Ce que recherchent les Chinois en voulant être les premiers à explorer la face cachée de la Lune<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
La face cachée de la lune n'a encore jamais été explorée.
La face cachée de la lune n'a encore jamais été explorée.
©Reuters

Côté obscur

Les Chinois veulent envoyer une sonde pour explorer la face cachée de la Lune, celle qu'on ne voit jamais depuis la Terre.

Serge Chevrel

Serge Chevrel

Serge Chevrel. est astronome à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) à l'Université Paul Sabatier. Il mène ses recherches sur l’étude de la croute et du volcanisme de la Lune à partir de données de composition de la surface lunaire obtenues par spectroscopie par des missions spatiales. Il a un intérêt particulier pour l’exploration de la Lune par les missions Apollo.

 

Voir la bio »

Atlantico : Pourquoi, depuis notre planète, ne peut-on pas observer ce côté « obscur » de la Lune ?

Serge Chevrel : Quand un corps tourne autour d’un autre l’objet peut tourner avec sa rotation propre, sur son axe. Petit à petit, l’objet va synchroniser, pour des raisons d’ordre gravitationnel, sa période de rotation (durée de rotation sur son axe) sur celle de sa révolution autour de la planète autour de laquelle il tourne. Les durées de rotation et de révolution seront donc égales, ce qui explique que, depuis la Terre, on ne voit jamais qu’une seule face de la Lune (la face dite visible par rapport à la face cachée).

Que pourrait-on découvrir sur cet hémisphère ?

L’innovation chinoise réside dans le fait que l’on n’a jamais envoyé de sonde se poser sur cette face. Le programme chinois est très ambitieux. Restons méfiant, pour le moment il ne s’agit que d’effet d’annonce.  Ils ont posé sur la face visible une sonde, il y a environ un an et demi. Les informations qu’ils obtiennent sont toujours difficiles à obtenir. Les sondes qu’ils ont envoyées vers la Lune récupèrent des informations, qui  ne sont pas toujours mises à la disposition de la communauté internationale. Ils font un petit peu jeu à part dans le monde de l’exploration de la Lune.

Néanmoins, cet hémisphère caché est très connu. On le connait aussi bien que la face visible depuis la Terre. Cela fait longtemps que des sondes ont été envoyées autour de la Lune, et qu’elles ont photographié la face  cachée. Quand on met un objet en orbite autour de la Lune, il survole  la face visible et  la face cachée. Je rappelle que la face cachée reçoit du soleil, elle n’est juste pas visible depuis la Terre. La face cachée a été autant étudiée, à l’aide de données morphologiques (photographie à haute résolution) et de composition obtenues à distance depuis l’orbite (mesures spectrales), que la face visible

Quelles avancés géologique peut-on espérer ?

Les avancées géologiques dépendront de l’endroit où se pose la sonde. Je suppose que les chinois souhaitent déposer la sonde dans un grand bassin d’impact qui s’intitule South Pole Aitken (SPA). C’est un très grand bassin d’impact. Quand la Lune s’est formée, il restait encore beaucoup d’objets qui circulaient dans le système solaire, qui ont impacté la surface de la Lune, de la Terre et des planètes. De gigantesques cratères se sont formés (de plus de 500  kilomètres de diamètre). On ne parle alors plus de cratères mais de bassins d’impact. Sur la Lune, on reconnait une cinquantaine de bassins d’impact. Ils sont facilement observables car leur remplissage par des produits volcaniques (des basaltes) a formé les mers lunaires. Quand on regarde la face visible de la Lune, on observe des étendues sombres, la plupart circulaires : ce sont les mers lunaires. La majorité des laves mises en place dans les bassins d’impact s’est faite il y a 3.6 milliards d’année. Aujourd’hui la Lune n’est plus active sur le plan volcanique. Le plus grand bassin d’impact du système solaire se trouve sur la Lune. Il fait 2500 kilomètres de diamètre. Il s’agit de SPA. Il reste très énigmatique. Le débat est notamment de savoir si on a ou non des matériaux en provenance du manteau de la Lune au sein de ce bassin. L’impact est tellement grand qu’il aurait en effet dû passer à travers la croute, et faire remonter des matériaux du manteau. Malgré de nombreuses mesures, sur le plan minéralogique, c’est une énigme.

Si les Chinois envoient une sonde sur la face cachée de la Lune, c’est dans cette région  qu’ils devraient aller, car on a la possibilité d’avoir accès à des matériaux très profonds, en dessous de la croute ; et si l’impact n’a pas traversé la croute, on pourra avoir des informations sur les matériaux présents en base de croute lunaire, ce qui est déjà très intéressant.

Pourquoi les Chinois s’y intéressent en particulier ? Qu’en est-il des autres nations ?

La face cachée est terriblement énigmatique. Elle est très différente de la face visible. Les agences spatiales américaines et européennes n’ont pas encore programmé de mission de retour d’échantillon malgré une attente forte de retour d’échantillons de certains endroits de la face cachée (dont SPA en premier lieu) de la part des scientifiques. Les Chinois ont compris qu’il y avait de l’attente et des découvertes à faire. Pourquoi les mers lunaires sont-elles très visibles sur la face visible, quand il n’y en a pas du côté caché ? Pourquoi le volcanisme n’est-il pas tout à fait de même nature, est-il rare et a-t-il duré moins longtemps que sur la face visible? On a quelques explications, mais il faut de nouvelles données pour les étayer. Néanmoins, les Chinois ont compris qu’il y avait là l’opportunité de faire une grande première en posant une sonde sur la face cachée, de faire avancer la science.

Les autres nations s’intéressent également à la face cachée de la Lune. Elles essaient de résoudre l’énigme par des méthodes de télédétection. Pour ma part, je ne travaille pas sur des échantillons lunaires, mais j’étudie la croute lunaire et le volcanisme lunaire. J’utilise des données, prises par des sondes en orbite autour de la Lune. Ces missions sont passées ou en cours. On étudie la lumière réfléchie par la surface de la Lune (mesures spectroscopiques), et on accède à des informations sur la composition de la surface (teneur en fer, en titane, types et abondances des minéraux présents dans les roches en surface, etc). Ces informations de composition  permettent d’avoir des informations sur les types de roches, pour ensuite réaliser des interprétations sur la nature de la croute et les dépôts volcaniques et ainsi mieux comprendre comment la croute s’est formée, comment le volcanisme a évolué dans le temps. Les objectifs sont de mieux comprendre l’histoire géologique de la Lune, qui parait plus complexe que ce que l’on pensait au tout début de son exploration. Beaucoup de travail reste encore à faire pour comprendre la Lune.

Le peuple chinois s’intéresse-t-il aux enjeux et aux découvertes de la face cachée de la Lune ?

Très honnêtement, l’impression que j’ai, c’est qu’il y a énormément de propagande de la part du gouvernement chinois. Les Chinois ont voulu avoir un homme dans l’espace. Ils l’ont eu, en copiant un vaisseau russe, sans trop  d’innovations. Les Chinois souhaitent accéder au rang des puissances spatiales. Je pense qu’actuellement les motivations chinoises sont principalement politiques avant d’être réellement scientifiques. Ils sont surtout dans une phase de démonstration technologique

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !