Covid-19 : quelques nouvelles de la situation en Suède. Elles ne sont pas bonnes<!-- --> | Atlantico.fr
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Des tests sont menés à l'aéroport de Stockolm.
Des tests sont menés à l'aéroport de Stockolm.
©Claudio BRESCIANI / TT News Agency / AFP

Autre modèle

Lorsqu’on parle de Covid-19 et d’efficacité des mesures gouvernementales, le sujet de la Suède revient souvent sur le tapis. Mais les résultats de la stratégie suédoise se font attendre...

Lonni Besançon

Lonni Besançon

Lonni Besançon est un chercheur en visualisation de données à l’université de Monash, Melbourne, Australie. Il a décroché son doctorat à l’université Paris Saclay, avant de séjourner 3 ans à l’université de Linköping en Suède. Il a participé activement à certains débats autours des études COVID-19 et de leur manque de transparence.

Passionné de données, il rapporte très souvent des nouvelles de la Suède et discute sciences sur Twitter: @LonniBesancon

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Lorsqu'on parle de Covid-19 et d’efficacité des mesures gouvernementales, le sujet de la Suède revient sur le tapis la plupart du temps. Pour bien des raisons, la gestion de la crise par la Suède est intéressante. Malheureusement les résultats promis de la stratégie suédoise de voir sur le long terme et de miser sur une infection de la population naturelle mais progressive (pour éviter de surcharger les systèmes de santé) sont maintenant un lointain souvenir. Alors que les cas commencent à nouveau à grimper dans le pays jaune et bleu, la gestion de la crise et la communication du gouvernement et de l’agence de santé suédoise et de certains scientifiques fervent supporters de la stratégie est de plus en plus douteuse. Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons d’abord quelques faits très brièvement pour établir une lecture de cet article la plus claire possible. Pour cela, je vais m’appuyer sur un article que j’ai précédemment écrit pour l’excellent FactNFurious sur le sujet de la Suède. Je résume ici les quelques points importants de cet article, les détails peuvent être retrouvés dedans.

1/ Oui, la Suède a bel et bien misé initialement sur une stratégie de contamination progressive et contrôlée de l’épidémie (immunité collective naturelle, c'est-à-dire sans vaccin). Ça a été par la suite nié par le Anders Tegnell, l'épidémiologiste en chef de l’agence de santé publique suédoise, mais ses emails le montrent bien.

2/ Non, la Suède n’a pas eu aucune restriction en place pendant la pandémie. Les restrictions étaient bien moins fortes, aucun doute, mais il y en avait néanmoins. Les bars et restaurants ont fermés plus tôt, les rassemblements publiques limités, et les lycées et universités ont adopté l’éducation à distance. Le sujet de la fermeture/ouvertures des collèges et écoles primaires reste lui très controversé [1] mais tout est pour le moment ouvert.

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3/ Oui, la Suède a des résultats très légèrement meilleurs que la France quand on la rapporte à la population. Dans le cas de la propagation d’une épidémie, de nombreux facteurs rentrent en compte: densité de population, le taux d’urbanisation, l’accès à des transports en commun et le besoin de les utiliser ou la fréquence de leurs utilisation, l’accès aux soins, le nombre/ratio d’unité de soins intensifs, le ratio de personnel soignant par rapport à la population, la santé moyenne des citoyens, la pyramide des âges de la populations… Sur tous ces facteurs, la Suède avait presque tout pour faire bien mieux que la France. Néanmoins, ces comparaisons n’apportent aucune information. Un des principes fondateurs de la science pour étudier l’effet d’un phénomène/médicament est de prendre deux groupes les plus similaires possibles et d’administrer le médicament ou d’induire le phénomène dans un des groupes seulement. Les deux groupes étant très similaires, on réduit ainsi les chances que les différences finales observées soient dues à des différences initiales entre les deux groupes. La France et la Suède sont tout à fait différentes sur énormément de domaines. Je le détaille dans l’article FactNFurious. Mais pour s’en rendre compte, bien que ça ne soit pas déterminant directement, on peut se rappeler que l’Ile de France compte 12 millions d’habitants quand la Suède toute entière en compte 10 millions. En revanche, bien que n’étant pas tout à fait similaire, les quatre pays du nord que sont Danemark, Norvège, Suède et Finlande présentent énormément de similitudes, rendant les comparaisons intéressantes.

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Ces faits établis, nous pouvons maintenant nous concentrer sur les nouvelles de Suède. Commençons par regarder l’évolution du nombre de cas. Ça remonte chez la Suède et les voisins, mais très clairement la situation est bien plus alarmante chez les Suédois qu'ailleurs. Sur le graphique suivant, j’ai laissé la France pour avoir l’indicateur d’un pays qui avait dès le départ tout pour s’en sortir moins bien que la Suède et de loin… Malheureusement ça ne se voit pas trop sur les cas.

Anticipons la remarque que le nombre de cas en augmentation peut simplement venir d’une augmentation du nombre de tests. Ça n’est malheureusement pas le cas.

La Suède ne teste en fait que très peu (sept fois moins que le Danemark). Elle teste a peu près autant que la Finlande et la Norvège mais les taux de positivité sont trois fois plus haut en Suède que chez ses deux voisins. 

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Il est important maintenant de rappeler que la Norvège et la Finlande adoptent le port du masque depuis la deuxième vague (Octobre environ) et ont par le passé, avec le Danemark, adopté des mesures plus restrictives (toutes les écoles ont été fermées en Finlande durant la première vague par exemple, les activités/commerces non essentiels fermés au Danemark…). Pour la Suède, jusqu'à janvier dernier, l’agence de santé publique disait que le porter pouvait augmenter les risques de transmission et le port du masque n’est toujours pas recommandé à l’échelle nationale dans les lieux clos. La communication de l’agence de santé publique a réellement impacté la confiance dans l'utilisation du masque et a finalement stigmatisé le port du masque.

Regardons maintenant ce qu’il en est des décès. Étant donné que la troisième vague commence juste (il va falloir attendre, si c'est comme la deuxième environ 3-6 semaines pour que ça remonte) et puisqu’il y a toujours un délai de 10 jours environ dans le report des décès, on est plutôt sur une phase basse actuellement. Néanmoins le nombre de décès/million est deux fois supérieur aux trois voisins du nord réunis... 

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Avant d’abandonner les chiffres, rappelons que la Suède en décès cumulés par millions est au coude à coude avec la France (qui on le rappelle avait de quoi faire bien pire que la Suède). On peut d’ailleurs s’apercevoir que la Suède compte, en décès cumulés, deux fois plus que ses trois voisins réunis.

Au-delà de ces chiffres, il est également question de regarder la situation avec d’autres indicateurs, qui ne sont pas nécessairement plus rassurants. Un hôpital majeur de Stockholm annonce qu'il ne prend plus les ambulances COVID car il n’a plus la place

Beaucoup disent sur les réseaux sociaux que pourtant il y a moins de patient en unités de soins intensives que pendant la première vague. Et c’est tout à fait vrai. Cependant il faut prendre en compte que pour la première vague, il y avait eu un aménagement des ressources pour accommoder ça.

Regardons maintenant la communication des scientifiques suédois soutenant la stratégie suédoise et de l’agence de santé publique. Malgré un début de troisième vague en cours, un médecin dit à la télé, en interview, qu'il faut que tout le monde soit infecté par le COVID mais pas en même temps pour éviter de surcharger les hôpitaux. Cette personne fait encore référence à l’immunité collective nature (sans vaccin) qui n’est scientifiquement pas viable ou éthique [2].

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Qu’en est-il des masques? Les masques ne sont toujours pas recommandés partout en intérieur au niveau national, donc certaines régions prennent de l'avance pour le recommander partout à partir du 1er avril.

Si ça n’était pas assez de mauvaises nouvelles, l’objectif de vaccination a été, semble-t-il, lui repoussé de 2 mois pour le royaume.

Pour clôturer tout cela, Anders Tegnell, l’épidémiologiste en chef de l’agence de santé publique a déclaré, malgré tous les chiffres que nous avons pu voir et le ridicule de la situation sur les masques, que la stratégie suédoise est une réussite depuis plus d’un an.

Pour conclure, la situation n’est clairement pas brillante en Suède. Je vois déjà venir quelques contres-arguments à cet article et je vais les devancer en une simple explication.

  • “La Suède, via ses mesures aura surement sauvé son économie est c’est mieux sur le long terme.” Malheureusement le fameux “sauver des vies” ou “sauver l’économie” est une fausse dichotomie.

  • “Le cas de la Suède ne suffit pour démontrer que les interventions restrictives de l’état fonctionnent toujours!” C’est tout à fait vrai. Heureusement pour nous, la science a déjà des réponses sur le sujet. Les mesures restrictives ont bel et bien un impact sur la circulation du virus [3,4,5]. Bien que quelques études ont indiqué qu’il n’y avait aucun effet, ces études ont été très activement critiquées scientifiquement [6,7,8,9]. Il semble logique que les mesures restrictives aient un effet. Tenter de prouver qu’elle n’en ont pas n’est surement pas la bonne direction, mais quantifier et discuter leur efficacité est super important pour déterminer quand et comment les mettre en place.

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References: 

[1] https://dx.doi.org/10.1056/NEJMc2101280

[2] https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32153-X

[3] https://science.sciencemag.org/content/371/6531/eabd9338

[4] https://www.nature.com/articles/s41586-020-2405-7

[5] https://www.nature.com/articles/s41586-020-2404-8

[6] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/eci.13556

[7] https://doi.org/10.1111/eci.13529

[8] https://doi.org/10.1111/eci.13518

[9] https://osf.io/63efj/

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