"Nucléaire, la grande méprise des anti-nucléaires" de Pierre Audigier : Un essai expert et paradoxal sur un sujet complexe<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Nucléaire, la grande méprise", de Pierre Audigier a été publié aux éditions Hugo Doc Alerte.
"Nucléaire, la grande méprise", de Pierre Audigier a été publié aux éditions Hugo Doc Alerte.
©

Atlanti-Culture

"Nucléaire, la grande méprise des anti-nucléaires", de Pierre Audigier a été publié aux éditions Hugo Doc Alerte.

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey est chroniqueur pour Culture-Tops. 

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 

Voir la bio »

"Nucléaire, la grande méprise des anti-nucléaires" de Pierre Audigier

Ed Hugo Doc Alerte
155 pages
9,95 €

Notre recommandation : BON 

THÈME

Le débat sur le Mix énergétique, pour la France comme pour l'Europe, est placé devant une série de contraintes voire de contradictions. Les contraintes sont celles de la nécessaire diminution des émissions de carbone pour produire de l'énergie - de l'électricité en particulier, de l'utilisation des sources de production les plus performantes en terme de coûts d'exploitation, de bilan carbone et de rendement, de la nécessité d'un "Mix", c'est-à-dire d'un ensemble de moyens qui contribuent, chacun à leur place et de façon coordonnée, à la satisfaction des besoins domestiques et industriels actuels et futurs.

Ce débat met en jeu les Energies Non Renouvelables "pilotables" (centrales au gaz, au charbon, au fioul, nucléaires, hydroélectriques…) et les Energies Renouvelables "intermittentes" (dépendant des conditions climatiques) et non pilotables (il y a du vent ou du soleil, ou il n'y en a pas !). Les contradictions, ce sont celles des besoins de production confrontés aux moyens disponibles et aux arbitrages économiques, politiques, voire idéologiques. Au centre du débat : l'énergie nucléaire en France et dans le monde, à l'aune des décisions européennes de décroissance voire d'arrêt de ce moyen de production d'électricité.

Pierre Audigier, expert en la matière, alimente ce débat de faits et de chiffres. Son essai se décompose en un plaidoyer pour la rationalité du maintien du nucléaire dans le mix (la seule source de production d'énergie décarbonée et pilotable actuelle), avec nombreux exemples et chiffres à l'appui. Originalité de l'ouvrage : les annexes sont bien plus nombreuses que l'argumentaire, qui évoquent de nombreuses questions objectives, subjectives, politiques et géopolitiques sur l'industrie nucléaire civile depuis 60 ans.

POINTS FORTS

Cet essai fait un point des connaissances sur le sujet, tant sur le plan technique qu'environnemental, et les replace dans le contexte des débats européens et mondiaux sur la transition énergétique.

On y apprend beaucoup de choses, notamment que l'Europe des Etats n'a pas un point de vue homogène sur le sujet, si l'Europe institutionnelle clame la sortie du nucléaire.

Ce point fait évidemment débat, en particulier sur la contradiction de l'arrêt, pour des raisons plus idéologiques que technologiques et écologiques (au sens non politique du terme), puisque les centrales nucléaires ne rejettent aucun gaz carbonique dans l'atmosphère.

Les annexes - près de 100 pages sur 144-  sont très informatives ; elles abordent des thèmes comme le panorama du nucléaire civil dans le monde, "l'exemple" de l'Allemagne, la sûreté nucléaire en France (la plus rigoureuse au monde), la question des déchets, l'analyse des accidents et incidents de ces 50 dernières années…

Il rétablit quelques vérités, que certains médias, plus ou moins consciemment, ne développent pas beaucoup - comme cette observation du GIEC en 2018 qui écrit qu'il n'est pas concevable de limiter le réchauffement climatique à +1,5° à l'horizon 2040/2050 sans l'usage de l'énergie nucléaire civile. Quelques autres sont aussi intéressantes à découvrir, comme le développement de l'énergie nucléaire civile dans le monde depuis environ 10 ans - quand la scène politique dans certains pays d'Europe laisse entendre que c'est une source de production d'énergie condamnée.

QUELQUES RÉSERVES

D'abord, cet essai est assez technique et présuppose une relative connaissance du sujet. Il faut préciser que ses explications techniques sont claires - les aspects législatifs, relatifs aux accords européens et internationaux sont plus compliqués à décoder, d'autant qu'ils sont nombreux.

Il m'a semblé que le texte principal était assez confus dans son architecture. Sur cette première partie, la mise en page n'aide pas à distinguer chapitres et sous chapitres et donc le fil des idées qui restent à ce niveau, assez lapidaires et à la limite de la "note pour expert".

Mais la lecture poursuivie jusqu'au terme de la dernière annexe, apporte quand même un supplément d'information intéressant sur ce sujet complexe.

ENCORE UN MOT...

Cet essai pose assez clairement la question des arbitrages entre sources de production d'énergie pour l'avenir, dont le nucléaire reste un objet de débat envenimé par des considérations plus idéologiques qu'environnementales. Il présente les options possibles pour la gestion, à un horizon de 30 à 50 ans, de ce mix entre moyens intermittents, non pilotables et moyens non renouvelables, pilotables et/ou non producteurs de gaz à effet de serre.

Notez que Pierre Audigier, qui est un expert reconnu en matière de pilotage énergétique et de sûreté nucléaire, ne dénigre pas les points de vue "antinucléaires" mais apporte des éclairages sur les choix à faire afin de réduire l'empreinte carbone des sources de production d'énergie.

Naturellement, la solution n'est pas simpliste même si l'auteur ne cache pas son parti pris. Cet essai, exigeant dans sa lecture, est peut-être plus accessible par ses annexes que par son texte principal !

UNE PHRASE

"… le nucléaire se heurte à une forte opposition tant au sein de la Commission que chez plusieurs Etats membres. Une situation d'autant plus paradoxale que le système électrique français obéit de manière exemplaire aux objectifs de la politique communautaire, à savoir la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité de la fourniture, l'impératif climatique et qu'il devrait offrir un point d'application idéal pour le principe de subsidiarité." P 81

 Sur la notion de complémentarité des sources de production d'électricité :
"…éolien et solaire ne sont en aucune manière complémentaires du nucléaire. C'est ce que tout un chacun peut constater en consultant les statistiques de production les jours de grand vent et de beau temps. On voit combien les sources intermittentes - qui ont priorité d'accès au réseau- peuvent alors conduire à la baisse de production nucléaire.  C'est l'effet d'éviction. Evoquer la complémentarité pour justifier le développement des ENRi (Energies Non Renouvelables intermittentes) au rythme que nous vivons aujourd'hui, ne peut conduire qu'à de graves malentendus." P 100

A propos de la sûreté nucléaire
"Dans une société démocratique où une minorité non négligeable est hostile au principe même du nucléaire, l'existence d'une autorité de sûreté respectée pour sa compétence et son indépendance et pratiquant la transparence vis- à-vis du public est une condition sine qua non de la pérennité de la production nucléaire française.

Le regretté Michel Serres disait : "C'est ce que j'appelle le renversement de la présomption de compétence. On passe de la présomption de compétence à la présomption  d'incompétence à peu près dans tous les métiers. A l'école, à l'hôpital, en politique."

Il aurait pu ajouter l'énergie." P 132

L'AUTEUR

Ingénieur de formation, Pierre Audigierest un expert reconnu en matière de pilotage énergétique et de sûreté nucléaire. Sa carrière est principalement guidée par cette expertise, qui l'a conduit à de nombreuses responsabilités dans ces domaines, en France et en Europe : il a été membre du cabinet de Maurice Schumann, chef de la mission scientifique à l’ambassade de France à Washington, adjoint du secrétaire général du Comité Interministériel à la Sécurité Nucléaire, directeur des affaires économiques au Secrétariat Général de la Défense nationale ; carrière poursuivie dans l'industrie et en conseil essentiellement dans le domaine de l’énergie, auprès de l'Union Européenne, des pays d'Afrique du Nord et de l'ex Union Soviétique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !