Ces raisons qui expliquent pourquoi les séismes en Turquie ont été si destructeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Des familles des victimes et des secouristes fouillent les décombres de bâtiments effondrés à Kahramanmaras, le 9 février 2023, trois jours après un tremblement de terre de magnitude 7,8 dans le sud-est de la Turquie.
Des familles des victimes et des secouristes fouillent les décombres de bâtiments effondrés à Kahramanmaras, le 9 février 2023, trois jours après un tremblement de terre de magnitude 7,8 dans le sud-est de la Turquie.
©OZAN KOSE / AFP

Zone sismique

La Turquie avait-elle des lacunes en matière de respect des normes de construction parasismiques ?

Terre à Terre

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Le compte Twitter de Terre à Terre est géré par un enseignant agrégé de Sciences de la Vie et de la Terre.

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Le 6 février dernier, deux séismes de forte magnitude ont ébranlé la Turquie et la Syrie, causant des pertes matérielles et humaines considérables. 

Le but de cet article est d’expliquer ce qu’est un séisme, d’élucider le contexte géodynamique de la Turquie, et de tenter de comprendre pourquoi ces séismes particuliers ont causé autant de dégâts…

1) Qu’est-ce qu’un séisme ?

Commençons par quelques petits rappels géologiques…

Le globe terrestre présente en sa surface une couche rigide : la lithosphère. Celle-ci est fragmentée en plaques : les plaques tectoniques, qui bougent les unes par rapport aux autres à cause des mouvements de convection agitant le manteau asthénosphérique sous-jacent.

Ces mouvements provoquent la mise en place de forces mécaniques (= les contraintes) qui s’appliquent sur les matériaux géologiques. Contraintes qui entrainent des déformations dans les roches. Ces déformations peuvent être continues (= plis), ou discontinues (= failles). Et ce sont sur ces failles, qui sont des zones de rupture des roches, qu’on lieu les séismes. 

Les forces de frottement des roches sur une faille sont telles que celles-ci ne bougent pas si facilement que ça. Avant qu’il y ait mouvement sur la faille, il y a accumulation de déformations élastiques de part et d’autre. Et lorsque les contraintes deviennent trop importantes, la faille se débloque d’un seul coup, ce qui entraine un mouvement brutal des roches. 

Ce déplacement brusque libère d’un seul coup toute l’énergie accumulée, ce qui va provoquer l’émission d’ondes mécaniques : les ondes sismiques. Ce sont ces ondes sismiques qui vont provoquer les secousses responsables des dégâts.

Les séismes sont généralement concentrés sur les limites des plaques lithosphériques. Les zones présentant le plus haut risque sismique sont :

-Les zones de subduction, au niveau desquelles une plaque tectonique passe sous une autre (ex : Japon)

-Les zones de collision (ex : Himalaya), qui correspondent à l’affrontement (= convergence) de deux continents.

-Les zones de décrochements (ex : faille de San Andreas) sur lesquelles on constate un coulissement entre deux plaques continentales.

2) Le contexte géodynamique de la Turquie.

La Turquie est une zone très sismique, qui comporte plusieurs limites de plaques : Au nord, la gigantesque plaque Eurasienne, au sud, les plaques africaine et arabe, séparées par la faille de la Mer Morte, et qui remontent vers l’Eurasie.

Entre les deux, prise en sandwich, la petite plaque Anatolienne, sur laquelle se trouve l’essentiel de la Turquie.

A cause de la convergence entre l’Eurasie et l’Arabie/Afrique, on observe une « extrusion » du bloc anatolien vers l’ouest. (source de l’image :  Wikipédia)

Ce mouvement d’extrusion se réalise à la faveur de deux énormes failles décrochantes : la faille Nord-Anatolienne (notamment responsable du séisme d’Izmit en 1999), et la faille Est-Anatolienne sur laquelle ont eu lieu les séismes de lundi.

3) Pourquoi autant de dégâts ?

L’importance des dégâts d’un séisme dépend principalement de deux choses : L’intensité des vibrations, et la vulnérabilité de la population.

-L’intensité des secousses dépend avant tout de la quantité d’énergie libérée par le séisme, ce qu’on appelle la magnitude. Celle-ci s’exprime sur une échelle logarithmique : à chaque fois qu’on augmente de 1 sur l’échelle de magnitude, l’énergie libérée est multipliée par plus de 30 !

Le séisme le plus puissant que l’on connaisse est monté jusqu’à une magnitude de 9.5, mais on considère qu’au-delà de 7, c’est déjà un très gros séisme.

Or, dans le cas de la Turquie, on a eu deux séismes dont la magnitude a dépassé 7 : Celui de Gaziantep (7.8), et celui de Ekinözü (7.5). (source des images)

La magnitude dépend de la surface de la faille impliquée et du déplacement le long de la faille. Pour le plus gros séisme, on estime que le déplacement a dû affecter plus de 100 km de faille, avec un déplacement de 3 à 9 mètres. 

Et ces deux séismes ont été accompagnés par tout un chapelet de répliques, plus au moins puissantes : 26 séismes de magnitude comprise entre 5 et 6, et 3 séismes de magnitude comprise entre 6 et 7.

Bref, la puissance de l’événement est assez exceptionnelle puisqu’on n’avait pas connu de séisme de telle magnitude depuis 200 ans en Turquie. D’autant que d’habitude, la faille Est-Anatolienne produit des séismes plus faibles que ceux de son homologue Nord-Anatolienne…

A savoir que l’intensité des secousses dépend d’un autre facteur : L’effet de site. Car la puissance des vibrations est aussi modulée par la nature géologique des terrains concernés. Ainsi, pour un même séisme, les secousses seront par exemple plus fortes au niveau de bassins sédimentaires que sur le socle lui-même.

On peut voir cet effet sur la carte des intensités du séisme de Gaziantep : on constate que les vallées sont soumises à de plus fortes intensités sismiques que les reliefs positifs. (source)

En revanche, et heureusement, il ne semble pas que l’effet de site était particulièrement défavorable pour les séismes du 6 février…

-Vulnérabilité de la population.

La vulnérabilité dépend déjà du nombre de constructions et de la densité de population de la région. Sans être exceptionnelle, celle-ci reste modérément élevée dans la région.

Elle dépend aussi énormément de la qualité des constructions, et des norme parasismiques utilisées. Or, d’après le sismologue Jean Virieux sur RTL, la Turquie fait plutôt office de « mauvais élève » à ce niveau-là, ce qui peut expliquer partiellement l’ampleur des dégâts…

En outre, les séismes ont eu lieu dans une zone où les séismes étaient jusque là modérément puissants, ce qui a pu générer des lacunes dans la préparation des populations. Et le premier séisme, le plus destructeur, a eu lieu pendant la nuit, ce qui est susceptible d’alourdir le bilan humain…

Une chose est sure, c’est qu’à l’instar du séisme d’Izmit en 1999, on se rappellera longtemps de ces séismes du 6 février. Maigre consolation pour les populations locales, plusieurs associations et fondations ont d’hors et déjà lancé des appels aux dons afin de permettre d’aider les sinistrés. Mais il y a fort à parier que la reconstruction prendra des années.

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