RoboCop
Concentration, stress, mémoire : le "casque électrique" peut-il vraiment stimuler le cerveau ?
Le journaliste anglais Brian Viner a testé un casque électrique supposé améliorer les performances cérébrales. Le casque envoie des stimuli électriques localisés qui vont modifier le comportement du cerveau pour permettre un meilleur traitement de plusieurs pathologies comme la dépression, l'addiction, les troubles de la concentration ou encore les AVC.
Atlantico : Le journaliste et écrivain britannique Brian Viner a récemment publié un article au Daily Mail (ici), dans lequel il fait état de son expérience d'un casque électrique supposé améliorer les performances cérébrales via des stimuli électriques. Fondamentalement, comment fonctionne cet appareil ? Quels sont les mécanismes cérébraux qui sont affectés ?
André Nieoullon :Et revoilà la stimulation cérébrale transcrânienne ! Périodiquement il nous en est vanté les vertus… et cela dure depuis des décennies ! Et le journaliste enthousiaste qui en a testé lui-même les effets n’échappe pas à la règle. Le problème est qu’après des dizaines et des dizaines de publications sur cette méthode d’activation cérébrale potentielle nous en sommes encore à nous demander si effets il y a, et si c’est le cas quels en sont les mécanismes ? Un domaine polémique s’il en est, par conséquent !
D'après Brian Viner, ce genre de technologie peut être utilisé en médecine, notamment pour lutter contre la dépression ou l'addiction. Quelles sont les applications concrètes que l'on pourrait imaginer (militaire, par exemple) ?
Si tant est que cette méthode ait quelque influence sur l’activité corticale, il est vraisemblable qu’elle ne soit pas la panacée universelle. Hors, le journaliste, dont l’enthousiasme n’est pas en question, évoque pêle-mêle le traitement de la dépression, de la schizophrénie, la lutte contre les addictions, l’amélioration des fonctions cognitives, la possibilité de prolonger l’éveil, etc., etc. Il n’est donc pas interdit de rêver et après les médicaments psychostimulants la stimulation transcrânienne serait un autre moyen d’augmenter les capacités cérébrales. Tout cela en l’état est essentiellement de la spéculation et il appartient de garder la raison et de s’en tenir aux faits expérimentaux contrôlés scientifiquement. Pour le moment c’est ce qui nous manque le plus… mais en tant que scientifiques ouverts aux progrès des connaissances nous ne demandons qu’à être convaincus par une expérimentation sérieuse et contrôlée, plutôt que par un récit journalistique où l’effet placébo doit avoir une place qu’il est aussi nécessaire d’évaluer.
Y'a-t-il d'autres alternatives pour stimuler le cerveau et travailler sur sa façon d'interagir que la stimulation transcrannienne ? Quelles sont-elles ?
Stimuler le cerveau n’est pas qu’une utopie. C’est une réalité clinique et expérimentale. J’ai évoqué plus haut d’autres méthodes de stimulation, utilisant notamment la stimulation magnétique transcrânienne où le courant électrique est remplacé par l’application d’un champ magnétique localement au travers du scalp. Nous avons cette fois toutes les preuves scientifiques que ce type de stimulation modifie d’activité corticale et change l’excitabilité neuronale et cette méthode est largement utilisée en expérimentation chez l’homme, y compris en clinique pour améliorer certains mécanismes liés à des atteintes neurologiques, comme dans le cas de la spasticité. Mais les applications sont encore expérimentales.
Autrement, ce que nous connaissons mieux ce sont les effets thérapeutiques des stimulations intracérébrales développées initialement pour lutter contre le tremblement et pour améliorer l’état de malades souffrant de maladie de Parkinson. Mais dans ce cas les électrodes sont introduites dans le cerveau directement et les patients sont porteurs de stimulateurs en permanence, à la manière des pacemakers cardiaques… Stimuler le cerveau a donc de fait des effets thérapeutiques incontestables !
Ce genre de technologie présente-t-elle des risques, ou des limites ? Que faut-il craindre, si crainte il faut avoir ?
En dehors des risques liés potentiellement à l’utilisation de courants de stimulation trop forts qui causeraient des irritations de la peau, ce qui a été rapporté relève du champ de malaises généraux de type nausées ou migraines… Rien de sérieux, donc… tant que les courants sont raisonnables… Le danger me semble-t-il, en l’état, est plutôt lié à une certaine démarche commerciale qui pourrait laisser entendre qu’il est facile d’influencer le cerveau et, partant, les comportements. C’est d’ailleurs de « hacker » dont parle le journaliste… qui a l’impression écrit-il d’avoir vu son cerveau ainsi « piraté ». Objectivement, ce n’est pas demain que l’on peut prendre ainsi le contrôle d’un cerveau par un dispositif aussi simple, mais il faut se souvenir ici des pires moments de la psychochirurgie. Une époque qui n’est pas à la gloire de la neurochirurgie et qu’il vaut mieux ne pas oublier…
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