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Depuis le lancement d’Atlantico le 28 février 2011, le site compte 28 333 commentaires pour 4994 articles. Si la plupart sont pertinents et argumentés, un grand nombre d'internautes privatise cet espace et fait dévier la discussion, pour le meilleur et pour le pire...

Alban Martin

Alban Martin

Alban Martin est maître de conférence associé au Celsa Paris IV Sorbonne.

Co-fondateur et vice-président du Social media Club Paris, il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l'univers d'Internet dont notamment Egocratie et Démocratie : la nécessité de Nouvelles Technologies Politiques (Fyp éditions, 2010).

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Tout d’abord, protégés par l’ombrelle générique de « commentaires », certains ne se privent pas pour dénigrer, fantasmer ou faire de la propagande. C’est un droit, certes, et ce n’est pas propre à ce site. Le biais est que quelque soit le contenu posté par l’utilisateur, il sera légitimé par la dénomination même de « commentaire » qui accompagnera son écrit. Or commenter inclut une notion de raisonnement et d’argumentation que l’on ne trouve pas toujours. Il serait amusant de faire l’expérience de placer plusieurs boutons d’action sous un article, comme « dénigrer », « troller », « dire une banalité », en plus de « commenter », pour voir s’ils seraient choisis honnêtement par leurs auteurs…

Une autre solution pourrait être de fermer tout simplement les commentaires sur les sites d’actu, sous prétexte que la qualité de leur argumentation est en décalage avec la ligne éditoriale du site. En effet, les médias de tout bord participent à la création de l’espace public, avec pour certains la mission de faciliter les prises de décision démocratique en apportant un éclairage sur des faits jugés importants pour l’opinion publique. Mettez-vous à leur place : si vous aviez l’impression que trop de commentaires venaient au contraire obscurcir votre analyse, que feriez vous ?  Cette idée est plus répandue qu’on ne le pense au sein des sites d’actualité.

Mais empêcher de commenter serait trop paradoxal pour le quatrième pouvoir,  historiquement attaché à l’indépendance et à la liberté d’expression. Les médias, outils de « contre-pouvoir » potentiel, peuvent-il raisonnablement empêcher le développement d’un contre-pouvoir citoyen sur sa base ? Mais du coup, le contre-pouvoir du contre-pouvoir n’est-il pas précisément en faveur du pouvoir… ? En tout cas, à l’aube des élections présidentielles de 2012, nous pouvons nous attendre à ce que ces espaces de discussions soient au cœur de jeux d’influence.

Quand les militants "polluent" les blogs

L’expérience de 2007 montre par exemple que les partis établis n’hésitent pas à demander aux militants de spammer les espaces de commentaires de certains sites dont les idées ne leur conviennent pas. Loic LeMeur, qui avait participé à la campagne UMP 2007, avait ainsi posté l’article « Le PS reconnaît avoir envoyé ses militants pour polluer le blog » avant de le retirer. On se souvient également de l’appel aux militants, « colleurs » d’affiches, à se transformer en « colleurs » de messages (pratique à ma connaissance qui est aussi répandue à droite qu’à gauche). Autre pratique attendue : l’enfermement des discussions autour d’un ou deux thèmes propres à un parti. Les extrêmes de l’échiquier politique prônent en général des idées suffisamment radicales pour polariser un fil de discussion, l’empêchant d’avancer en coupant sa mécanique argumentaire. En outre, il suffit que leurs idées, en général bien identifiées et facilement associables à un parti, soit discutées (en bien ou en mal) pour faire la promotion des candidats qui les soutiennent.

Malgré tout, la logique économique pousse certaines fois les sites d’actualité à conserver les réactions des internautes : elles génèrent plus de visites par visiteurs uniques (pour voir si son message a été répondu), des contenus indexables par les moteurs de recherche, une surpondération des mots clés grâce aux discussions qui reprennent les éléments de l’article, ou encore une fidélisation d’une partie du lectorat qui s’est fait un nom dans la communauté.

Du coup, existe-t-il une solution qui permettrait d’assurer un apport des commentaires le plus constructif possible pour l’espace public ? L’expérience montre que la modération par la communauté[1] respecte à la fois les règles de liberté d’expression, et de tentative de mise en avant des contributions de qualité ou du moins constructives. L’outil dont pourrait se doter un site comme atlantico par exemple serait le petit « pouce levé / pouce baissé », permettant de masquer en première lecture les commentaires les moins appréciés par les lecteurs (en général pour bannir les trolls ou les propos trop extrêmes), tout en valorisant les discussions apportant un éclairage supplémentaire. Slashdot.org a été précurseur dans ce domaine. Cela constituerait de surcroît un apprentissage des règles démocratiques de l’espace public.

NB : Alban Martin tient à préciser que le titre de sa tribune n'est pas de lui. Comme l'essentiel des articles publiés dans Atlantico, il a été choisi par la rédaction du site.

[1]  hors propos racistes, violents etc qui rentrent dans une autre catégorie

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