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Ces pièges et ces défis qui attendent Ursula von der Leyen une fois sa nomination acquise
©FREDERICK FLORIN / AFP

Groupe de Visegrad

Ursula von der Leyen a été élue présidente de la Commission européenne. Lors de son élection, elle s'est appuyée sur la droite du Parlement. Son élection est-elle un signe de la victoire de la vieille Europe ?

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Ursula von der Leyen est la nouvelle présidente de la Commission européenne. Son élection semble ne pas avoir été chose aisée, et elle s'est notamment appuyée sur la droite du nouveau Parlement avec l'appui d'Angela Merkel pour obtenir l'approbation nécessaire à sa nomination. Est-ce à dire que son élection montre la victoire de la vieille Europe, comme l'ont déclaré les adversaires de l'Allemande ?

Cyrille BRET : La victoire a été courte. Mais elle a été à l’image de l’Europe actuelle. C’est la victoire d’une figure qui incarne « l’Europe-canal historique » mais qui est contestée. L’ancienne ministre de la défense CDU du gouvernement Merkel a en effet rassemblé seulement 383 voix sur son nom contre 327 votes défavorables et 22 abstentions au Parlement européen. Elle a seulement obtenu 9 voix de plus que la majorité. A titre de comparaison, le président sortant, Jean-Claude Juncker avait attiré sur son nom 422 voix. On le voit : l’Europe des fondateurs ne s’impose plus comme une évidence. Et la candidate de compromis entre la France et l’Allemagne ne rallie plus à elle des majorités larges et consensuelles.

Mais une victoire courte n’est pas nécessairement une victoire faible. La nomination d’Ursula von der Leyen est disputée parce que la scène politique européenne est très active. La candidate Von der Leyen a d’abord été la cible des eurodéputés allemands issus des Verts. En effet, ceux-ci constitue un contingent de parlementaires très puissants à Bruxelles et ils sont engagés, à Berlin, dans une lutte nationale contre la CDU-CSU. La candidate allemande a réussi à préserver son socle parlementaire dans trois principaux groupes du Parlement européen : le Parti Populaire Européen (malgré des défections), des Sociaux-Démocrates (malgré des oppositions) et des Libéraux de Renew Europe (anciennement ALDE). Sa candidature et sa victoire sont celles des partis fondateurs de l’Europe, des Etats fondateurs de l’Europe et des idéaux fondateurs de l’Union. Ursula Von der Leyen a en effet défendu une position très ferme sur le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques en Europe. Cela ne l’a pas empêché de rallier des votes polonais et hongrois.

La lutte autour de la nomination de la présidente de la Commission européenne a été âpre. Toutefois, les clivages vont nécessairement s’estomper durant le lent processus de nomination des commissaires européens qui s’annonce. En effet, la candidate va désormais devoir rallier à elle les « périphéries » et les « minorités » politiques de l’Europe. Face à une liste de « top jobs » où Français, Allemands, Italiens sont bien représentés (à la BCE, à la présidence du Parlement), il va falloir constituer un collège de commissaires où les Etats membres plus récents (issus des élargissements des années 2000) sont bien représentés. Il serait inconcevable qu’aucun Polonais ne soit représenté par exemple. Et les régions les plus éloignées du centre bruxellois doivent elles aussi se voir incarner dans le collège, qu’il s’agisse de la région de la Mer Noire ou des Balkans. L’Europe « canal historique » s’est imposée. Elle doit maintenant s’ouvrir pour être acceptée.

Le groupe de Visegrad s'est clairement divisé sur ce vote. Le groupe de Visegrad peut-il encore exister ?

Dans ce scrutin à bulletin secret, il semble que les votes polonais et hongrois se sont divisés. Là encore, le vote est à l’image de l’Europe d’aujourd’hui. Sur l’échiquier politique polonais, le PiS est dominant. Il est à la fois soucieux de soutenir un candidat conservateur comme Ursula von der Leyen et rebuté par les messages de fermeté sur l’Etat de droit. Mais entre un président de la Commission socialiste et une présidente CDU, leur choix est fait. 

Il n’y a rien d’étonnant à ce que le groupe de Visegrad n’ait pas réussi à imposer une discipline de vote. Les parlementaires de ces Etats ont une liberté de positionnement que leurs gouvernements ne peuvent pas avoir. L’objectif du groupe de Visegrad n’est pas seulement d’imposer un agenda souverainiste dans les travaux de l’Europe. C’est aussi de faire entendre la voix des Etats intégrés depuis 2004 et qui ont le sentiment de n’être pas assez écoutés. Au Parlement européen, l’affiliation nationale joue un grand rôle. Mais les affiliations politiques et les affinités idéologiques en jouent un également. C’est ce qui s’est exprimé lors du vote sur la candidature Von der Leyen.

Les thèmes politiques du groupe de Visegrad demeurent : l’immigration obsède toute l’Europe. Et les leaders du groupe sont eux aussi en bonne posture sur leurs scènes nationales. Il n’a donc pas dit son dernier mot.

Autre problème, la scission encore plus apparente des Italiens entre M5S et de la Lega, le premier ayant soutenu Von der Leyen contre les recommandations de son allié ? Cela va-t-il impacter le poids de l'Italie dans l'UE ?

La fracture entre les deux alliés gouvernementaux M5S et Ligue est consacrée une fois encore par ce désaccord sur la candidature Von der Leyen. Mais, plus largement, la place de l’Italie est précaire en Europe. Plusieurs facteurs l’affaiblissent : la désunion de la coalition gouvernementale, les perspectives économiques et budgétaires défavorables pour une économie très importante pour l’Union européenne, une position ambiguë sur l’échiquier géopolitique avec une proximité forte à l’égard de la Russie. Aujourd’hui, les Italiens ont reçu la présidence du Parlement comme un lot de consolation qui ne compense pas leur affaiblissement.

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