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Comment, pour la première fois depuis près de 10 ans, le taux de chômage français a dépassé celui de la zone euro
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Malgré les chiffres favorables publiés ces dernières semaines, le taux de chômage français, selon Eurostat, progresse de 0,2 point pour le mois de juillet. Ainsi, pour la première depuis la fin 2007, le taux de chômage de la zone euro est inférieur à celui de la France.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Alors que la DARES avait pu indiquer que le nombre de chômeurs en France, en catégorie A, avait baissé au cours du mois de juillet dernier, de 19 100 personnes, les chiffres publiés par Eurostat, pour la même période, indiquent une hausse de 83 000 chômeurs. Au-delà des divergences de court terme, comment se faire une idée de l’évolution du chômage en France par rapport à ses partenaires européens ?

Nicolas Goetzmann : Les chiffres du chômage proviennent de sources différentes, entre la DARES, l'INSEE, ou Eurostat, et peuvent dès lors, sur des courtes périodes, donner des signaux contradictoires. Lorsqu'Eurostat indiquait que le chômage français baissait à la fin de l'année 2015, les deux autres sources signalaient plutôt une hausse, ou une stagnation. Aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit. Selon Eurostat, le taux de chômage français est en hausse de 0.2 point au cours du dernier mois, pour en arriver à un taux de 10.3% de la population active française. 

Cependant, l'avantage procuré par les chiffres livrés par Eurostat concerne avant tout la possibilité de se comparer avec les autres pays de la zone euro. Le cadre de comparaison est alors optimal car chaque pays est soumis à la même politique macroéconomique, celle de la Banque centrale européenne. Et c'est ici que le bilan économique de ces derniers mois, de ces dernières années, se révèle. 

Taux de chômage. France – Zone euro

Alors que le chômage de l'ensemble de la zone euro s'est doucement résorbé depuis la mi 2013, passant de 12.1% à 10.1%, la dynamique du chômage en France a été divergente. Entre ces deux périodes, le chômage en France n'a baissé que de 0.1 point, contre 2 points pour l'ensemble de la zone euro. 

Ainsi, pour la première fois depuis le mois de novembre 2007, le taux de chômage de la France est supérieur à celui de la zone euro. L'"avance" que le pays avait accumulé au cours des dernières années s'est totalement évaporé au cours des deux dernières années. 

Différentiel de taux de chômage / (Zone euro – France). Source Eurostat

Comment expliquer un tel phénomène ? Quelles sont les raisons expliquant un tel revirement de tendance ?

La tendance à la baisse sur l'ensemble de la zone euro est le résultat de la politique monétaire mise en place par la BCE, suite à l'arrivée de Mario Draghi à la tête de l'institution. Il est tout à fait possible de critiquer la timidité des mesures mises en place, qui ne sont pas à la hauteur de la crise économique du continent, mais elles ont le mérite d'exister. En apportant une approche plus souple que celle de Jean Claude Trichet, en déployant des assouplissements quantitatifs successifs, Mario Draghi a inversé la tendance en Europe. Ainsi, si la croissance repart, si le chômage baisse, c'est avant tout grâce à la BCE. Même si, encore une fois, elle pourrait faire bien plus pour accélérer la tendance. La baisse du prix du pétrole a également été un coût au cours de cette période.

Concernant la France, il est difficile de ne pas mettre en cause la politique du gouvernement actuel. Les fortes hausses d'impôts du début du quinquennat ont eu un lourd impact sur le pays, le pacte de responsabilité a été mal ficelé par rapport aux besoins des entreprises, pour au final constater que le pays n'a pas su profiter au mieux du plan de relance mis en place par Mario Draghi. Il faut également souligner que le France voit sa population active augmenter plus rapidement que les autres pays de la zone euro, ce qui conduit à provoquer une hausse du chômage. Mais ce fait devrait être pris en compte par l'exécutif français pour plaider en faveur d'une politique monétaire plus agressive au niveau européen. La responsabilité de François Hollande, outre les hausses d'impôts du début du quinquennat, est surtout à rechercher dans son inaction totale face à la trop grande rigidité macroéconomique européenne. 

Quelles sont les pistes principales à suivre afin de rectifier la situation ? 

Le point essentiel est d'arrêter de parler de chômage sur le plan national, et de prendre en compte le fait que c'est la BCE qui a le plus pouvoir sur la croissance et l'emploi. Sur ce point, au cours des années 90, le Prix Nobel d'économie Paul Krugman avait indiqué, à propos d'Alan Greenspan, alors patron de la FED : "Si vous voulez un modèle simple pour prévoir le taux de chômage aux États-Unis pour les prochaines années, le voilà : il sera là où Alan Greenspan le voudra, plus ou moins une marge d’erreur reflétant le fait qu’il n’est pas Dieu.". Cette réalité de l'énorme pouvoir d'une banque centrale est ignorée politiquement, parce qu'elle traduit une autre réalité douloureuse. Le taux de chômage dépend avant tout de la politique macroéconomique européenne. Pas de la politique nationale. Et la politique monétaire est, encore à ce jour, inadaptée à la situation de la France, comme cela est également le cas pour l'Espagne ou l'Italie. Les mesures mises en place au niveau national ne sont pas sans effet, mais elles sont bien peu de chose par rapport à ce que peut faire la BCE. Dès lors, si l'on veut réellement accélérer la croissance en France, et faire chuter le taux de chômage, c'est vers le mandat de la BCE qui va falloir se tourner, en y incorporant la recherche du plein emploi comme objectif prioritaire. 

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