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"Dernier coup de ciseau" : quand le public mène l’enquête
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Les clichés, comme les indices, se ramassent à la pelle De : Paul Pörtner Mise en scène : Sébastien Azzopardi Avec : Domitille Bioret, Thierry Lanckriet, Salomé Talaboulma

THÈME

Dans un salon de coiffure du Marais, Jean-Marie, le patron, frétille et Morgane, sa seule employée, s’active. Leur clientèle du jour ? Une très chic rombière, madame Santon, et Darosey, un jeune producteur arrogant, qui attendent leur tour. Les conversations vont bon train sur fond de sonores et exaspérantes gammes de piano venues de l’étage supérieur, où loge la propriétaire, une ancienne gloire de la scène musicale. Mais voilà qu’elle est assassinée, et tous les protagonistes semblent avoir une bonne raison de lui avoir administré un « dernier coup de ciseaux » fatal...

La pièce est interactive : dans un  premier temps la scène se déroule dans le salon de coiffure jusqu’au meurtre et à l’arrivée de l’inspecteur Hugny et de son assistant. Dans le deuxième acte, la scène est reconstituée selon les dires des suspect-e-s, avec possibilité pour le public d’intervenir si le récit s’écarte de ce qui s’est déroulé dans la partie précédente. Dans un dernier temps, le public peut poser directement ses questions aux suspect-e-s, après quoi il vote pour déterminer le présumé coupable...

Le public-jury étant souverain, le dénouement de la pièce est fonction de son vote.

POINTS FORTS

Une participation active du public - est judicieux, donne parfois lieu à des constats intéressants et produit des résultats surprenants. En effet, on est vite frappé par la forte réactivité des plus jeunes dans la salle, qui, très observateurs, se prennent au jeu, interviennent spontanément, alors que les adultes sont plus sur la réserve, avec une certaine retenue doublée de passivité. Certaines questions du public peuvent prendre les interprètes au dépourvu, et l’on devine aux regards qu’ils se jettent, qu’ils doivent se dépêtrer de questions totalement inattendues, loin de leurs patterns bien rodés !

Les comédiens doivent donc faire preuve d’un certain don pour la répartie et s’adapter immédiatement aux situations provoquées par les réactions d’un public par définition incontrôlable.

QUELQUES RÉSERVES

Le premier acte est un désolant pastiche du théâtre de boulevard dans ce qu’il peut avoir de plus gras. Les protagonistes sont tellement caricaturaux que c’en est à pleurer : un coiffeur nécessairement « folle furieuse » et une employée aussi bête que nymphomane. On a vu des accusations d’homophobie et de racisme social portées pour moins que cela... Par comparaison, La Cage aux folles, c’est du Samuel Beckett...

Il faut donc subir certains échanges d’une vulgarité consternante, d’autant que le chef d’orchestre de l’enquête, l’inspecteur Hugny, fait assaut d’apostrophes au “beaufisme“ consommé. Outre qu’il ressemble physiquement à Bigard, son jeu est tellement outrancier que le promoteur du « Lâcher de salopes » pourrait passer pour Alain Cuny, c’est dire...

La conséquence de tout ceci est qu’un public peu averti auparavant de la démarche participative qui va s’ensuivre aura tendance à décrocher et à se désintéresser à peu près totalement d’une intrigue passablement famélique.

ENCORE UN MOT...

Une expérience théâtrale singulière et plaisante, un peu gâchée par un comique plus vulgaire que populaire.

UNE PHRASE

Jean-Marie [à sa clientèle] : « On m’appelle l’Attila du poil ! »

Morgane [à l’inspecteur] : « Vous avez des preuves pour nous accuser de suspects ? »

L'AUTEUR

Dernier coup de ciseaux a été créée sous le titre Scherenschnitt oder der Mörder sind Sie (Coup de ciseaux ou le meurtrier c’est vous) en 1963 par le pionnier du théâtre interactif, le dramaturge allemand Paul Pörtner (1925-1984), par ailleurs auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre et autant de pièces radiophoniques.

Le succès de la pièce dépasse vite les frontières de la RFA, pour devenir la deuxième œuvre de ce type la plus longtemps jouée dans le monde, derrière The Mousetrap de l’immense Agatha Christie herself. Elleest ainsi à l’affiche aux États-Unis sous le titre de Shearmadness depuis trente ans ! 

Adaptée en français par Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, cette comédie policière se donne au théâtre des Mathurins ou ailleurs en France depuis une douzaine d’années. Peut-être ce Dernier coup de ciseaux détrônera-t-il un jour La Cantatrice chauve, à l’affiche depuis 1957 au théâtre de la Huchette ?

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