"Noire" de Tania de Montaigne : une approche originale et convaincante de la lutte contre la ségrégation raciale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Noire" de Tania de Montaigne : une approche originale et convaincante de la lutte contre la ségrégation raciale
©

Atlanti-Culture

ONE WOMAN SHOW

TANIA DE MONTAIGNE: NOIRE

Mis en scène: Stéphane Foenkinos


INFORMATIONS

Théâtre du Rond Point

Jusqu'au 30 juin, à 18h30 (sauf lundi).

Réservations : 01 44 95 98 21 / theatredurondpoint.fr


RECOMMANDATION 

EXCELLENT

THÈME

• L'histoire a retenu le retentissant refus de la militante afro-américaine Rosa Parks de céder sa place à un blanc le 1er décembre 1955, dans un bus de Montgomery (Alabama), où la ségrégation subsiste jusqu’en plein milieu du XXe siècle. Mais qui se souvient de Claudette Colvin, jeune noire américaine de 15 ans, qui eut pourtant la première le front de ne pas obtempérer début mars 1955 au même endroit, dans la même situation, et pour les mêmes raisons ?

• Tania de Montaigne raconte le parcours de cette oubliée de l’histoire et un épisode passé relativement inaperçu, mais qui a initié la lutte pour la fin de la ségrégation et le respect des droits civiques dans le sud des États-Unis.

• Pour ce faire, un dispositif de rideaux transparents - décidément très en vogue - permet de visualiser diverses images d’archives (photographies, extraits de films) en étroite relation avec le récit, et de nous retrouver, avec Claudette Colvin, plongés en ce printemps 1955 au cœur d’un Alabama raciste et ségrégationniste jusque dans le moindre détail de la vie quotidienne.

POINTS FORTS 

• Tout dans ce spectacle vise non pas à mettre mal à l’aise un public majoritairement blanc, mais à l’associer en s’efforçant de le mettre dans la peau d’une afro-américaine vivant à Montgomery au milieu des années 1950. C’est dire que le texte n’aborde pas seulement des rapports noirs-blancs,, mais aussi la condition des femmes, au travers de la figure d’une jeune fille aussi courageuse et entêtée que méconnue, brisée par les arrangements (politiques, judiciaires et inter-communautaires) qui se tramèrent ensuite entre les hommes par-dessus sa tête et se retournèrent contre elle.

• Le ton posé de Tania de Montaigne, tout en retenue, renonce tant à l’expression du ressentiment qu’à une confortable posture accusatoire ; elle propose une approche qui, sans être dépassionnée, suscite auprès du public des émotions moins “basiques“ que la colère ou l’emportement. La précision quasi-chirurgicale de certaines descriptions des faits et des mécanismes de la ségrégation dénonce mieux la ségrégation que des incantations “faciles“ et convenues, auxquelles d’aucuns auraient pu se livrer sur le même sujet.

• On comprend d’autant mieux pourquoi le mouvement lancé par Rosa Parks et Martin Luther King s’est focalisé sur la question des places dans les transports en commun : quand les blancs manquent de sièges, ils sont en droit d’obtenir ceux des passagers noirs lesquels, non seulement sont tenus de céder leur place, mais aussi de libérer toute la rangée pour qu’un seul blanc s’assoie, puisqu’il leur est interdit d’être assis à leur côté ! Preuve est faite de la formidable duperie que constitue le principe “séparés mais égaux“, fondement de la ségrégation dans les lieux publics (écoles, gares et moyens de transport), pourtant jugé constitutionnel depuis l’arrêt Plessy vs Ferguson adopté par la Cour suprême en mai 1896 !

POINTS FAIBLES 

• Ce texte puissant, récité sous une forme assez sobre et minimale, donne au spectacle une tournure qui peut déranger : à un moment donné par exemple, Tania de Montaigne s’exprime derrière un pupitre, de sorte que l’on peut s’interroger sur la limite ténue existant cette représentation et une conférence illustrée visuellement et musicalement, voire un cours en amphithéâtre (s’il est bien préparé et interprété, ce qui est loin d’être toujours le cas...).

EN DEUX MOTS 

C’est un épisode méconnu du racisme au quotidien dans les États-Unis du milieu des années cinquante que la mésaventure dont la jeune Claudette Colvin fut l’héroïne. Il est bon de le rappeler, quand une frange significative de l’opinion américaine montre, vote à l’appui, des attitudes qui fleurent bon le Sud ségrégationniste et raciste d’autan. Quand on songe que l’actuel locataire de la Maison blanche ne condamne ni ne décourage ces attitudes et cultive cet électorat, tout en se réclamant du parti de Lincoln ou d’Eisenhower, qui en leur temps jouèrent un rôle décisif dans l’émancipation des afro-américains...

UN EXTRAIT 

«  Écoutez ma voix et avancez encore. À présent... oui, désormais, vous êtes noire. Vous êtes une femme, donc moins qu’un homme, et vous êtes noire, donc moins que rien. Qu’y a-t-il après la femme noire ? »

L’AUTEURE 

Tania de Montaigne, romancière et essayiste, a adapté et interprète son propre roman : Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin, paru chez Grasset en 2015, et qui obtint le prix Simone Veil la même année.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !