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L’agriculture dite « productiviste » fait l'objet de beaucoup de critiques ces derniers temps.
L’agriculture dite « productiviste » fait l'objet de beaucoup de critiques ces derniers temps.
©NICOLAS TUCAT / AFP

Agriculture productiviste

L’agriculture dite « productiviste », une agriculture productive et raisonnée, fait l'objet de beaucoup de critiques ces derniers temps.

Pierre Pagesse

Pierre Pagesse

Pierre Pagesse est l'ancien président du Groupe coopératif Limagrain et du MOMA (Mouvement pour une Organisation Mondiale de l’Agriculture).

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L’agriculture dite « productiviste » est en fait une agriculture productive et raisonnée, qui utilise les fertilisants et les produits de protection des plantes à juste dose au bon stade de développement de la plante, c’est-à-dire au bon moment.

Elle est le socle d’une alimentation reconnue par l’Unesco comme la plus sûre, la plus saine et la plus diversifiée du monde. 

Alors me direz-vous, pourquoi fait-elle l’objet de tant de critiques, notamment à travers l’utilisation de produits de protection des plantes, dénommés « pesticides », accusés de multiples impacts négatifs vis-à-vis de l’environnement voire de la santé ?

  • Tout d’abord, il ne viendrait à l’idée d’aucun citoyen de supprimer la pharmacopée humaine pour améliorer leur santé.

  • Nos plantes ont des prédateurs (virus, champignons, bactéries, insectes, mauvaises herbes, …) dont le développement doit être contrôlé au champ. Ces prédateurs peuvent produire des toxines, des mycotoxines, des alcaloïdes, … qui altèrent la qualité sanitaire des récoltes et sont souvent des facteurs antinutritionnels voire cancérigènes. Elles peuvent avoir des concentrations très nocives à la santé humaine, bien plus que les traces de molécules parfois détectées dans les produits alimentaires (moins de 2%, souvent sur des produits importés) et à des doses de milliardième de grammes, c’est-à-dire innofensives.

Vous l’avez compris, pas d’alimentation saine sans produit agricole sains. Ce constat est corroboré par le savoir des toxicologues de ce pays.

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Mais alors, pourquoi un tel acharnement ? 

Il est soutenu par l’idéologie de la décroissance, chère à un certain nombre d’ONG de type Greenpeace. 

En termes de communication, ils ont transposé le mot « pesticides » qui, dans la langue de Shakespeare veut dire « tueur de peste » tandis que dans la langue de Molière, il a une connotation inverse, en lien avec la peste …

Mais il y a bien pire. Ils établissent le lien entre l’aspect nourricier de l’agriculture et l’expansion démographique de l’espèce humaine. Ils indiquent que ni les guerres, ni les épidémies n’ont éradiqué l’expansion de l’espèce humaine et que pour se faire, il faut limiter l’alimentation.

C’est une vision antihumaniste que je ne partage pas. La démographie des pays développés est - hors immigration - en récession. C’est donc une question de développement, de niveau de vie, de formation et d’information, qui résoudra la croissance démographique. 

Ce n’est pas l’organisation de la pénurie alimentaire et son cortège de souffrance, de déstabilisation des sociétés humaines qui ne manquerait pas de se traduire en chaos, qui résoudra le problème – si problème il y a.

L’agriculture bio, souvent présentée comme une alternative, est en fait une fausse piste. Elle a été inspirée au siècle dernier par l’idéologie de la « pureté ». 

Je peux comprendre bien entendu les agriculteurs qui ont fait ce que l’on appelle leur conversion pour satisfaire les besoins de ce nouveau marché. Marché qui aujourd’hui marque le pas malgré de larges soutiens publicitaires, relayés sans cesse dans nos médias. Soutien aussi sans faille de la Grande Distribution, qui a un double objectif : se démarquer de la concurrence et aussi retrouver des marges supplémentaires. De plus, les produits dits bio n’ont aucun avantage nutritionnel et de santé. Les produits de traitement utilisés ne sont pas neutres non plus (huile de nems, sulfate de cuivre, …). Les fertilisants d’origine organique (fumiers) sont limités. Il en résulte des productions inférieures de 50 à 60% par rapport à l’agriculture conventionnelle. Elles représentent dans notre pays 13% des exploitations et environ 10% des surfaces. 

Son développement est contraire au maintien de la biodiversité car elle entraînerait une déforestation massive pour satisfaire les besoins alimentaires. 

La surface cultivée à l’échelle de la planète est identique depuis les années 70 (environ 1.5 milliards d’hectares) alors que la population est passée dans le même temps de 3.5 milliards d’êtres humains à 8 milliards. Aujourd’hui, les nouvelles terres mises en culture à l’échelle de la planète ne font que compenser celles qui ont perdu leur vocation agricole par le développement des infrastructures (d’habitation, industrielle, commerciale, ou celles liées aux déplacements). 

En France, notre agriculture conventionnelle a permis de doubler les surfaces forestières qui sont passées de 4 à 8 millions d’hectares. Elle est aussi plus efficace dans la captation du carbone (du simple au double net de toutes émissions) et devient de ce fait un véritable allié dans la captation du CO2 et la séquestration du carbone dans nos sols. 

Peut-on faire mieux ?  Je crois que oui. Nos pratiques agricoles peuvent et doivent évoluer vers l’‘agriculture de conservation des sols, dite parfois régénérative, même s’il faut rester méfiant sur les nouveaux concepts qui peuvent toujours dériver en dogmes. 

De quoi s’agit-il ? Pour que la séquestration du carbone soit stable, il faut limiter au maximum le travail du sol, à commencer par le labour. Cette pratique, inventée par la Chine 2000 ans avant Jésus-Christ, a pour vertu de limiter le stock de mauvaises herbes du sol. L’utilisation du Glyphosate permet aujourd’hui d’y pallier. 

Le labour a pour inconvénient de bouleverser la rhizosphère du sol (1 milliard de bactéries par gramme) et de favoriser la minéralisation de l’humus, c’est-à-dire le déstockage du carbone. 

Les agronomes ont chiffré à 2% ce relargage pour chaque intervention mécanique. Il faut donc les limiter ou les stopper pour conserver et augmenter le taux d’humus. Ces nouvelles pratiques peuvent être complétées selon la climatologie par des cultures dites intermédiaires qui forment une biomasse supplémentaire dans laquelle seront mises en place ces nouveaux semis avec des outils adaptés (semis directs).

L’augmentation de la matière humique des sols est vertueuse. Non seulement elle devient un auxiliaire efficace des objectifs climatiques en captant le gaz carbonique de l’air et en séquestrant le carbone par le biais de la photosynthèse dans l’ensemble de ces organes, mais en plus, la restitution systématique des résidus végétaux (environ 50% de la biomasse produite au champ) augmente le taux d’humus. Celui-ci est le véritable support de la vie microbienne des sols et des bactéries qui vivent en symbiose avec les racines des différentes plantes cultivées. Ces bactéries, champignons, voire arthropodes, mettent en place un écosystème bénéfique à leur croissance et à la tolérance de certains stress.

La diminution des interventions mécaniques limite le tassement des sols, facilite la pénétration de l’air, de l’eau et des racines. Elle limite aussi l’utilisation de l’énergie fossile nécessaire aux engins motorisés. 

Naturellement, cette nouvelle façon de travailler doit être progressive pour en limiter les risques. Elle doit aussi, pour être efficace, prendre en compte les contextes locaux agro-pédo-climatiques. 

C’est pour moi la nouvelle agriculture. Elle doit être encouragée car elle est efficace vis-à-vis de l’environnement et de la biodiversité, tout en continuant de bien remplir son rôle nourricier, indispensable à la vie de chacun des êtres humains qui peuplent notre planète.

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