"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard : Portrait de femme, le rêve d’un bonheur familial qui s’avère impossible... un roman très actuel<!-- --> | Atlantico.fr
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"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard a été publié aux éditions Philippe Rey.
"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard a été publié aux éditions Philippe Rey.
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"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard a été publié aux éditions Philippe Rey.

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet pour Culture-Tops

Elisabeth Autet est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard

Philippe Rey
Publié le 19 Août 2021
560 pages
25 €

Notre recommandation : BON 

THÈME

Ce livre est tout d’abord l’histoire d’une mère.

Eleanor revient dans la maison familiale, après une longue absence. Elle se souvient et nous entraîne dans son histoire des années 1970 à nos jours.

Enfant peu considérée par ses parents alcooliques, elle les perd à l’adolescence dans un accident de voiture. A la suite d’un choc qui la laisse encore plus seule, elle se lance, vers l’âge de 20 ans, dans une série de livres pour enfants qu’elle illustre également. Assurée de son succès, elle décide de se trouver une famille, de se trouver un foyer. Cela commence par l’achat d’une ferme dans le New Hampshire, en pleine campagne. Avec beaucoup d’énergie, Eleanor retape cette ferme et c’est là qu’elle va faire la connaissance de son mari, Cam, beau jeune homme, artisan ébéniste. De ce grand amour, naîtront 3 enfants, 2 filles et 1 garçon.

S’ensuit le récit du quotidien de ce couple, avec les enfants, les amis. Un quotidien somme toute qui pourrait paraître banal avec ses joies, ses soucis financiers, ses petits accidents ! Mais ce quotidien, Eleanor le vit difficilement  tant elle poursuit son but : réussir son rôle de mère. Certes, il lui faut subvenir aux besoins financiers du ménage grâce à son travail d’illustratrice (Cam, en effet, est plutôt léger quant aux problèmes d’argent et de factures) ; mais Eleanor veut tout bien faire : de beaux gâteaux, surveiller la vie scolaire… A trop vouloir être perfectionniste, elle crée une certaine distance avec ses enfants attirés par le côté insouciant et imaginatif de leur père. Elle en oublie de prendre le temps pour elle, pour être épouse. Toute cette vie qu’elle « veut » construire va voler en éclats à la suite d’un terrible accident.

Dans une seconde partie, Eleanor conte la vie familiale qui se délite ; toujours occupée à gérer le ménage, les soucis, elle s’oubliera dans son chagrin, oubliant d’aller vers les autres. Cam lui apprendra qu’il en aime une autre. Elle ne peut pardonner, ce sera le divorce et ses difficultés. Cam garde la ferme ( son rêve à elle) se  construisant une vie nouvelle. Eleanor se replie dans une solitude, dans son travail (il faut bien entretenir les enfants) et se montrera si amère que les enfants préféreront vivre avec leur père à la FERME, leur maison !

Et le livre se termine là où il a commencé. Le retour d’Eleanor dans sa maison lors d’un évènement familial, près du frêne, cet arbre qui symbolisait sa notion du bonheur familial.

POINTS FORTS

Le prologue, avec l’histoire des bonshommes-bouchons, nous fait approcher le symbole de la vie familiale rêvée par Eleanor. La description de cette famille unie, au milieu de la nature, est celle de cette ambiance de l’amour du couple, de l’amour parents-enfants, de l’amour des enfants entre eux. Eleanor  nous narre toute la complexité de sa vie de femme : gérer les joies, les tâches administratives, les finances, mais aussi les petits « bobos » de la vie ; c’est une vie consacrée au but qu’elle s’est fixée : être une bonne mère.

Cela l’entraînera dans une forme d’abnégation qui la rend tantôt indulgente (vis-à-vis de son mari) tantôt pleine de ressentiment, accumulant ainsi des rancœurs ; par son manque de dialogues, elle ne peut faire face à l’adversité. L’auteure aborde aussi le divorce et ses conséquences ; Eleanor n’a jamais voulu aborder avec ses enfants la raison de cette explosion de leur vie familiale, se donnant ainsi le mauvais rôle ; elle sera seule. L’apaisement survient lorsque le livre se termine ; l’orage d’abord, le fracas, l’arbre centenaire détruit, « c’était un sacré arbre », mais Eleanor et sa famille retrouvent la sérénité.

QUELQUES RÉSERVES

Beaucoup de thèmes abordés : le viol, les violences faites aux femmes, le sida , l’identité sexuelle, le mouvement Me too. Thèmes certes très actuels et qui traversent toute cette histoire.

ENCORE UN MOT...

De la construction d’une vie de famille rêvée à la déconstruction d’un rêve, Joyce Maynard nous fait suivre minutieusement le cheminement d’Eleanor. A travers sans doute sa propre expérience, elle analyse les liens d’un couple : comment le temps et les aléas de la vie influencent-ils des vies, une famille ?

UNE PHRASE

- Un amour trop grand pour ses enfants avait peut-être provoqué leur désamour. Savoir que pour leur mère ils représentaient ce qui comptait le plus dans sa vie pesait trop lourd pour eux trois. Leur père les aimait aussi, bien sûr, mais sans provoquer le fardeau d’obligations qu’imposait la dévotion d’Eleanor. (page 368)

- Il fallait laisser les enfants s’aventurer dans le monde. Les enfants devaient connaître la tristesse, sinon comment sauraient-ils réagir quand ils y seraient confrontés. (page 539)

L'AUTEUR

Joyce Maynard, née en 1953 dans le New Hampshire, a écrit une dizaine de livres dont Long week-end ( Philippe Rey, 2010), Les filles de l’ouragan (10-18, 2013),La Prête à tout (10-18, 2016). Où vivaient les gens heureux a reçu le Grand prix de la littérature américaine 2021. Long week-end (Last Days of Summer) et La Prête à tout ont été adaptés au cinéma. Elle vit entre le Guatemala au bord du lac Atitlan, où elle anime des ateliers d’écriture, et la Californie ; en 2018, elle s'est inscrite à l’Université de Yale pour y reprendre des études.

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