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1945 : la BD mieux qu'un documentaire
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Si le retour aux sources européennes de 1945 et la démarche du plus grand des photographes d'actu, Henri Cartier-Bresson, vous intéressent, alors ne manquez pas la BD de JD.Morvan et S.Savoia.

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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L'auteur

Ils sont deux à avoir porté sur les fonts baptismaux ce deuxième volume de la collection « Aire Libre - Magnum Photos », qui comprend une histoire complète au format Bande Dessinée, en N&B, suivie de plus de 40 pages de photos et portfolio sur la vie et l’œuvre de Cartier Bresson: Sylvain Savoia & Jean-David Morvan.

Difficile de dissocier leurs biographies tant leur parcours en bande dessinée est imbriqué. Sylvain Savoia naît à Reims en 1969. Jean-David Morvan également, quelques mois plus tard. Encore adolescents, ils connaissent leur première expérience de Bande Dessinée via le fanzine Hors Gabarit (1985). Ils s’inscrivent ensuite ensemble à l’Ecole Saint-Luc de Bruxelles.

En 1993 paraît aux éditions Zenda leur première production commune, Reflets perdus (scénario de Morvan, dessin de Savoia). Suivent ensuite les séries Nomad, éd. Glénat, 1994-2000 et Al’Togo, éd. Dargaud, 2003-2012. 

En compagnie de Philippe Buchet, Savoia et Morva fondent à Reims, en octobre 1994, à Reims l'atelier 510 TTC. 

S’il leur arrive d’œuvrer séparément, ou de mener des expériences hors BD, comme la publicité ou la communication d'entreprise pour Savoia, ils gardent toujours ce lien qui les conduit à créer ensemble Cartier-Bresson, Allemagne 1945.

Thème

5 mai 1946, heure du déjeuner, Café de la Marine, Le Havre, côte Normande, France, Europe libérée. Robert Capa et Henri Cartier Bresson partagent un dernier repas avant le départ d’HCB pour New-York, Etats-Unis. Les deux amis photographes s’amusent des facéties du destin qui ont poussé le MOMA (Museum of Modern Art) à organiser une exposition ‘posthume’ de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson. Leur conversation est rapidement interrompue quand sonne l’heure du départ vers le pays de la Liberté.

Ce 2ème voyage aux Etats-Unis est l’occasion d’un retour sur les années d’apprentissage et les débuts de l’âge adulte d’Henri Cartier-Bresson. Kaléidoscope mêlant des instantanés de l’Afrique coloniale, de l’Amérique du Nord, du Mexique, ce ‘traveling arrière’ met en scène, avec tendresse, la découverte de la photographie et l’engagement politique d’HCB. 

Suivent les années de guerre, les longs mois d’emprisonnement, les tentatives d’évasion, au terme desquelles HCB mettra sa liberté et son art retrouvés au service de la libération de l’Europe.

Points forts

Lire Cartier-Bresson, Allemagne 1945, c’est réaliser une triple prise de conscience politique, historique et esthétique:

- Politique, d’abord. Quand le récent Brexit fragilise plus que jamais l’Europe, cet album rappelle opportunément l’objectif fondateur de ce projet né il y a près de 70 ans : assurer la paix à un continent qui, pendant un siècle et quatre guerres, de la Crimée aux ruines de Berlin, avait consciencieusement œuvré à sa propre destruction. Si certains semblent aujourd’hui tentés de prendre la paix pour chose acquise, cette lecture nous invite à nous souvenir de l’explosion survenue il y a 25 ans, aux portes de l’Europe, dans ces Balkans où avait déjà démarré, en 1914, le premier « suicide collectif européen » au lourd tribut de 18 600 000 morts.

La référence au conflit des Balkans nous amène à saluer, au passage, la disparition récente de Maurice G. Dantec, auteur de romans policiers et d’anticipation. Le premier, La Sirène Rouge, éd. Gallimard « Série Noire », 1993, met en scène un volontaire des Colonnes Liberty Bells, engagées en ex-Yougoslavie, lointaines parentes des Brigades internationales de la guerre d’Espagne.

- Historique également, quand la puissance du dessin nous rappelle à quel point la photographie, l’image, sont de formidables vecteurs de témoignage des soubresauts d’une époque, de la guerre d’Espagne à la Libération de Paris, des Stalag de prisonniers de guerre au massacre d’Oradour-sur-Glane.

- Esthétique ensuite, car nous plongeons au cœur de la vie et de l’œuvre d’un des plus grands photographes du XX°, Henri-Cartier Bresson, surnommé « l’œil du siècle ». Pendant la première moitié de sa vie, nous suivons l’évolution artistique du maître du ‘moment décisif’. Sa technique allie sens de la composition et capacité à capter l’instant, en privilégiant une prise unique, interdisant tout recadrage.

Esthétique encore, quand nous partons à la rencontre d’une marque mythique d’appareils photos, Leica, qui fut et reste la référence européenne et le rêve de tout photographe en devenir ; quand nous prenons avec HCP le portrait de Picasso, Giacometti, Sartre ; quand nous plongeons dans un bain en compagnie de Robert Capa, photographe ayant marqué l’inconscient collectif par les photos prises le 6 juin 1944 sur la plage normande d’Omaha Beach.

Esthétique toujours, quand nous sommes les témoins des premières réflexions qui mèneront à la fondation en 1947 par Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, George Rodger et David Seymour de la plus grande agence de photographes indépendants : Magnum.

Points faibles

Si l’on veut trouver un point faible à cet ouvrage, on pourra considérer que l’on frôle parfois l’hagiographie. On peut faire l’hypothèse que la personnalité d’Henri Cartier-Bresson était plus contrastée, donc par essence plus complexe et encore plus riche que le rendu qui en est donné.

En deux mots

- Cartier-Bresson, Allemagne 1945 … où l’on découvre que le 9° art peut se mettre avec talent au service de la découverte du 8° art – la photographie – en tissant un lien d’élégance entre ces deux univers de papier et d’images, cousins éloignés mais si proches d’une même ambition artistique : saisir un instant, restituer un mouvement, transmettre une émotion …

- Cartier-Bresson, Allemagne 1945, où l’on retourne à la source même du projet Européen. Où le camp de transit de Dessau nous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps les Européens devaient s’en remettre à l’Oncle Sam et au Grand Frère Soviétique pour gérer les déplacements des populations réfugiées. Où l’on réalise qu’à force de critiquer avec désinvolture les accords de Schengen, on perd de vue le fantastique espace de liberté de circulation et d’indépendance d’esprit qu’il nous offre.

Une phrase

« Sur les bords de l’Elbe et de la Mulde, Soviétiques et Américains géraient tant bien que mal le flux des réfugiés. 2 millions 500 mille Russes, 1 million 500 mille Polonais, 330 mille Tchèques, 1 million 750 mille habitants des Pays Baltes. 600 mille réfugiés d’Europe Centrale arrivaient de l’Ouest pour rentrer à l’Est. Dans l’autre sens : 2 millions 100 mille Français, 570 mille Belges, 400 mille Hollandais, 420 mille Italiens quittaient les zones libérées par l’Armée Rouge pour rentrer dans celles que géraient les Américains. »

Recommandation

ExcellentExcellent

BD

Cartier-Bresson, Allemagne 1945

de Jean-David Morvan, Sylvain Savoia

Ed. Magnums Photo - Aire Libre

94 p.

22 €

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