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La banque HSBC pourrait être le symbole du déclin du global banking
La banque HSBC pourrait être le symbole du déclin du global banking
©NIKLAS HALLE'N / AFP

Fractionnements et regroupements

Preuve en est, le principal actionnaire de HSBC demande à la banque de scinder ses activités en Asie.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Le principal actionnaire de HSBC, Ping An Insurance, demande à la banque de scinder ses activités en Asie. Il y a un an, Citigroup annonçait sa sortie de 13 marchés en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. Dans quelle mesure assistons-nous actuellement à la fin de la mondialisation et du « global banking » dans le secteur bancaire ?

Jean-Paul Betbeze : Oui, le monde se sépare par grandes plaques tectoniques, alors que les avancées de la technologie permettraient, plus que jamais, des transferts monétaires et financiers sûrs, rapides et de moins en moins coûteux. Ce qui se passe avec HSBC illustre ce phénomène de fractionnements, ou plutôt de regroupements, en apparence contradictoires avec le sens supposé commun de la technologie et de l’histoire.

D’abord, comme son acronyme ne l’indique pas clairement, HSBC est née Hong Kong & Shanghai Banking Corporation. Son histoire reflète l’histoire de l’Empire britannique et plus encore celle de la grande banque privée internationale. Britannique avec son fondateur en 1865, l’écossais Thomas Sutherland, installée à Hong Kong, elle fera partout du commerce, avec et à partir de l’Asie, y compris (à l’époque) d’opium. Assez vite, elle comprend l’intérêt de s’installer dans les capitales, pour y financer les grandes entreprises, notamment dans le commerce et plus encore pour gérer les fortunes de ses grands clients. En cela, HSBC se mondialise comme City Bank (aujourd’hui Citi), l’une incarnant le capitalisme anglais, l’autre l’américain, l’une et l’autre étant leaders mondiaux par leurs tailles et leurs réseaux.

1993 marque l’entrée de la géopolitique et de la « compliance » dans l’histoire de HSBC avec la dévolution de Hong Kong à la Chine et l’installation de son siège à Londres. En même temps, la banque fait face à des problèmes juridiques, à la fois pour certains financements jugés illicites et des placements dans des lieux financiers trop paradisiaques. C’est à cette époque aussi que toutes les banques, notamment en gestion de fortune, ont dû renforcer leurs mesures de contrôle, embaucher nombre de juristes et de consultants, au détriment bien sûr de leur rentabilité, en refusant certains clients et activités, en quittant certains pays.

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2007-2008 marque l’arrivée de la désinflation qui conduit les banques à serrer leurs dépenses et à s’informatiser plus. Une autre période charnière s’ouvre dans le développement des banques internationales, avec la crise des subprimes américains. Ces crédits risqués à l’immobilier font monter les problèmes du secteur de la construction, des ménages endettés et des banques et assureurs impliqués dans ce mécanisme. La Banque centrale américaine, pour éviter le drame, baisse ses taux courts à zéro et achète des bons du trésor, faisant baisser les taux longs. Dans ces conditions, les marges bancaires sont compressées, ce qui conduit de proche en proche à une consolidation bancaire mondiale. Dans les réseaux de banque de détail, une trop petite part de marché n’est plus rentable, tandis que les plus gros réseaux captent la gestion des fortunes moyennes. HSBC, Citi et d’autres grandes banques plient donc bagage pour aller vers les quelques grandes places financières mondiales : New York, Londres, Suisse. En zone euro même, les grandes banques nationales de dépôt ne laissent pas assez de place rentable aux autres, et HSBC quitte la France, en payant son acheteur. 

Aujourd’hui, avec la géopolitique qui pousse à être chinois, américain, anglais ou européen, autrement dit plus surveillé par des autorités de ces pays et régions, on peut être dans beaucoup d’endroits, mais plus partout.

Qu’est-ce qui explique cette tendance du secteur bancaire et financier ? Pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ? Qu’est-ce qui motive ce changement de direction ? 

Outre l’informatique, qui exige des capitaux très importants et donc des moyens concentrés, il faut de plus en plus d’experts et de vérifications, pour offrir les produits. La loi des économies d’échelle se met alors en branle : plus on offre de « paquets » d’actions spécialisées en fonction de certains critères, moins ceci revient cher. Les banques sont des lieux de vente de produits, parfois sans marque du producteur ! Quand le service est banal, ou l’est devenu, il faut être très gros pour ne pas être cher, et quand on est gros on peut se permettre de créer, et de vendre, avec marge et, mieux encore, avec des conseils… payants.  

Vers quelle forme et logique de fonctionnement, le secteur bancaire et financier est-il en train de se diriger ? Est-ce le retour à une compréhension plus locale des enjeux ? 

Le secteur bancaire et financier va aller dans les téléphones portables des clients particuliers pour recevoir versements et virements, et pour investir. Ceci concernera des opérations simples bien sûr, mais qui font l’essentiel du nombre des opérations bancaires. En même temps, ce « guichet téléphone » va rendre moins utiles les billets, les chèques, les cartes bancaires, donc aussi les agences ! En outre, à côté du compte traditionnel en euros, tenu dans une banque donnée, va naître un compte en e-euros, monnaie digitale banque centrale, quasi-gratuit et ultrarapide. Les banques des entreprises vont se développer à part, et spécialisées par tailles, sachant que des entités de gestion de fortune vont aussi s’étendre, de plus en plus spécialisées et télécommunicant avec leurs clients. On comprend qu’elles devront plus être protégées que jamais. 

On ne peut oublier ici la politique, qui a marqué HSBC avec Hong Kong : les banques sont des enjeux politiques, surveillées par exemple en Chine… jusqu’à quel niveau de détail (?) et la Société Générale a dû vendre sa filiale en Russie. 

Quelles vont être les conséquences de ce phénomène ?

Renforcer les banques auprès de leur banque centrale paraît aujourd’hui important, loin d’un global banking disparu. Mais, en zone euro, on ne peut pas dire qu’il y a de grandes banques européennes. La BNP et le CA sont français, la Deutsche Bank en trouble depuis des années, a un nom de drapeau qui freine un rapprochement par exemple avec une entité française, jusqu’à tomber dans les bras d’une entité d’Arabie saoudite ou du Qatar ? Surtout, cette régionalisation politique des banques, dans les pays capitalistes avancés, oublie ce qui se passe en Chine, avec les importants crédits internationaux faits dans le cadre des Routes de la soie aux… 149 pays signataires : la Bank of China, banque centrale de Chine, est de fait la banque la plus internationale, sans être la plus transparente.

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