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Alliance Sarkozy-Baroin : chevauchée fantastique d’un duo riche de ses différences ou chronique d’un divorce annoncé ?
©Gianni Giansanti / Agence Sygma

Quid de Wauquiez ?

François Baroin s'est rapproché de Nicolas Sarkozy, lequel lui aurait promis la tête de son gouvernement s'il était élu. Pourtant, le maire de Troyes peine à afficher publiquement son soutien à l'ancien président de la République, en témoigne son attitude fuyante au Congrès des maires ce mercredi 1er juin.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Contrairement à d'autres élus des Républicains, François Baroin a publiquement apporté son soutien à Anne Hidalgo, suite à ses déclarations concernant l'ouverture d'un camp humanitaire en plein Paris. Pourtant, le maire de Troyes a aujourd'hui rallié la candidature de Nicolas Sarkozy. Quelle est la nature de leur relation, qu'attendent-ils l'un de l'autre ? 

Bruno Jeudy : L'alliance conclue entre François Baroin et Nicolas Sarkozy remonte à plusieurs mois. Dans les faits, elle remonte même à une période précédant le retour de Nicolas Sarkozy en politique, en 2014. À l'époque, François Baroin avait annoncé son soutien à l'ancien président, pour peu que celui-ci se présente à la présidence de l'UMP. Cette alliance est, dans l'esprit de François Baroin, une alliance de raison. Il avait déjà soutenu François Fillon face à Jean-François Copé, dans le cadre de la campagne de l'UMP. Il a considéré que pour la présidentielle, son candidat ne serait autre que Nicolas Sarkozy. 

Dans quelle mesure les deux hommes peuvent-ils faire valoir leur complémentarité pour obtenir la confiance des électeurs de la primaire de droite, et plus largement des Français ?

Les deux hommes ne sont pas sur la même ligne sur l'ensemble des sujets. Sur des questions touchant aux valeurs et à l'identité, il y avait déjà matière à les éloigner en 2012. Il est probable que pour la campagne de 2017 François Baroin se tienne parfois en retrait par rapport à certaines déclarations de l'ancien président de la République. C'est quelque chose que l'on constate déjà avec la notion du port du voile à l'université : Nicolas Sarkozy souhaite son interdiction quand le maire de Troyes est sur une position plus tolérante. C'est manifeste également sur la question des repas de substitution à l'école, puisque François Baroin se prononce pour et que Nicolas Sarkozy a fait campagne contre à l'occasion des départementales de 2015. Il y a plusieurs sujets, parmi ceux-là, capable d'introduire un hiatus sur la ligne politique que l'ancien chef de l'Etat devra défendre dans le cadre des primaires. Rien ne dit, en revanche, qu'il s'agisse là d'éléments suffisants pour briser l'accord qu'ont passé les deux hommes : ils se retrouvent sur de nombreux autres éléments, comme les conditions de redressement du pays. Cela englobe les aspects relatifs à la gouvernance du pays, les dimensions économiques et sociales du mandat… Mais, au final, c'est la campagne qui créera – ou non  – l'osmose entre eux. Aucun élément ne vient briser cette alliance aujourd'hui.

Sachant que François Baroin se dit par ailleurs favorable à l'autorisation du port du voile islamique à l'université ou contre les crèches de noël dans les mairies, cette alliance semble-t-elle encore tenable ?  

Il est indéniable que sur ces questions-là, François Baroin et Nicolas Sarkozy ont rarement partagé les mêmes points de vue. François Baroin est assez constant depuis la rédaction de son rapport, en 2003, préalable à la loi sur le port du voile à l'école. Nicolas Sarkozy n'était, à l'époque, pas du même avis. Aujourd'hui, néanmoins, on constate une certaine forme d'inversion : l'ancien président de la République prône une laïcité stricte… et François Baroin insiste sur les éléments d'assouplissement – sinon d'accommodement – qu'il est possible de mettre en œuvre. Sur le voile à l'université, par exemple, il estime qu'il s'agit-là de personnes majeures et qu'il convient de prendre cela en compte.

Pour autant, cela ne rompt pas l'accord qui prévaut entre eux. Il est vrai que la question de l'ouverture d'un camp de réfugiés en plein Paris, à laquelle François Baroin a été l'un des premiers à répondre, témoigne d'une certaine forme de rupture avec le reste des sarkozystes qui se sont exprimés contre, comme ce fut le cas de Daniel Fasquelle, trésorier des Républicains.

Sur les questions de laïcité, Nicolas Sarkozy a eu plusieurs périodes d'atermoiements. Il a été convaincu de la loi sur le port du voile assez tard, puis il a été très allant pour interdire la burqa, défendre la laïcité. La campagne 2012 était très marquée par ces questions-là, ainsi que par sa dimension identitaire. Il s'est durci depuis son retour. Au printemps 2015, pendant la campagne des départementales, il s'est prononcé contre les repas halal à l'école. Il est devenu un laïc intégriste et a doublé François Baroin, resté dans une position très chiraquienne. Ce dernier reste très arc-bouté sur la défense de la loi 1905.

Outre François Baroin, Nicolas Sarkozy s'est également adjoint les services de Laurent Wauquiez. Ce triptyque peut-il être suffisamment cohérent sur le fond pour lui permettre de séduire à la fois sur sa droite et sur sa gauche ? Ou bien risque-t-il de produire une cacophonie qui brouillerait son positionnement politique et poserait la question de sa sincérité sur certains sujets clés ? 

On voit bien l'intérêt politique de Nicolas Sarkozy dans la construction de cet attelage qui va de François Baroin à Laurent Wauquiez. Il s'agit de composer un râteau assez large pour rassembler les différentes familles de la droite. De la plus droitière – c'est là qu'intervient Laurent Wauquiez – à la droite chiraquienne, pour laquelle il fait appel à François Baroin. La stratégie est d'autant plus facile à lire que l'ancien président de la République se pose en grand rassembleur d'une famille politique éclatée depuis son retour. Néanmoins, il est clair que l'idée de marier Laurent Wauquiez et François Baroin est audacieuse, sinon impossible, quand on connait les tempérament ou les positionnements idéologiques des deux hommes. Il est même probable qu'ils aient du mal à cohabiter passé 2017, dans le cadre d'une élection de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Après tout, l'accord tacite c'est bien d'offrir Matignon à Baroin et la présidence des Républicains à Wauquiez…

Il y a clairement, pour Nicolas Sarkozy, un risque de grand écart. C'est quelque chose qu'on a constaté de façon manifeste sur le thème du mariage pour tous, puisque son revirement via son livre La France pour la vie a été très mal vécu par une partie de la droite. Je crois d'ailleurs que c'est l'une des raisons pour laquelle il a baissé dans les sondages. Le risque, à vouloir composer avec à la fois Laurent Wauquiez et François Baroin est réel : il pourrait accentuer le côté "in-sincère" des propositions de Nicolas Sarkozy. Cela ne serait pas une première, mais il est probable qu'un tel aspect ressurgisse à la faveur de la campagne. Particulièrement si le couple Baroin-Wauquiez devait mal fonctionner. Les deux hommes se sont a priori acceptés. Ils ont discuté et se sont accordés sur quelques-uns des points essentiels. Néanmoins, seule la campagne montrera la durabilité d'une telle alliance. A la fois pour Nicolas Sarkozy, qui compte beaucoup sur cet attelage pour refaire son retard sur Alain Juppé (François Baroin jouant le rôle du lieutenant montant frontalement à l'assaut du favori quand Laurent Wauquiez doit drainer les voix droitières des sympathisants Républicains). Il sera difficile de convaincre que ce trio peut gouverner sans friction : de trop nombreuses questions les séparent. Ce sera clairement acrobatique. Cet attelage ne peut pas fonctionner autrement, en vérité, sur bien des points du programme. Pas nécessairement sur l'économie, dans la mesure où aucun d'eux n'est connu pour être un grand libéral, mais sur tout ce qui relève de l'identité, de l'Europe… clairement, cela ne sera pas toujours fluide entre eux.

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