Abstention : premier parti de France<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Abstention : premier parti de France
©

Cantonales

Au-delà du résultat des élections cantonales, c'est le taux d'abstention record de 55% qui interpelle. Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère politique ?

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

Voir la bio »

35 % pour le PS, 20 % pour l’UMP, 11 % pour le FN. Voilà les résultats officiels des élections cantonales de 2011. C’est le début du rassemblement pour la victoire en 2012 de la gauche, un avertissement entendu par Jean-François Copé et un résultat meilleur que prévu pour l’ensemble de la majorité présidentielle, enfin cela confirme le vote d’adhésion au FN selon sa présidente. Sans parler d’Europe Ecologie où la fraîcheur enfantine de sa secrétaire donnerait des airs de bonnes nouvelles aux pires catastrophes. Bref, pas vraiment de perdant dans ces élections ?

La boîte noire des cantonales

Les élections cantonales apparaissent comme une sorte de boîte noire démocratique dans laquelle on n’arrive pas bien à voir ce qui se passe, ni ce qui en sort. Tous les partis se félicitent plus où moins, à leurs manières, et cela nous laisse finalement un goût d’inachevé. Mais peut être que ces élections sont plus symptomatiques du rapport au monde politique des Français que ne le laisse penser les divers commentateurs ? Et je ne parle pas seulement des instituts de sondages…

55 % d’abstention au premier et au second tour des élections cantonales. Ce chiffre m’amène à une question et à un peu de calcul mental. Moins de la moitié des inscrits sur les listes électorales ont donc voté dimanche dernier (et je ne compte donc pas les gens non inscrits dont la liste pourrait être assez longue).  Il est donc possible – mathématiquement j’entends, je ne me permettrais pas de le penser sincèrement bien sûr – que nos élus des cantonales, même élu à la majorité des votes exprimés, ne représentent donc pas la moitié des inscrits ? Malheur pour une démocratie représentative ?

Mais est-ce bien important ? Après tout nos élus sont élus, et vice versa… Et puis les élections cantonales, tout le monde s’en moque. Sauf les sondeurs, les politiques et quelques personnes au fond de la salle. D’ailleurs, même si tout le monde s’en moque et si la moitié des inscrits ne se sont même pas déplacés – quelle idée d’aller à l’école le dimanche –, ce n’est pas grave, ces élections sont bien représentatives des lignes de force qui sous tendent la vie politique française (en tout cas, selon un directeur d’institut de sondage qui n’y voit peut-être qu’un très très grand sondage, au même titre qu’un Goldorak grandeur nature pourrait être fascinant et vraiment vrai pour un gamin de 8 ans).

Bienvenue dans la post-politique

Faisons maintenant un petit retour en arrière et souvenons nous des élections régionales de 2010 : 53% d’abstention au premier tour, et 49% au second tour. Et si la véritable ligne de force de la vie politique française était l’abstention ? Si en 2012 le président de la République était élu par moins de 50 % des inscrits sur les listes électorales (je ne vous refaits  pas le calcul) ? Serions nous dans le premier pays démocratique d’Europe devenu post-politique ou post-punk – cela dépend des points de vue ? Aurions nous le premier président élu d’une démocratie représentative non représentatif de l’ensemble des électeurs ? Oups ! J’allais oublier l’Italie. Non content de nous avoir volé une coupe du monde, elle nous vole aussi le privilège d’être les premiers post-punks politiques.

En redevenant sérieux quelques instants, il semble bien que la classe politique française ne prenne pas tout à fait la mesure de ce qui se passe. Mais n’est-il pas normal qu’il y ait toujours un décalage ente l’institution et la société (la loi HADOPI, dans un autre registre, en est un bon exemple) ?

Le renouvellement des valeurs sociales

D’un point de vue sociologique on observe une saturation des valeurs associées à la tradition moderne (cf. Max Weber, le désenchantement du monde) : progrès, raison, individualisme. Et on voit émerger, ou plutôt ré-émerger, d’autres valeurs, pour le meilleur et pour le pire (cf. Michel Maffesoli, Le réenchantement du monde et La transfiguration du politique) : narcissisme de groupe, localisme, et logique émotionnel. Le modèle que nous proposent donc les différents partis n’est plus en congruence avec les attentes émergentes de la société française.

Si les Français ne votent pas c’est peut-être parce que la démocratie représentative telle qu’elle est proposée aujourd’hui ne représente pas la logique sociétale qui devrait la porter ? Que penser des responsables politiques qui se congratulent de leurs différents succès lorsque plus de la moitié des électeurs se sont abstenus ? Je vous en laisse seuls juges…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !