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Un électeur s'apprête à voter lors d'une élection. Le vide laissé par les partis politiques traditionnels pousse certains candidats à multiplier les propositions sensationnelles.
Un électeur s'apprête à voter lors d'une élection. Le vide laissé par les partis politiques traditionnels pousse certains candidats à multiplier les propositions sensationnelles.
©Grant HINDSLEY / AFP

Campagne présidentielle

Le vide laissé par les partis politiques traditionnels pousse certains candidats à exister quasi en solo en multipliant les propositions sensationnelles, du doublement du salaire des profs à la suppression du permis à points. Les électeurs sont-ils vraiment intéressés ?

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Suppression du permis à points, chèque inflation, vote à 16 ans, doublement du salaire des professeurs, assiste-t-on vraiment à une montée de la démagogie ?

Maxime Tandonnet : Oui, la campagne des présidentielles démarre sous le signe de la démagogie. Distribuer 100 euros pour 38 millions de personnes pour un coût estimé à 3,8 milliards d’euros, juste avant une élection nationale n’a, me semble-t-il aucun précédent historique. Jamais un pouvoir n’a ainsi tenté d’acheter l’électorat. Ceci est d’autant plus sidérant que la France est frappée par un déficit public d’environ 9% du PIB et une dette publique de 116%. Une candidate fait dans la surenchère en proposant 200 euros chaque mois pour tout le monde ! Jusqu’où ira-t-on ?  Ce n’est d’ailleurs pas mieux que cette autre candidate qui veut doubler le salaire des professeurs ! Rouvrir le sujet des limitations de vitesse et du permis à points va dans le même sens. La politique de sécurité routière a permis de passer de 16 000 morts sur les routes en 1972 à 2500 pour un trafic 3 fois plus important. C’est un ensemble de mesures qui ont permis ce résultat, l’amélioration du réseau routier, les limitations de vitesse, l’obligation du port de la ceinture, le permis à points, les radars… Détricoter un tel dispositif revient à sacrifier délibérément des milliers de vies. Le projet de vote à 16 ans est du même ordre. Dans la tradition démocratique on estime que 18 ans est un bon compromis entre l’ouverture démocratique et acquisition de la maturité. Il y a-t-il des signes de progrès de la conscience politique, de la culture historique et civique, de l’autonomie individuelle justifiant un passage à 16 ans ? Evidemment non. Et pourquoi pas 12 ans, pourquoi pas 7 ans (l’âge de raison !)

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A quoi cette poussée démagogique est-elle due ?

Cette poussée est due au néant de la politique. Les principaux candidats n’ont qu’une idée, fuir la réalité en lançant des propositions chocs qui font parler d’eux. Le candidat élyséen fera tout pour éviter de parler de son bilan. Et qu’a-t-il à proposer ? Une nouveau « renouvellement » ? Une nouvelle « transformation de la France » ? Personne n’y croirait. Alors, il faut fuir dans les prétendues « annonces » fracassantes censées déclencher des polémiques et plaire au public. Il en est de même pour les autres. Les candidats pensent qu’ils n’ont aucune chance de briller et de faire parler d’eux avec des projets sérieux et solides. Dans la politique spectacle il faut du sensationnel, du buzz, de l’explosif, des déclarations qui vont impressionner les médias, déclencher des débats et de l’hystérie. Et cela marche plutôt bien !

Par le passé, les propositions démagogiques étaient elles aussi prégnantes dans les campagnes présidentielles ? Y a t-il une spécificité de cette élection ?

C’est une dérive progressive. L’élection présidentielle ne se fait plus sur des projets raisonnables et cohérents mais sur des duels d’image narcissique complétement déconnectés du bien du pays. Elle se fait aussi sur des propositions gadgets qui sont le plus souvent parfaitement nuisibles mais qui vont donner une coloration concrète à un projet présidentiel. Voyez la réussite de Hollande qui « n’aimait pas les riches » et sa taxation intégrale des hauts revenus, ou Macron et la suppression de la taxe d’habitation, sans le moindre intérêt économique mais qui a fortement contribué au creusement des déficits publics. La quête du coup de communication démagogique s’impose désormais comme la règle suprême de l’élection présidentielle et nous assistons en ce moment à son triomphe.

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Doit-on s'inquiéter du fait que la campagne présidentielle ne soit menée que par des propositions de la sorte ? La multiplication des propositions démagogiques risque-t-elle de rendre inaudible les discours raisonnables qui refusent de céder à ce genre de dérives ?

Bien sûr qu’il faut s’en inquiéter. Car ces mesures peuvent trouver à s’appliquer dans le futur. Un président élu a de bonnes chances de renoncer à mettre en œuvre la plupart des gadgets sur lesquels il a été élus. Mais, en revanche, il garde les plus nocifs et les plus faciles à appliquer car allant dans le sens de la pente de la facilité quelle que soit leur nocivité. En outre le naufrage dans la démagogie a tendance à étouffer toute velléité de réforme sérieuse et de rigueur dans le gouvernement du pays. Quand une candidate a proposé la distribution de 200 € sur l’argent public par personne et par mois, qui pourra décemment parler de réduction du déficit public et de la dette publique qui pèsera sur les générations futures ? Le seul espoir tient au bon sens populaire. Les politiques ayant actuellement le vent en poupe baignent dans la démagogie. Il n’est pas certain que cela plaise forcément dans les profondeurs du pays. On se souvient des propositions de revenu universel qui avaient entraîné l’effondrement de la candidature de Benoît Hamon en 2017. Idem sur la sécurité routière : les Français dans leur majorité, ont-il envie de retrouver la loi de la jungle et l’ensanglantement de la route quand ils pensent à leurs propres enfants ? Rien de moins sûr. Le bon sens populaire est le dernier filet de résistance à la démagogie et le vertigineux déclin qui l’accompagne. Dans les six mois à venir, il peut y avoir de l’espace pour un candidat exprimant la voix de la vérité et de l’intérêt général, mais ce n’est pas gagné, loin de là…

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