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Au cinéma, les super-héros ont piqué la place des westerns
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Jolis collants

Encore un carton. The Avengers a explosé le box-office aussi bien aux Etats-Unis qu'en France. De Batman à Spiderman, les super-héros enchaînent les succès au cinéma. Comment expliquer cet engouement du public pour d'étranges personnages en collants moulants ?

Thierry Rogel

Thierry Rogel

Titulaire d’une maitrise d’analyse économique, Thierry Rogel est professeur agrégé de sciences économiques et sociales au lycée Descartes de Tours (France) et intervenant dans l’enseignement supérieur (IUT de journalisme, Préparation aux concours administratifs, classes préparatoires aux grandes écoles de commerce).

Il s’est spécialisé dans la vulgarisation des sciences sociales en général et de la sociologie en particulier et est auteur de divers livres dont Le changement social contemporain (Bréal -2003) et Sociologie des super-héros (Editions Hermann).

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Atlantico : Comment peut-on expliquer le succès remporté par le film The Avengers aux Etats-Unis ? Pourquoi les Américains éprouvent-ils un tel engouement pour ces super-héros ?

Thierry Rogel : Aux Etats-Unis, les films de super-héros profitent de la place laissée vacante par les westerns, que l’on ne voit quasiment plus. Sur ce créneau, ils sont d’ailleurs en concurrence avec les space operadans la lignée des héritiers de Star Wars.

Les western, comme le peplum, racontent le mythe d’origine. Les western content la légende de l’origine du peuple américain. Ce sont des histoires qui expliquent comment le monde a été fait. Là, on découvrait comment le monde américain s’est créé, dans la lutte contre les Indiens.

Dans les Avengers, on retrouve une réflexion semblable. Il s’agit d’une représentation des codes moraux et symboliques de l’Amérique.

Comment ces personnages, un surhomme congelé venu de la Seconde guerre mondiale, un héros viking et un gros mutant vert, peuvent-ils représenter une mythologie américaine ?

Il faut revenir aux origines de ces super-héros, qui étaient à l’origine des personnages de bande-dessinée. Leur histoire se divise en plusieurs âges. Entre 1938 et 1950, on parle de l’âge d’or. C’est à cette époque que l’on voit apparaître Superman et Batman, puis, quelques années plus tard, Captain America. Ces héros sont invincibles, aussi bien sur le plan physique que moral. Leur rôle est de combattre, au-delà du mal, l’ennemi de l’Amérique d’alors : les nazis. Captain America, dans le comics, a d’ailleurs été créé uniquement dans ce but.

A cette époque, on accepte tout à fait l’idée du surhomme. Il y a une forme d’eugénisme dans cette conception. Dans les bandes-dessinées, les nazis, les bolchéviques et les Américains créent leurs surhommes respectifs. Tout cela disparait à la fin des années 1950. Ces personnages disparaissent progressivement. Dans les magasins, le public se détourne d’eux. Dans les récits, ce sont des campagnes de dénigrement.

En 1961, Stan Lee décide de relancer une série de super-héros plus proches des hommes. On voit apparaître en un rien de temps tout un tas de personnages : les quatre Fantastiques, Thor, Hulk, Daredevil ou encore Spiderman. Ce sont tous ces héros que l’on retrouve dans les films d’aujourd’hui. Ils sont tous caractérisés par un handicap spécifique : Ironman est cardiaque et Daredevil est aveugle. Ils sont également caractérisés par des doubles identités. Chez les personnages des années 1960, la protection de ces identités devient un véritable enjeu dans le récit.

Spiderman est à la fois un étudiant qui cherche à s’intégrer, un neveu qui prend soin de sa vieille tante et un jeune photographe qui cherche sa place dans son journal. C’est une métaphore de l’adolescence, période de tous les bouleversements, qui prend tout son sens dans une Amérique qui voit grandir les enfants du Baby-boom.

C’est aussi une Amérique moins sûre d’elle, moins excessive. Ironman est là aussi un bon exemple : conçu pour combattre les communistes, coréens dans la version américaine et vietnamiens dans la version française, c’est un marchand d’armes qui s’assume. Problème, dans les années 1970, la guerre et les armes sont dénoncées par l’opinion américaine. Ironman devient alors un personnage plus complexe, très différent. Ces dernières années, au cinéma, il évolue encore pour devenir très cynique et affronter des terroristes dans un Afghanistan imaginaire.

Dans les années 1980, les Américains vont jusqu’à inventer les Watchmen, des héros vieillissants et pas toujours très fréquentables : on trouve un assassin et même un personnage qui cherche à violer une super-héroïne. Ces figures maintiennent l’ordre contre la justice, ne respectant rien d’autre que la force. L’Amérique réalise alors que la force, la justice et la morale peuvent être très contestables, avec des côtés plus sombres.

Au cinéma, on retrouve la perfection de héros mythique d’un autre temps : les superhéros des Avengers sont finalement les cowboys qui allaient conquérir l’ouest américain sur les écrans d’une autre époque. Sans peur et sans reproches, ils sauvent la veuve et l’orphelin. Cette absence de complexité morale pourrait d’ailleurs un jour poser problème au spectateur qui risque de rapidement ne plus y croire.

Que les Américains soient fascinés par ces icônes est une chose. Mais comment comprendre qu’en France aussi, ces films emportent un important succès ?

Pour les comics, au départ, dans les années 1970, c’est très certainement la métaphore de l’adolescence qui a attiré toute une minorité de jeunes Français.

Pour les films, je pense qu’on est beaucoup plus bêtement dans un principe de consommation, comme pour des films comme Avatar. La majorité des gens consomment ces films comme des spectacles, sans chercher à aller plus loin.

Ce qu’il reste dans les films, c’est l’aspect purement mythologique, au sens de la structure. Pas forcément au sens gréco-romain de la mythologie mais bel et bien sous sa forme nordique : on retrouve d’ailleurs Thor, Loki et la scène finale qui n’est rien d’autre que le Ragnarök.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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