Attaques islamistes en série autour de l'Euro en Allemagne : la préfiguration de ce qui nous attend pour les JO... et pour les législatives ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les forces de police montent la garde lors d'un match de football à Hambourg, le 3 mai 2024
Les forces de police montent la garde lors d'un match de football à Hambourg, le 3 mai 2024
©AXEL HEIMKEN / AFP

Menaces

La police allemande a neutralisé dimanche un homme avec une hache près d’une fan zone à Hambourg. La veille, elle abattait un réfugié afghan ayant agressé des fans de football. À l’approche des législatives et des Jeux Olympiques, à quel type de risque la France est-elle exposée ?

Karim Maloum

Karim Maloum

Karim Maloum est journaliste.

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Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : La police allemande a neutralisé dimanche un homme avec une hache près d'une fan zone à Hambourg. La veille, elle abattait un réfugié afghan ayant agressé des fans de football. Les islamistes pourraient-ils favoriser l'arrivée du RN au pouvoir par des attentats en France, poussant le pays en campagne électorale à la guerre civile et au chaos ? Notre pays est-il exposé au double risque des JO et les élections législatives ?

Xavier Raufer : L'évaluation de risques aussi graves que ceux d'un massacre lors d'un épisode électoral majeur, ou de Jeux Olympiques, revient à poser un diagnostic. Cela nécessite de l'expérience bien sûr, mais aussi du sang froid ; surtout, d'éviter de prêter à des Djihadistes à la culture et aux réflexes fort différents des nôtres, un quelconque appétit pour nos fantasmes politiques nationaux... faire-le-jeu-de... favoriser ceci ou cela... Pousser tel ou tel pays dans je ne sais quelle guerre civile.

Reprenons donc sérieusement le schéma des risques par le début :

- Risque N°1 : clairement, le cas en Allemagne ces jours-ci. Un individu fragile, souffrant de pathologies mentales ("J'ai entendu des voix"), ou n'ayant pas supporté le transfert violent d'une culture rigoriste-médiévale au monde post-moderne, "décompense" en frappant à l'arme blanche des passants, en public, dans les transports, etc. C'est quasi inévitable, on peut juste réduire le risque en mobilisant, le temps d'un épisode politique ou sportif, des forces de réaction rapides, commandos, SAMU, SMUR, etc. Mais s'ils suscitent des victimes, de tels actes, certes désolants, ne sont pas stratégiques.

- Risque N°2 : Un attentat structuré, organisé, prémédité, frappant l'opinion mondiale par un carnage. Exemple récent, celui du Crocus, salle de concert voisine de Moscou par un commando armé (± 145 morts et 450 blessés). Pas même besoin ici de vrais fanatiques. Ceux de Moscou sont plutôt des mercenaires ou des desperados, attaquant gavés de drogues stimulantes (Captagon, surnommé "drogue du courage"). Ce risque-là est sérieux en Europe et démontre que désormais, les champs de bataille, des confins de la Mer Noire (Russie-Ukraine) au Moyen-Orient (Zone d'Idlib, entre Turquie et Syrie) n'en forment plus qu'un.

Retour quelques années plus tôt - justement à Idlib.

Voici Ajnad al-Kavkaz ("Les Soldats du Caucase") redoutable katiba djihadiste d'abord tchétchène, mais incluant aussi des Ingouches, Daghestanis, Tcherkesses, Ossètes, etc.

Bannière d'Ajnad al-Kavkaz

Vers 2015-2020, en Syrie-Irak, ces "Soldats du Caucase" sont affiliés à Hayat Tahrir al-Sham, filiale locale d'al-Qaïda. Chassés d'Irak, ils affluent autour d'Idlib au nord de la Syrie, sous contrôle turc, encerclés par l'armée syrienne, Wagner, etc. Or au printemps 2022 "on" les envoie en Ukraine, poursuivre le djihad contre l'ennemi russe. L'émir d'Ajnad al-Kavkaz, Rustam Azhiev (Nom de guerre : "Abdelhakim al-Shishani") dirige sa katiba vers le front de Bakhmut. Notons ceci : transfert bien sûr impossible sans logistique turque et, s'agissant de moudjahidine aussi aguerris, sans feu vert des services spéciaux occidentaux.

On tente de réitérer l'envoi des moudjahidine étrangers au djihad afghan, vers 1980 : mobiliser alors des islamistes, les encadrer et envoyer combattre une Union soviétique qui, à la fin, fuit l'Afghanistan et s'effondre. Mais cette réédition prévue avec Abdelkarim al-Shishani échoue : l'artillerie lourde russe écrase le front, zizanie avec les Ukrainiens. Des djihadis caucasiens tombent en masse, d'autres désertent ; Abdelhakim al-Shishani et le reste de sa katiba retrouvent la nasse d'Idlib en juin 2023 - moins les déserteurs.

Voilà le problème crucial pour l'Europe : ces déserteurs d'Ajnad al-Kavkaz, combien et où sont-ils ? D'Ukraine, passer en Europe orientale puis à Paris, est enfantin. Entre l'Ukraine et l'Union européenne, s'étend l'infini dédale de la chaîne des Carpates, 200 000 km2, sans points de contrôle sérieux. En Ukraine abondent des filières exfiltrant des déserteurs loin du front. Ces trafiquants sont vénaux : infiltrer dans l'UE de l'ecstasy, de futures prostituées, des déserteurs ou des terroristes, peu leur chaut. 

Karim Maloum : Au regard des conditions politiques, des questions d'intégration, des questions d'assimilation et des questions de communautarisme en pleine croissance, en France comme en Allemagne, il y a les mêmes ingrédients. L'échelle diffère mais il y a les mêmes ingrédients. Il n’y a pas beaucoup d'Afghans, pas beaucoup de Syriens en France mais il y a beaucoup de Maghrébins, de gens qui viennent du Sahel, qui viennent d'Afrique noire. Il y a les mêmes ingrédients aujourd'hui en France  qu’en Allemagne. Il n’est pas la peine de montrer l'échec de l'intégration. Il y a un communautarisme en pleine croissance. La délinquance s'aggrave tous les jours et elle existe avec cette immigration incontrôlée. Le lien avec les OQTF concernant les attentats est souvent démontré. 

Les islamistes vont vouloir profiter des Jeux olympiques pour leur propagande et pour passer à l’acte. 

Le climat politique est aussi très inquiétant. La dissolution et le résultat des législatives peuvent être un saut dans le vide et déboucher sur de la violence au sein de la société française. Ce que le président de la République a décidé avec la dissolution relève de l’irresponsabilité. S’il voulait dissoudre, il aurait pu le faire en septembre. Actuellement, cela relève du saut dans le vide. Il peut y avoir une jonction avec les attentats islamistes. 

Avec le risque de l'arrivée du Rassemblement national ou lors de la période des attentats de 2015, la poussière a été mise sous le tapis. Les dirigeants politiques n’ont pas eu le courage d’affronter l'islamisme, la délinquance liée à l'immigration ou l’immigration incontrôlée. 

Au regard de l’alliance d'une partie de l’extrême gauche avec les islamistes, il peut y avoir une tentation de faire basculer certains musulmans vers la radicalité avec la potentielle arrivée au pouvoir du Rassemblement national. En expliquant que le RN est contre les étrangers, contre l’islam, il peut y avoir des islamistes qui peuvent profiter du communautarisme croissant qui se développe. Les hommes politiques ont donc une responsabilité dans ce contexte. Nous avons besoin d'une unité nationale pour lutter contre les extrêmes et contre le communautarisme.

Cette unité nationale doit nous permettre d’éviter la violence et de faire un saut dans le vide. 

Pour le contexte en Allemagne et alors que les élections européennes ont eu lieu, l’Europe est dans l'ombre d'un attentat islamiste chaque semaine. Depuis 2015, l'Allemagne a accueilli 1,7 millions de demandeurs d'asile qui sont arrivés de Syrie, d'Afghanistan, d'Irak et d'Iran. La majorité des attentats en Allemagne sont commis par des Afghans. Parmi ces migrants figuraient des fondamentalistes et des intégristes. Aujourd’hui, certains d’entre eux passent à l’acte. Lors de la campagne des européennes, des islamistes ont ciblé un rassemblement anti-islam dans le ville de Mannheim. Alors qu’il est autorisé de critiquer une religion en démocratie, les islamistes veulent imposer leur loi.

Les terroristes utilisent une technique de Daech. Ils cherchent à faire parler d’eux, à capter l’attention médiatique afin de faire une opération de propagande. C’est la raison pour laquelle le championnat d’Europe de football est ciblé et c’est ce qui fait redouter le pire pour la sécurité des Jeux olympiques. Cet événement mondial pourrait être ciblé par les terroristes.

Les autorités allemandes et françaises reconnaissent que la menace terroriste est élevée. Les passages à l’acte en Allemagne témoignent de cette réalité.

Le risque terroriste est-il celui d'un djihad organisé type Bataclan ou de loups solitaires chauffés par les discours sur l’islamophobie, notamment repris par les ONG pro-migrants ?

Xavier Raufer : Comme vu ci-dessus, les deux périls existent ; le cas pathologique excité par l'ambiance politique (législatives) ou sportive (JO) ; et l'attentat type "Crocus", lui, stratégique et ravageur pour l'État qui le subit.

Karim Maloum : Les islamistes font partie d’une nébuleuse. Derrière ces mouvements terroristes se cachent les Frères musulmans. Les attentats en France sont menés par des islamistes, des salafistes installés en France.

Ce qui se passe à Gaza peut également avoir une influence sur des individus qui ne sont pas liés ni à Daech, ni aux Frères musulmans. Des personnes radicalisées peuvent profiter du chaos pour mener des attentats aux couteaux pour soutenir la Palestine. Il peut y avoir une solidarité des islamistes avec la cause palestinienne dans le cadre de la guerre à Gaza.

Il est important d’être en ordre de marche en France pour lutter intellectuellement contre l'islamisme et contre cette idéologie. Les pays totalitaires de l'Union soviétique ont été contaminés intellectuellement et politiquement. Il faut être en mesure de contrer cet entrisme. Sur le plan sécuritaire, l’Allemagne montre que cela peut arriver à tout moment, ce soir, demain matin ou lors des Jeux olympiques en France.

Y-a-t-il un risque d’opérations « troubles » type attentat de Moscou pour la période des JO et des élections législatives ? Qui sont vraiment les commanditaires de telles opérations même si cela se déroule comme un attentat islamiste ?

Xavier Raufer : Le risque est indéniable. Toute entité terroriste du Moyen-Orient survivant plus qu'un semestre, pas de contre-exemple connu, passe forcément sous la coupe d'un État qui dès lors, en use comme "Pitbull" : parfois, l'État défait sa laisse et l'envoie mordre un ennemi. Un jour tragique, un de nos ministres glosa qu'en Syrie, al-Qaïda faisait du bon boulot (contre le régime Assad). Depuis lors, les experts avertis des règles du terrorisme moyen-oriental ne peuvent rejeter l'idée que les attentats du 13 novembre 2015 furent un "match retour" obéissant aux règles strictes de la stratégie indirecte... Attention à ne tirer les moustaches du tigre que quand celui-ci est bien en cage...

Karim Maloum : Au regard des attentats en Russie et des attentats en Allemagne, Daech se reconstitue. L’Etat islamique est derrière ces attentats qui leur servent de propagande et de coups médiatiques. Il y a un risque que les Jeux Olympiques soient récupérés et ciblés pour leur propagande médiatique. C'est ce qu'ils ont fait en Russie.Les membres de Daech sont les mieux préparés pour ce genre d’opérations.

Y a-t-il un risque d’un attentat potentiel en France commis par des hommes envoyés par le Hamas ; risque ayant inquiété divers services de renseignement dont ceux de l’Allemagne ?

Xavier Raufer : Le Hamas, c'est les Frères musulmans. Dans des camps des milices du Liban, Ils ont croisé des adeptes du terrorisme international, mais à ce jour, ne l'ont jamais pratiqué eux-mêmes.

Est-ce que nos services de sécurité et de renseignement sont suffisamment préparés ou est-ce que l'Etat prend la menace terroriste au sérieux ou est-ce que justement la France va être fragilisée au regard du climat politique perturbé ?

Karim Maloum : Nos services de renseignements sont pleinement mobilisés contre la menace terroriste. Ils savent très bien quel est le niveau de la menace et que le risque attentat est à son plus haut niveau au regard de la période politique et des Jeux olympiques. Les forces de sécurité déjouent un grand nombre d’attentats et parviennent à démanteler des cellules terroristes, même celles qui viennent de l’extérieur du pays.

Mais pour une opération qui ciblerait les Jeux olympiques, le plan vigipirate ne sera pas suffisant pour déjouer une telle attaque. Les efforts des services de renseignement et de sécurité seront nécessaires pour déjouer une telle attaque. 

Il est en revanche difficile de lutter contre des passages à l’acte de “loups solitaires”, de personnes radicalisées sur les réseaux sociaux, d’individus qui attaquent leurs enseignants ou qui s’en prennent à des forces de l’ordre avec des couteaux ou qui mènent des campagnes en ligne contre des personnalités publiques ou des journalistes. Certains souhaiteront passer à l’acte également dans des lieux touristiques ou symboliques en France comme devant Notre-Dame de Paris ou sur les Champs-Elysées.

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