Algorithme intelligent ou calamiteux ? Petits éléments techniques pour comprendre comment Parcoursup fonctionne vraiment<!-- --> | Atlantico.fr
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D'après un sondage BVA, 76% des jeunes considèrent que Parcoursup ne permet pas un accès équitable à l’enseignement supérieur.
D'après un sondage BVA, 76% des jeunes considèrent que Parcoursup ne permet pas un accès équitable à l’enseignement supérieur.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Sous le capot

Les premiers résultats d’admission des 917 000 candidats enregistrés sur la plateforme d’orientation sont tombés ce 1er juin. Selon un sondage BVA, 76% des jeunes estiment que la plateforme ne permet pas un accès équitable à l’enseignement supérieur.

David Monniaux

David Monniaux

David Monniaux est chercheur en informatique et directeur de recherche au CNRS. Il travaille à VERIMAG, une unité mixte de recherche du CNRS et de l'Université de Grenoble.

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Atlantico : Les premiers résultats d’admission des 917 000 candidats enregistrés sur la plateforme d’orientation sont tombés ce 1er juin. Que sait-on de l’algorithme de Parcoursup ?

David Monniaux : Dans Parcoursup, les dossiers des candidats sont envoyés aux formations (universités, classes préparatoires, écoles). Chaque formation dispose de ses propres méthodes de sélection et de classement des dossiers, qui sont ensuite remontées dans le système national. Le fonctionnement du système national est décrit dans des documents consultables en ligne sur le site de la Dgesip, du ministère de l'Enseignement supérieur. Initialement, l'idée derrière ce système est extrêmement simple. Il s'agit de prendre des listes de candidats classés par les formations et de les appeler selon les places disponibles. Si elle a 100 places, elle appellera les 100 premiers de la liste. Cependant, il peut arriver que certains candidats soient appelés par plusieurs formations. Dans ce cas, ils ont la possibilité de faire un choix et de démissionner des formations qui les intéressent moins. Cela permet aux formations d'appeler d'autres candidats sur la liste. On peut parler d’algorithme, mais c’est un système basique, sans algorithmes avancés ni intelligence artificielle.

Certaines personnes peuvent évoquer des concepts issus de la recherche, mais il faut rester pragmatique. C'est très similaire à ce qui se faisait manuellement par le passé pour des concours d'admission aux grandes écoles.

Lorsque ce système a été introduit dans APB (Admission Post-Bac), une différence est apparue. Au lieu de demander aux candidats de faire de nouvelles propositions à chaque étape, une forme de répondeur automatique a été mis en place. Les candidats devaient fournir une liste de préférences totalement ordonnée. Le répondeur automatique comparait ensuite les nouvelles propositions avec les anciennes et acceptait la meilleure option, entraînant la démission des propositions précédentes. Ce principe du répondeur automatique est en cours de réintroduction dans Parcoursup.

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En résumé, lorsque nous parlons d'algorithme, nous faisons référence à un système relativement simple à la base. Il appelle les candidats en fonction de leur classement et utilise un répondeur automatique pour accepter les nouvelles propositions préférées par rapport aux précédentes. Ce n'est pas aussi complexe que cela peut sembler lorsque l'on évoque le terme "algorithme".

Lorsque vous utilisez le répondeur automatique, il s'agit de l'algorithme de Gale et Shapley, proposé par deux économistes dans les années 1960. Parfois appelé "algorithme d'agence matrimoniale", il est utilisé pour résoudre des problèmes d'appariement. À ma connaissance, cette méthode était appliquée manuellement pour gérer les problèmes d'inscription dans les facultés de médecine aux États-Unis pour l'internat en médecine. Il est important de souligner que ces idées ne sont pas révolutionnaires ni issues de la recherche informatique, ce sont des concepts assez simples.

Cependant, des efforts ont été faits pour apporter des améliorations plus scientifiques. Lors de la conception du système, des algorithmiciens ont réellement été consultés : Claire Mathieu et Hugo Gimbert, du CNRS. Mais ce ne sont pas des spécialistes de l’appariement.

Des travaux ont été effectués pour vérifier et valider que le code exécuté par Parcoursup applique correctement cet algorithme. Lorsque vous utilisez un logiciel commercial, même s'il prétend appliquer l'algorithme en question, il peut y avoir des erreurs de programmation. Ainsi, des travaux de preuves formelles ont été réalisés pour garantir que l'algorithme de Parcoursup fonctionne correctement. Ces preuves mathématiques permettent de s'assurer de la validité de l'algorithme.

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 En ce qui concerne Parcoursup ou APB, ce n'est pas strictement la théorie de Gale et Shapley qui est appliquée. Parcoursup comprend des questions de quotas sociaux, tels que des quotas de boursiers et de personnes de la même région géographique. Les formations et les universités remontent leur classement et un système dans Parcoursup est utilisé pour appliquer ces quotas. Il arrive parfois que les enseignants du supérieur se plaignent d'avoir vu certains de leurs choix être déclassés par le rectorat, mais c'est en réalité le résultat de l'application de ces quotas. Si une formation a un quota élevé pour les étudiants locaux, les candidats extérieurs seront souvent moins bien classés, ce qui explique certains décalages.

Il y a également une gestion spécifique pour les formations ayant des internats, comme les classes préparatoires aux grandes écoles. Le système de gestion des internats dans Parcoursup est quelque peu bricolé, mais cela ne semble pas être un problème majeur pour la masse des étudiants.

Dans le projet initial, élaboré par des services plutôt juridiques, deux critères de bonus avaient été mis en place : être boursier et être géographiquement dans la même zone. Le problème survenait lorsque deux personnes se trouvaient en concurrence et que l'une avait le bonus boursier tandis que l'autre avait le bonus géographique. Cela pouvait causer des problèmes et altérer les résultats. Apparemment, cela n'avait pas été pris en compte par les services ayant rédigé le projet. Les collègues ont signalé cette faiblesse de rédaction du texte, et elle a été corrigée. Je crois que cela a donné la priorité aux boursiers lors de la correction.

Comment les formations effectuent-elles leur classement ?

C'est une question distincte, non liée à l’algorithme. En général, les formations ont leur propre jury souverain, ce qui signifie qu'ils peuvent classer les candidats comme ils le souhaitent, tant qu'ils n'appliquent pas de critères discriminatoires. Cependant, de ce que j’entends, je comprends que lorsqu'on reçoit des milliers de dossiers, il est impossible de lire intégralement toutes les lettres de motivation. Il faut savoir que les universités manquent déjà de personnel enseignant pour dispenser les cours dans la plupart des disciplines, donc il n'y a tout simplement pas assez de personnes disponibles pour lire des milliers de lettres de motivation.

Dans une large mesure, le classement se fait en prenant en compte les bulletins de notes et en effectuant des calculs, tels que des moyennes pondérées dans les disciplines considérées comme pertinentes pour la filière envisagée. On m'a également indiqué que les lettres de motivation ne sont souvent examinées que dans les cas où le classement est plus délicat, tangents. C'est pourquoi certaines personnes envoient des recettes de cuisine comme lettre de motivation, sachant pertinemment qu'elles ne seront pas lues. Mais si un candidat possède un dossier très solide, il est compréhensible que le jury n'ait pas le temps de lire toutes les lettres de motivation des candidats ayant de très bons dossiers.

L'algorithme est simple. Mais peut-on considérer qu'il est efficace ? Est-ce qu'il existe une meilleure alternative à cela ?

L'algorithme tel qu'il est mis en œuvre avec la gestion des internats, des boursiers et des candidats locaux peut sembler un peu tarabiscoté. Si l'on se réfère à l'algorithme de Gale-Shapley, qui est à la base de tout cela, on peut démontrer qu'il possède des propriétés intéressantes. Le résultat obtenu est appelé le "mariage stable". Donc, oui, l'algorithme possède de bonnes propriétés. Cependant, en ce qui concerne l'amélioration, cela dépend de ce que l'on entend par "mieux". Mieux par rapport à quoi exactement ?

Le problème est le suivant : si vous essayez de faire rentrer plus d'étudiants qu'il n'y a de places, quelle que soit la méthode que vous utilisez pour répartir les gens, vous rencontrerez des difficultés. Peu importe la sophistication de l'algorithme utilisé, le véritable problème réside dans le fait qu'il y a plus de demandes d'études que de places disponibles. Dans les universités actuelles, ce problème se pose notamment dans certaines matières, bien que cela ne soit pas uniforme. Dans une partie des matières, il y a tout simplement un manque d'enseignants ou de locaux pour accueillir dignement les étudiants. On pourrait envoyer les gens n’importe où, pourvu qu'ils trouvent une place disponible, mais serait-ce vraiment mieux ? L’avantage aussi de l’algorithme actuel, c’est qu’il a été pensé juridiquement et qu’il n’est peut-être pas fin, mais il est explicable clairement et permet de trancher plus facilement les litiges.

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