extrême) et profiteraient mieux de leur temps « libre », faisant passer l’intérêt de l’entreprise qui les paie, au second rang ? Alors, la délocalisation redeviendra une évidence, dommageable pour les économies occidentales, comme au début des années 2000. Nous en avons payé le prix depuis 24 mois. Et encore aujourd’hui.

Le premier risque du télétravail, s’il n’est pas un élément parmi d’autres, d’une nouvelle forme du travail sera donc le chômage, de très longue durée, car de contextuel, le problème deviendra conjoncturel, puis permanent. Et les partenaires sociaux seront incapables de régler ce problème.

Il faut donc dès maintenant, préparer ces hommes et femmes à des changements qui leur seront imposés rapidement. Les entreprises doivent également être préparée. 

La première conséquence d’un télétravail sans préparation, le chômage, sera sans pitié et sans retour possible ! 

Tout cela pourrait donc accélérer les « délocalisations du travail », en cassant ce lien humain indispensable à des décisions humaines et non de circonstance. Un salarié que l’on ne connaît plus autrement que par la caméra du téléphone, ou pire, du smartphone, deviendra une simple adresse IP que l’on déconnecte. Adieu boulot et bonjour chômage. Il en sera de même pour la relation salarié-entreprise, déjà devient de plus en plus fine, et finira par ne plus exister. Fini l’attachement de l’homme à son entreprise et fin de l’attachement résiduel de l’entreprise à l’homme. Voilà ce que cette solution présentée comme universelle et parfaite, pourrait nous promettre si nous traitons le télétravail comme une fin en soi.

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