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Centre droit et macronie : la fin du flirt ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

Divorce en vue ?

Affaire Benalla, horizontalité du pouvoir, résultats d'une première année décevante… Le décrochage entre le centre droit et le macronisme continue de se creuser. La fin de l'illusion ?

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Entre le centre droit et la macronie, est-ce la fin du flirt selon vous ? Comment expliquer ce décrochage ?

Jean-Philippe Moinet : Fin du "flirt", je ne pense pas. D'abord parce que la politique n'est pas une affaire sentimentale mais d'intérêt. Une partie du centre droit a basculé en 2017 vers la Macronie pour agir sans tarder et dans la mesure aussi où la famille LR apparaissait comme un champ de ruines, sans ligne idéologique directrice et sans leader naturel.

Depuis, Laurent Wauquiez tente d'imposer sa ligne et son leadership mais force est de constater qu'il a des difficultés: il lui faudra encore pas mal de temps pour convaincre, et prétendre pouvoir rassembler. Des acteurs de poids, comme Xavier Bertrand, sont partis, d'autres, comme Valerie Pécresse ou Alain Juppé, sont ailleurs.

La Macronie a certes subi des défections (Hulot, Collomb) mais celles-ci n'ont pas concerné le centre droit : le Modem de François Bayrou, Marielle de Sarnez ou Marc Fesneau fait entendre une différence mais il confirme son ancrage dans la majorité.

Les ex-LR Edouard Philippe, Bruno Lemaire, Gérald Darmanin sont eux, mécaniquement, confortés dans le dispositif gouvernemental qui s'est affaibli sur le flanc centre gauche (Collomb) et écologiste (Hulot).

Il n'est pas moins vrai qu'en terme d'opinion publique, le net fléchissement de la côte de popularité d'Emmanuel Macron a concerné les sympathisants situés notamment au centre droit. Ce décrochage s'explique simplement: l'exercice du pouvoir suscite des mécontentements, le rapport compliqué du pouvoir exécutif avec les collectivités territoriales (majoritairement orientées au centre droit) a par ailleurs contribué à faire descendre le Président de la République dans une zone de "normalité", similaire à celle de F Hollande et N Sarkozy, après 17-18 mois de présidence.

C'est une situation viable, bien sûr, sous la Veme République dont nous avons célebré les 60 ans de stabilité. Mais la recomposition du paysage politique, amorcée avec éclat au printemps 2017, doit trouver un second souffle et ouvrir une nouvelle séquence. La difficile rentrée de septembre à enrayé - provisoirement ? - la dynamique espérée par le tandem Élysée-Matignon.

Que peut-il se passer à présent ? Quels sont les alternatives qui s'offrent au centre-droit ? L'ancien monde est-il en train de retrouver le cour de la rivière ?

Les oppositions, depuis "l'affaire Benalla", ont retrouvé quelques couleurs. Mais l'attraction est encore bien pâle: aucune alternative, pour le moment, n'apparaît soit suffisamment forte, soit réellement crédible. C'est l'atout d'Emmanuel Macron. D'autant que les élections intermédiaires (européennes, municipales) ne peuvent être équivalentes à l'épreuve réelle des élections (nationales) de mi-mandat qui met à l'épreuve la présidence américaine en novembre.

L'exécutif, en France, doit trouver des renforts après les démissions, du côté gauche, tout en poussant les feux d'une recomposition côté droite. Le remaniement est une occasion pour le premier flanc. La préparation des européennes est une nécessité pour le second. Le centre droit actuellement hors Macronie - les juppéistes de LR, certains "pécressistes", les "Agir" de Franck Riester ou UDI de Jean-Christophe Lagarde - a lui-même des choix à faire. Peuvent-ils rester durablement entre deux chaises ? Pour les européennes, ils peuvent s'allier avec  l'équipe Macron-Philippe, ou faire une liste autonome dont le sort paraît très incertain.

Une alliance avec LR de Laurent Wauquiez n'est pas à exclure non plus, rien n'est jamais impossible en politique,  mais les Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé ou encore Michel Barnier ne semblent vraiment pas avoir de dispositions, actuellement, à servir d'appui à la stratégie Wauquiez.  

A l'horizon du début 2019, les LR et divers centre droit sont bien en situation d'être "chassés" des deux côtés : il n'est pas exclu que des personnalités fassent d'ailleurs des choix différents, voire opposés. Edouard Philippe est en tout cas à la manœuvre de manière très active en cette période charnière: pour le court terme avec le remaniement qui pourrait d'ailleurs dépasser le simple remplacement de Gérard Collomb; et pour le moyen terme, avec la préparation de la campagne des européennes.

Un espace politique entre LaREM et LR peut-il exister selon vous ? 

Cette espace existe, il a son importance, stratégique et électorale, mais il n'est pas organisé. Les chapelles y sont juxtaposées, des micro-écuries s'observent, aucune personnalité n'ayant, pour le moment, le poids ou l'envie d'organiser cet espace clé.

Politiquement, des échanges ont bien lieu en coulisses. Intellectuellement ou idéologiquement, des affinités sont réelles. Peut-être faudrait-il que l'organisation, même souple, de cet espace politique passe par la case des idées. 

Des initiatives peuvent apparaître, sans doute opportunément, entre des politiques et des acteurs de la société civile qui peuvent se reconnaître et se retrouver dans un espace de centre droit, celui des libéraux-sociaux-européens.

Une formation politique, entre La REM et LR ? Je n'y crois pas, dans le court terme en tout cas. Trop de responsables  ont intérêt à préserver l'identité de leur chapelle et jouer "l'égotisme", devenu la règle. Surtout depuis qu'Emmanuel Macron a connu une aventure à la fois très personnelle et victorieuse. Du coup, ça donne des idées, et alimente des rêves, au centre droit aussi sur le  thème : pourquoi pas moi ? D'où le statu quo actuel au centre droit. Pas grand monde n'a envie de s'exposer prématurément dans une stratégie d'organisation de cet espace, qui serait apparentée à une stratégie de conquête. Emmanuel Macron, bien sûr, estime que c'est lui, avec Edouard Philippe, qui peut rallier plus largement cet espace dans les semaines et mois prochains.

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