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10 ans après : le bilan mitigé de l'extension à l'Est de l'Union européenne
©Reuters

Une décennie plus tard

Il y a dix ans, dix pays rejoignaient l'Union européenne, en soulevant de nombreuses questions parmi les opinions publiques des Etats déjà membres. Ces nouveaux entrants avaient en effet un écart de niveau de vie important et provenaient d'une sphère d'influence tournée vers la Russie.

Pierre Verluise

Pierre Verluise

Docteur en géopolitique, Pierre Verluise est fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com.

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Atlantico : Le 1er mai 2004, dix nouveaux pays entrèrent dans l'Union européenne, dont huit faisaient partie auparavant de la sphère d'influence russe (quand ils n'étaient pas directement inclus dans le territoire soviétique). Quel avait été l'objectif pour l'UE de procéder à cette époque à cette intégration "massive" ?

Pierre Verluise : Ce qui n'a pas été expliqué à l'époque c'est qu'il s'agissait en fait de tenir compte d'une révolution stratégique en Europe : la fin de la Guerre froide (1947-1990). Il y a eu une "division du travail" non dite entre l'Otan et l'UE. L'Otan a pris en charge le volet sécurité en s'élargissant toujours plus vite que l'UE. Cette dernière est arrivée ensuite avec pour mission, non pas la sécurité, mais la gestion de la mise à niveau économique et normative avec une meilleure ouverture des marchés. L'élargissement de l’UE a eu lieu le 1er mai 2004, bien après, donc, les élargissements de l'Otan (12 mars 1999 et 29 mars 2004). Que nous apprend cette chronologie ? Tout d'abord que les Etats-Unis ont gagné la Guerre froide, mieux l'Otan a gagné l'après-Guerre froide et l'UE a géré l'intendance. Ce n'est pas regrettable en soi, mais le problème est que cela ne nous a pas été expliqué ainsi à l'époque. La Commission européenne nous a présenté cela comme un élargissement sans aucune conséquence sur la nature de l'Union européenne. C'est évidemment inexact car quand on fait un gâteau en ajoutant des ingrédients, ce n'est plus le même gâteau. Pourquoi pas, mais en démocratie on débat. Faute de quoi cela a eu une conséquence directe sur l'opinion publique l'année suivante et le référendum de mai 2005 quand les Français ont rejeté "cette Europe-là" sans répondre seulement  à la question sur la Constitution européenne.

Dix ans après, les objectifs vis-à-vis de l'Europe centrale et orientale ont-ils été remplis ?

Le premier objectif atteint est l'absence de la guerre touchant ces pays, ce qui est succès quand on connaît un peu l'histoire de l'Europe. L'UE est donc bien un outil à faire la paix. L'objectif de la convergence économique a vu les deux tiers des nouveaux Etats membres de 2004 poursuivre, malgré la crise, leur rattrapage en termes de niveau de vie. Il n'en demeure pas moins que les Etats rentrés dans l'UE en 2004 étaient beaucoup plus pauvres que la moyenne en termes de PIB par habitant en standard de pouvoir d'achats, et ils le restent à ce jour. Il y a certes des succès notables comme celui de la Pologne qui, grâce au travail des Polonais et au soutien de l'Union européenne, ont véritablement changé de cadre de vie. Bravo.

Les dix dernières années ont vu l'Europe connaître, du moins en grande partie, une période de difficultés économiques. Comment ces pays ont-ils traversés cette période ? Quel a été l'impact de l'UE dans le sort qu'ils ont pu connaître ?

L'Union européenne a certes réussi à redéfinir ses règles de fonctionnement pour intégrer ces Etats. Mais l'UE a surtout mobilisé des moyens financiers pour contribuer à remettre à niveau les infrastructures, notamment routières, de ces pays. Ces Etats se sont donc modernisés, ils se sont mis aux normes de l'UE, au moins sur le plan formel. L'UE a cependant tardé en 2003-2004 à comprendre l'importance de la lutte contre la corruption. Elle a fait rentrer des pays sans se doter des moyens de leur mettre suffisamment la pression sur cette question. C'est pour cela que l'UE a été beaucoup plus exigeante avec la Roumanie et la Bulgarie rentrées en 2007. Cependant les pays intégrés en 2004 ont évolué généralement dans le bon sens sur cette question même si l'on peut regretter que l'UE a longtemps fait preuve de naïveté.

Comment ces pays réagissent-ils aujourd'hui au positionnement de la Russie à l'égard de l'Ukraine ? La relative tiédeur de l'Europe vis-à-vis de la Russie risque-t-elle de ranimer une division au sein même de l'UE ?

Cela dépend des pays évidemment… Vous avez aussi bien des pays comme la Bulgarie (rentrée en 2007, ndlr), qui est très proche de la Russie, et des pays comme la Pologne ou la Lituanie qui sont bien plus réservés. L'UE a pour devise "unis dans la diversité", et le moins que l'on puisse dire c'est que cette devise est appliquée dans le domaine de la politique étrangère… Et il n'y a pas que la Russie : la relation avec les Etats-Unis ou la place de l'Afrique  divergent entre les pays membres. Il faut faire de cette diversité un atout par une mise en commun des forces, ce qui se fait parfois à la faveur des crises.

Propos recueillis par Damien Durand

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